]> Ovide, Métamorphoses, 14, 441-621

Énée au Latium (14, 440-621)

 

La guerre en Italie – Diomède refuse d’aider Énée : métamorphose de ses compagnons (14, 441-511)

Après avoir honoré d’un tombeau les cendres de sa nourrice à Gaète, Énée reprend la mer et est accueilli par le roi Latinus, qui lui transmet son trône et lui donne sa fille en mariage. Cependant, une guerre s’engage entre les Latins unis aux Troyens autour d’Énée, et les Rutules de Turnus, alliés des Tyrrhéniens. À la recherche d’alliances, Énée se rallie l’étrusque Évandre, tandis que Vénulus, envoyé de Turnus, échoue à convaincre le grec Diomède, installé désormais en Italie du sud, de prendre à nouveau les armes contre des Troyens. (14, 441-463)

Diomède raconte à l’envoyé de Turnus les malheurs qu’il a subis lors de son retour de Troie et avant son arrivée en Apulie, où il est accueilli par Daunus le Iapyge, devenu son beau-père : il décrit la tempête et le naufrage, puis l’exil loin de son pays, à cause de la rancune de Vénus. Tous les compagnons de Diomède sont fatigués après tant d’épreuves. Pour vaincre leur découragement, l’un d’eux, Acmon, les pousse à braver Vénus, laquelle redouble de colère suite à cette provocation, et métamorphose en oiseaux (ressemblants à des cygnes) Acmon et beaucoup de ses compagnons, ce qui explique le manque d’hommes à la disposition de Diomède, par ailleurs entièrement dépendant de son beau-père. (14, 464-511).

441

Macarée en avait terminé ; l’urne avec les cendres de la nourrice d’Énée

fut mise dans un tombeau de marbre portant une brève inscription :

« Ici, l’enfant que moi, Caïète, ai nourri, le héros à la piété insigne,

qui m’arracha au feu des Argiens, m’a livrée au feu qu’il me devait. »

445

On détache du talus herbeux le câble qui amarrait le navire au rivage,

et les Troyens quittent la déesse de sinistre renom, ses pièges

et ses demeures. Ils gagnent les bois où, sous les ombrages,

le Tibre assombri jette dans la mer ses rouleaux de sable jaune.

Énée fait partie de la maison de Latinus, fils de Faunus, et épouse sa fille,

450

non sans combat toutefois. Une guerre contre un peuple farouche

s’engage, et Turnus se bat avec fureur pour l’épouse promise.

Toute la Tyrrhénie est en lutte avec le Latium, et longtemps

on cherche, dans le recours aux armes, une âpre victoire.

Les deux camps accroissent leurs forces de secours extérieurs.

455

Beaucoup défendent les Rutules, beaucoup aussi le camp troyen.

Énée n’était pas allé sans succès jusqu’au seuil d’Évandre

tandis que Vénulus avait gagné en vain la ville de Diomède, l’exilé.

Avec l’appui de Daunus le Iapyge, ce dernier avait élevé de hauts murs

et occupait les terres qui provenaient de la dot de son épouse.

460

Mais lorsque Vénulus, s’acquittant des ordres de Turnus,

demanda des renforts, le héros d’Étolie allégua l’état de ses forces :

il ne voulait pas pousser à la guerre les hommes de son beau-père,

et dans son propre peuple personne n’était apte à être armé.


« Et pour que vous n’imaginiez pas que je vous mens,

465

même si ces amers souvenirs doivent raviver ma douleur,

je ferai l’effort pourtant de les rappeler. Après l’incendie de l’altière Ilion

et l’épouvante que causèrent à Pergame les flammes des Danaens,

le héros de Naryx, qui avait arraché une vierge à la déesse vierge,

fit supporter par tous le châtiment qu’il était seul à avoir mérité.

470

Nous sommes dispersés, emportés par les vents sur des flots hostiles,

et nous, Danaens, nous subissons la foudre, la nuit, les orages,

la colère du ciel et de la mer ainsi que (le comble !), le cap Caphérée.

Sans vouloir m’attarder à rapporter en détail ces tristes événements,

Priam alors aurait pu trouver que la Grèce aussi méritait d’être plainte.

475

Moi pourtant, j’eus la vie sauve, grâce à Minerve, la déesse armée,

qui m’arracha aux flots. Mais je suis à nouveau chassé de ma patrie :

c’est le châtiment que, en souvenir de son ancienne blessure,

la généreuse Vénus exigea. J’ai enduré en haute mer des épreuves

si grandes, et si grandes aussi dans des combats terrestres,

480

que souvent j’ai considéré comme heureuses toutes les victimes

englouties dans les flots par la tempête et l’intraitable Caphérée :

ah ! que je souhaiterais avoir pu partager leur sort !

Ayant déjà subi les ultimes épreuves tant à la guerre qu’en mer,

mes compagnons découragés demandent la fin de leur errance.

485

Mais le toujours ardent Acmon, surexcité aussi par ce désastre :

“ Qu’y-a-t-il que désormais votre patience refuse de supporter,

mes amis ? ” dit-il, “ que peut faire de pire la déesse de Cythère,

à supposer qu’elle le veuille ? Car quand on redoute le pire,

on peut faire un vœu ; mais quand la situation est très mauvaise,

490

on piétine la crainte et on est à l’abri de tous les maux.

Vénus peut bien m’entendre et, ce qu’elle fait d’ailleurs,

qu’elle haïsse tous les hommes de Diomède ; pourtant, tous,

nous méprisons sa haine et notre pouvoir s’en trouve grandi. ”

Par de tels propos, Acmon de Pleuron excite l’irritable Vénus

495

et par ces propos et ces attaques, il ravive la colère de la déesse.

Peu de gens approuvent ces paroles ; plus nombreux sont nos amis

qui avec moi le blâment. Mais tandis qu’il veut répondre,

sa voix faiblit en même temps que s’étrangle le canