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Après Esculape, Rome voit apparaître d’autres dieux nouveaux, locaux cette fois. Il va être question de Jules César et de son fils adoptif, Auguste. Le plus grand titre de gloire de Jules César est d’être le père d’Auguste. Celui-ci, vu sa grandeur, ne peut être qu’un dieu, descendant d’un dieu. C’est parce qu’il est le père d’Auguste que César connaît l’apothéose. Vénus, pressentant l’apothéose de Jules César, mais aussi son assassinat, et se souvenant des épreuves qu’elle-même et son fils Énée ont subies, supplie tous les dieux d’assurer la sauvegarde de César, le dernier rejeton de sa race. (15, 745-778)
Mais les dieux compatissants ne peuvent s’opposer aux décrets des Parques et, malgré les phénomènes extraordinaires, sinistres présages, avertissant de l’imminence d’un danger, ils ne peuvent empêcher la mise en œuvre du meurtre de César. (15, 779-802)
745
Ce dieu, un étranger pourtant, a fait son entrée dans nos temples.
César, lui, est un dieu dans sa propre cité. Être supérieur sous la toge
comme à la guerre, ce ne sont pas surtout ses guerres triomphales,
son action en temps de paix et sa gloire si rapidement acquise
qui l’ont métamorphosé en un astre nouveau, en une comète :
c’est son propre fils. En effet, de toutes les actions de César,
il n’en est pas de plus grande que d’être le père de notre prince.
En effet, est-ce mieux d’avoir dompté les Bretons dans leur île,
d’avoir mené sur le Nil aux sept bras, riche de papyrus,
ses nefs victorieuses, d’avoir rallié au peuple de Quirinus
755
les Numides rebelles, et Juba au pays baigné par le Cinyps,
et le Pont qui se rengorge des noms de ses Mithridates,
d’avoir mérité force triomphes et d’en avoir célébré quelques-uns,
que d’être le père d’un si grand héros ? L’avoir mis à la tête de l’Empire,
ce fut de votre part, ô dieux, une immense faveur au genre humain.
760
Aussi, comme le second ne pouvait descendre d’une semence mortelle,
le premier devait devenir un dieu. Dès que la déesse parée d’or,
la mère d’Énée, en fut consciente, elle vit aussi la triste fin
préparée au Pontife, et les armes des conjurés qui se levaient.
Alors, pâle de frayeur, elle dit à tous les dieux qu’elle rencontrait :
765
« Regarde avec quelle force on dresse des embûches contre moi,
et quelle fourberie menace la seule personne qui me reste
de la famille de Iule, le descendant de Dardanus.
Serai-je donc toujours seule à être accablée de soucis trop fondés ?
Après avoir été blessée par la lance du fils de Tydée, venu de Calydon,
770
après avoir, à ma grande confusion, mal défendu les murs de Troie,
je verrais maintenant mon fils malmené dans de longues errances,
ballotté sur les mers, pénétrer au royaume du silence
et faire la guerre à Turnus, ou plutôt, à vrai dire, à Junon !
Pourquoi maintenant rappeler les malheurs passés de ma famille ?
Ma crainte actuelle ne me permet pas d’évoquer des faits passés.
Vous voyez des glaives scélérats qui s’aiguisent contre moi.
Empêchez-les, je vous en prie, repoussez ce crime, et ne laissez pas
s’éteindre le feu de Vesta dans le sang de son prêtre massacré ! »
Angoissée, Vénus en vain lance au ciel entier ces propos
780
qui émeuvent les dieux. Impuissants à briser les décrets de fer
des sœurs vénérables, ces derniers donnent cependant
des signes très évidents du désastre qui s’annonce.
Parmi les sombres nuages, dit-on, des armes ont cliqueté,
de terribles trompettes et des cors ont retenti dans le ciel
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annonçant le sacrilège. Même le soleil, la face lugubre,
n’offrait plus aux terres inquiètes que de pâles rayons.
On vit souvent des torches embrasées parmi les astres,
souvent des gouttes mêlées de sang tombèrent des nues.
Lucifer était sans éclat, la face couverte de rouille sombre,
790
le char de la Lune avait été éclaboussé de sang.
Le hibou du Styx manifesta en mille lieux de tristes présages,
en mille lieux l’ivoire pleura et l’on entendit, dit-on,
des chants et des cris menaçants dans les bois sacrés.
Aucune victime ne rassure : la menace de grands troubles
795
se lit dans les entrailles et l’on découvre un foie au bout tranché ;
on raconte aussi que des chiens ont hurlé durant la nuit,
que sur le forum, autour des maisons et des temples des dieux,
des ombres muettes de morts ont erré et que la ville a tremblé.
Les avertissements divins n’ont pourtant pu triompher
800
des embûches et des destins à venir : des glaives dégainés
sont amenés dans un temple sacré ; car aucun endroit de la Ville
autre que la curie ne convient à ce crime, à ce massacre effroyable.
Vénus tente de protéger César en le dissimulant dans un nuage puis, à l’invitation de Jupiter, elle consulte les tables de bronze conservées dans la demeure des Parques, sur lesquelles sont gravés les incontournables décrets du destin, et singulièrement ceux qui attendent sa descendance romaine : la divinisation de Jules César, vengé et remplacé par Auguste ; ce dernier, avec l’aide des dieux, mènera avec succès de nombreuses guerres, de Modène à Actium, deviendra le maître du monde, instaurera la paix universelle, et désignera Tibère comme son successeur, avant de mourir très âgé, et d’être divinisé à son tour. Enfin, Jupiter recommande à Vénus de veiller à la transformation en astre de Jules César. (15, 803-842)
Vénus s’empresse de transporter l’âme de Jules César vers le ciel, sous la forme d’une comète. Vénus et Auguste affirment la supériorité de César, mais la Renommée porte les mérites d’Auguste au premier rang, au même titre que certains fils, connus par la mythologie, qui ont surpassé leur père. (15, 843-860)
Enfin une invocation du poète supplie tous les dieux liés à la famille de César et d’Auguste d’accorder au prince une très longue vie, avant son apothéose. (15, 861-870)
803
Alors Cythérée de ses deux mains se frappe la poitrine
et entreprend de cacher le descendant d’Énée dans le nuage,
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qui autrefois permit à Pâris d’être arraché à l’Atride son ennemi
et grâce auquel Énée échappa à la lance de Diomède.
Son père l’aborde ainsi : « Ma fille, espères-tu être la seule
à ébranler l’inéluctable destin ? Pénètre, c’est possible pour toi,
dans la demeure des trois sœurs ; tu y liras l’histoire du monde
810
sur des tables de bronze et de fer massif, travail gigantesque
qui n’a à redouter ni la colère du tonnerre et de la foudre,
ni aucune destruction, étant en lieu sûr pour l’éternité.
Tu trouveras là, gravés dans un acier indestructible
les destins de ta race ; je les ai lus et notés dans ma mémoire,
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je les rapporterai, pour que désormais tu n’ignores rien de l’avenir.
Ce héros pour qui tu te donnes tant de mal, Cythérée,
a accompli son temps et les années qu’il devait à la terre.
Que, devenu dieu, il accède au ciel et soit honoré dans des temples,
toi et son fils, vous y veillerez. Héritier de son nom,
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lui seul assumera la charge imposée et, vengeur énergique
de son père assassiné, il nous trouvera à ses côtés au combat.
Sous ses auspices, les remparts de Modène assiégée
demanderont la paix ; Pharsale sentira sa force,
un massacre à nouveau arrosera le sol de Philippes en Émathie,
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et un grand nom dans les ondes siciliennes sera vaincu.
L’épouse égyptienne du général romain, bien mal inspirée
de s’être fiée à la torche conjugale, tombera, et c’est en vain
qu’elle aura menacé d’asservir notre Capitole à son Canope.
Pourquoi t’énumérer les nations barbares qui occupent les bords
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des deux océans ? Tous les lieux habitables que porte la terre
appartiendront à ce héros ; la mer aussi lui sera soumise.
Après avoir donné la paix à l’univers, il consacrera son esprit
aux droits des citoyens et instaurera des lois très équitables.
Par son exemple, il régulera les mœurs ; ensuite,
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se projetant dans l’avenir, au temps de ses futurs descendants,
il ordonnera que le fils, né de son épouse vénérée,
prenne à la fois son nom et les soucis de cette charge.
Puis enfin, quand il aura égalé en années le vieillard de Pylos,
il atteindra les demeures de l’éther et les astres de sa famille.
Entre-temps, fais que l’âme arrachée à ce corps abattu
devienne étoile éclatante, afin que de sa demeure céleste
le divin Jules ait une vue sur notre Capitole et notre forum. »
À peine avait-il fini de parler que, en pleine séance du sénat,
la généreuse Vénus se présenta, à l’insu de tout le monde,
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arracha de son corps l’âme de son cher César, l’empêcha
de se dissoudre dans l’air, et l’amena parmi les astres du ciel.
En la portant, elle sentit l’âme s’illuminer et s’embraser ;
elle la laissa s’échapper de son sein. L’âme s’envole plus haut
que la Lune et, traînant à travers l’espace sa chevelure enflammée,
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elle devient un astre scintillant. Voyant les hauts faits de son fils,
l’astre les déclare supérieurs aux siens, heureux qu’il soit son vainqueur.
Le fils, lui, interdit que l’on préfère ses exploits à ceux de son père.
Cependant, la Renommée, libre et n’obéissant à aucun ordre,
le place au premier rang, malgré lui, et s’oppose à lui sur ce seul point.
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Ainsi le grand Atrée s’est effacé devant les titres d’Agamemnon,
ainsi Thésée a-t-il évincé Égée, ainsi Achille a-t-il surpassé Pélée.
Finalement, pour recourir à des exemples à leur mesure à eux,
ainsi Saturne est inférieur à Jupiter ; Jupiter est celui qui gouverne
les citadelles de l’éther et les trois royaumes de notre monde ;
Auguste est maître sur terre ; chacun est père et maître.
Dieux, qui avez accompagné Énée, et devant qui ont cédé
le glaive et les flammes, et vous, dieux Indigètes et Quirinus,
père de la Ville, et Gradivus, père de Quirinus l’invaincu,
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et toi, Phébus, résidant avec Vesta dans la demeure de César,
et toi, Jupiter, qui sièges au sommet de la citadelle du mont Tarpéien,
et tous les autres dieux, qu’un poète pieux a le droit d’invoquer,
je vous en prie, faites que tarde et ne vienne qu’après ma vie,
ce jour où Auguste quittera le monde qu’il gouverne,
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pour accéder au ciel d’où il aidera de loin ceux qui le prient.
Fierté et confiance du poète en son œuvre, pour lui assurer un renom impérissable !
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Et maintenant j’ai réalisé mon œuvre : ni la colère de Jupiter,
ni le feu ni le fer, ni le temps dévoreur ne pourront la détruire.
Que ce jour, qui n’a de droit que sur mon corps, mette un terme,
quand il le voudra, au parcours de ma vie à la durée incertaine.
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Immortel pourtant par la partie la meilleure de moi-même,
je serai emporté au-dessus des astres, et mon nom ne s’effacera pas.
Partout où sur les terres soumises s’étend la puissance romaine,
les lèvres des hommes me liront et, si parfois les prédictions des poètes
disent la vérité, à travers les siècles, par ma renommée, je vivrai.
Ce dieu (15, 745). Esculape, amené d’Épidaure, dont il vient d’être question (15, 622-744).
sous la toge comme à la guerre (15, 746-747). Variation d’Ovide sur une formule latine (belli domique) qui symbolise toutes les activités civiles et militaires.
comète (15, 749). César fut assassiné aux ides de Mars, le 15 mars 44 a.C., dans la cinquante-sixième année de son âge, et le récit de Suétone (Vie de César, 88, 1-2) explique bien ce qu’est cette comète :
(1) Il périt dans la cinquante-sixième année de son âge, et fut mis au nombre des dieux, non seulement par le décret qui ordonna son apothéose, mais aussi par la foule, persuadée de sa divinité. (2) Pendant les premiers jeux que donna pour lui, après son apothéose, son héritier Auguste [= les ludi Victoriae, en juillet 44], une comète, qui se levait vers la onzième heure, brilla durant sept jours de suite, et l’on crut que c’était l’âme de César reçue dans le ciel. C’est pour cette raison qu’il est représenté avec une étoile au-dessus de la tête.
De cet astrum Caesaris, ce sidus Iulium, il sera plus longuement question encore dans la suite (15, 840-851).
son propre fils (15, 750). La mère d’Octave (le futur Auguste) était une nièce de Jules César. Auguste était donc par sa mère le petit-neveu du dictateur, qui l’adopta en 45 a.C., et le considéra dès ce moment comme son fils par le sang. Ovide fait ici à l’empereur régnant une cour évidente.
Bretons (15, 752). Va suivre une évocation rapide de quelques campagnes victorieuses de Jules César, en commençant par celle contre les Bretons en Grande-Bretagne, en 54 a.C.
Nil (15, 753). Évocation de la guerre d’Alexandrie, en 48-47 a.C., qui rendit César maître de l’Égypte et de Cléopâtre. Il est fait allusion au Nil, à son delta et à sa richesse en papyrus.
peuple de Quirinus (15, 754). Les Romains, tout simplement. Cfr Mét., 15, 572.
Numides et Juba (15, 755). C’est la victoire de Thapsos en Espagne, en 46 a.C., sur les armées de Pompée et leur allié Juba Ier, roi de Numidie dans le royaume africain duquel coule le fleuve Cinyps.
Pont (15, 756). La victoire foudroyante de César (ueni, uidi, uici), près de Zéla, en 47 a.C., sur Pharnace, roi du Pont, fils de Mithridate le Grand. Six Mithridates ont successivement régné sur le royaume du Pont.
triomphes (15, 757). D’après Suétone (Vie de César, 37), César triompha cinq fois : de la Gaule d’abord (« le premier et le plus beau de ses triomphes »), ensuite d’Alexandrie, puis du Pont, puis de l’Afrique, et en dernier lieu de l’Espagne.
mère d’Énée (15, 762). Vénus, qui a une vision claire de l’avenir, sait que César connaîtra la gloire de l’apothéose, mais qu’il va être assassiné. Elle se plaint auprès des autres dieux.
Pontife (15, 763). Jules César avait été nommé Pontifex Maximus en 63 a.C., et, à ce titre, il présidait donc le culte de Vesta et le collège des Vestales. Voir Fast., 3, 415-428 avec les notes, et 3, 699. Ce vers fait allusion à la conjuration de Cassius et Brutus qui aboutit au meurtre de César aux ides de mars, en 44 a.C. et qui sera rappelée aux vers 15, 776-778.
Iule... Dardanus (15, 767). Rapprochement entre Jules César et Troie (Dardanus) en passant par Iule-Ascagne. Ce dernier, ancêtre de la gens Iulia, à laquelle appartient César, est le fils d’Énée, lui-même fils de Vénus. La déesse protège les origines troyennes de Rome. Voir notes à Mét., 15, 431 et 15, 447.
fils de Tydée... Calydon... (15, 769-774). Diomède, fils de Tydée, originaire de Calydon, en Étolie, avait blessé Vénus/Aphrodite qui s’était portée au secours d’Énée au cours d’un combat (Homère, Il., 5, 330-351). Voir aussi note à Mét., 14, 478. Ces quelques vers sont un rappel concis de l’histoire d’Énée, bien connue évidemment des lecteurs d’Ovide grâce à l’Énéide de Virgile.
Ma crainte actuelle... feu de Vesta (15, 775-778). La famille de Vénus est celle de Jules César et d’Auguste. Et la déesse prévoit ici l’assassinat du grand pontife Jules César, le prêtre de Vesta qui va être massacré. Voir plus haut la n. à 15, 763 et à 15, 767.
sœurs vénérables (15, 781). Les trois Parques, qui sont les gardiennes du Destin, et auxquelles même les dieux sont soumis. Voir Mét., 5, 532 ; Virg., Én., 1, 22 ; 3, 379, etc.
signes (15, 782). Des présages de l’époque (certains précédant ou suivant le meurtre de César) sont rapportés par différents auteurs : Virg., Géorg., 1, 466-492 ; Horace, Odes, 1, 2, v. 3-4 et 21 ; Tibulle, 2, 5, v. 67-73 ; Dion Cassius, 37, 9, et 45, 17.
torches embrasées parmi les astres (15, 787). Des étoiles filantes par exemple.
Lucifer (15, 789). L’Étoile du matin, c’est-à-dire la planète Vénus, visible dans l’hémisphère nord, soit juste avant l’aube, soit au crépuscule (dans ce cas, elle s’appelle vesper. Voir par exemple Mét., 2, 114-115, etc.
hibou du Styx... (15, 791). Oiseau de mauvais présage, oiseau funèbre, lié au Styx, fleuve des enfers (Mét., 10, 453).
l’ivoire (15, 792). Des statues de dieux étaient réalisées partiellement en ivoire, qu’on entretenait avec de l’huile.
victime... (15, 794-795). « Les haruspices examinaient les exta [...], parmi lesquels le foie jouait le rôle le plus important. On en observait surtout les extrémités saillantes (fibrae), dont la principale était appelée la tête (caput) » (J. Chamonard). Si on la trouvait absente ou coupée, la chose était interprétée comme un présage particulièrement funeste.
temple... curie (15, 801-802). La curie, lieu de réunion du sénat, était un endroit consacré (au sens technique du terme, c’est-à-dire « inauguré » comme templum), retiré donc à l’espace profane comme l’était tout sanctuaire d’un dieu. Le meurtre de César n’eut pas lieu dans la Curia Hostilia du Forum romain, qui à cette date, était en réfection, « mais au Champ de Mars, dans une salle construite par Pompée, à l’Est de son portique, et qui servait provisoirement aux réunions du Sénat » (J. Chamonard).
Cythérée... descendant d’Énée (15, 803-804). Vénus, vénérée à Cythère, et Jules César (voir notes à 15, 431, à 15, 447 et à 15, 767 avec les renvois).
Pâris... l’Atride... (15, 805). Allusion au combat singulier qui dans l’Iliade, 3, 310-382, opposa Pâris à Ménélas, un des deux Atrides, combat dont Pâris réchappa, caché par un nuage envoyé par Aphrodite.
Énée... Diomède (15, 806). Autre allusion à un épisode de l’Iliade (5, 311-317), au cours duquel Énée, blessé par Diomède, est secouru par sa mère Aphrodite/Vénus, qui le soustrait à la vue de son adversaire.
tables de bronze et de fer (15, 810). Allusion à l’usage romain de conserver leurs documents importants, dans des sanctuaires et surtout dans l’Aerarium Saturni du Forum. Les décisions des Parques sont considérées par Ovide un peu comme les « archives du monde ». Et il va de soi qu’elles étaient gravées sur un matériau solide. Cfr au vers 813, l’expression « acier indestructible ».
Ce héros (15, 816). Jules César.
son fils (15, 819). Octave/Auguste.
au combat (15, 821). Après l’énumération des victoires militaires de Jules César (ci-dessus, vers 750-759), voici celle des exploits qu’Ovide attribue à Octave-Auguste.
Modène (15, 822-823). En 43 a.C., Octave a remporté une victoire sur Marc-Antoine devant Modène.
Pharsale (15, 823). En 48 a.C., Jules César avait remporté une victoire sur Pompée, à Pharsale, au sud de la Thessalie.
Philippes (15, 824). En 42 a.C., à Philippes, dans l’est de la Macédoine, Octave avait battu Brutus et Cassius, les meurtriers de César.
Émathie (15, 824). Les deux villes de Pharsale et de Philippes sont très éloignées l’une de l’autre, mais on a l’impression qu’Ovide, après Virgile (Georg., I, 490), « sans tenir compte de la distance, considère les deux villes comme faisant partie d’un même territoire, l’Émathie, comprenant à la fois la Thessalie et la Macédoine » (J. Chamonard). Sur Émathius et l’Émathie, cfr Mét., 5, 313, et Mét., 12, 462.
un grand nom (15, 825). Allusion à Sextus Pompée, second fils de Pompée le Grand, portant lui aussi le titre de Grand ; après avoir longtemps combattu Octave, il fut finalement défait à Mylae, au Nord-Ouest de la Sicile, dans une bataille navale, en 36 a.C., par Agrippa, fidèle second d’Octave.
épouse égyptienne (15, 828). Cléopâtre, reine d’Égypte, que Marc-Antoine, général romain rival d’Octave, avait épousée en 36 a.C. À la mort de Marc-Antoine, en 30 a.C., n’ayant pas réussi à apitoyer (séduire ?) Octave, elle se suicida.
Canope (15, 828). Canope est une ville d’Égypte, proche d’Alexandrie, centre religieux important. « Ovide accuse donc Cléopâtre d’avoir voulu substituer les dieux égyptiens aux dieux romains » (J. Chamonard), le Capitole étant ici perçu comme le centre religieux de Rome.
deux océans (15, 830). De quels océans [ou quelles mers] s’agit-il ? La chose n’est pas claire.
la mer aussi (15, 831). La victoire remportée à Actium, en 31 a.C., sur Marc-Antoine et la flotte égyptienne, assura à Octave la maîtrise de toute la Méditerranée.
droits des citoyens (15, 833-835). Allusion à l’œuvre législative d’Auguste, tendant notamment à moraliser la vie de la société romaine.
le fils, né de son épouse... (15, 836). Il s’agit de Tibère, fils de l’épouse d’Auguste, Livie, et de Tibérius Claudius Néron, qu’Octave avait adopté en 4 a.C. et qui lui succédera au pouvoir en 14.
vieillard de Pylos (15, 838). Nestor, le vieux sage de l’Iliade, qui passe pour un exemple de longévité (Iliade, 1, 248-252). Voir n. à Mét., 12, 169 et Mét., 12, 187, où Nestor dit avoir déjà deux cents ans. Voir aussi Fast., 3, 533.
astres de sa famille (15, 839). Vénus a déjà son étoile, Lucifer (15, 789). Ovide va maintenant parler de l’astre de Jules César.
étoile éclatante (15, 841). On a déjà évoqué plus haut (15, 749, avec la note) cette comète qui, lors des premiers jeux célébrés par Octave en l’honneur de César divinisé, brilla dans le ciel durant sept jours. D’autres textes traitent de ce sidus Iulium, comme Plin., Nat. hist., 2, 93ss, ou Cass. Dio, 45, 7, 1.
Ainsi le grand Atrée... (15, 855-857). Le couple Jules César et Octave/Auguste va être maintenant comparé à d’autres couples pères-fils célèbres dans la mythologie : ainsi, Agamemnon, Thésée et Achille ont tous surpassé leurs pères respectifs, Atrée, Égée, et Pélée. – Sur Égée et Thésée, cfr notes à Mét., 7, 402-404. – Agamemnon est cité sans plus comme fils d’Atrée, en 13, 439. – Pélée et Achille, de leur côté, sont très souvent cités dans les Métamorphoses.
Saturne, etc (15, 858). Jupiter, à qui est comparé Auguste, est plus grand que son père, Saturne, le correspondant de Jules César.
les citadelles de l’éther et les trois royaumes (15, 859). Jupiter est le roi des dieux, qui vivent dans les « citadelles de l’éther ». Et il est aussi le maître du monde, désigné ici par le latin mundi regna triformis. L’expression a déjà été utilisée dans les Mét., 12, 39-40, où le poète précisait l’emplacement de la demeure de la Renommée, sur les limites des « trois mondes », en les détaillant « terre, mer et régions célestes ». La formule désignerait donc, non pas le monde des dieux, mais notre monde (sublunaire ou subsolaire), c’est-à-dire la terre, la mer et le ciel. Jupiter est le maître de l’univers : ciel, terre et enfers.
chacun est père et maître (15, 860). Dans la comparaison entre Jupiter et Auguste, Ovide semble vouloir ménager les susceptibilités en n’entrant pas trop dans les détails, leur domaine respectif n’est évidemment pas comparable.
qui avez accompagné Énée (15, 861). L’invocation aux dieux en faveur d’Octave/Auguste (qui n’est pas sans rappeler celle de Virgile, Géorgiques, 1, 498-501), commence par les dieux Pénates de Troie, qu’Énée a arrachés aux flammes lors de la chute de Troie, pour les emmener avec lui (voir Mét., 15, 441-443).
dieux Indigètes (15, 862). Au sens propre, le mot Indigetes semble avoir désigné dans la religion romaine une classe de petits dieux, presque oubliés, aux activités très particulières, mais il est parfois utilisé dans les textes littéraires pour caractériser les dieux du pays (indigenae). Dans un contexte comme celui-ci, Ovide pourrait avoir à l’esprit « les vieux dieux de Rome ». Il faut toutefois savoir que sur cette question rien n’est clair. On a en tout cas rencontré plus haut l’expression « Énée Indigète » (cfr Mét., 14, 607-608).
Quirinus (15, 862). Quirinus, c’est Romulus divinisé.
Gradiuus (15, 863). Gradivus est un autre nom de Mars, qui est, comme on le sait, le père de Romulus-Quirinus. L’accent est mis ici sur les victoires de Romulus. Il est dit par Ovide « invaincu », un adjectif qui ne lui est pas souvent attribué d’ailleurs.
dans la maison même de César (15, 864). Après la mort de Lépide en 12 a.C., la charge de Grand Pontife avait été reprise par Auguste, ce qui lui aurait imposé d’habiter sur le Forum non loin du temple de Vesta. Auguste décida alors de construire dans sa propre résidence, sur le Palatin, un sanctuaire de Vesta, laquelle devenait ainsi (comme Phébus-Apollon qui va être cité au vers suivant) une des divinités domestiques de l’empereur. Vesta habite donc dans la maison (= les pénates) d’Auguste. Cfr aussi Fast., 4, 949-954.
Phébus (15, 865). Apollon est une autre divinité domestique de l’empereur. Ayant lui aussi son temple dans le palais du Palatin, il habite avec la « Vesta protectrice de César » (cum Caesarea... Vesta). Cfr aussi Fast., 4, 949-954.
Mont Tarpéien (15, 866). Le temple de Jupiter Capitolin se trouvait à l’extrémité sud-ouest du Capitole, qui s’appelait le Mont Tarpéien, un nom que la colline devait à Tarpéia, celle qui avait trahi au profit des envahisseurs sabins sous Titus Tatius (cfr Mét., 14, 776).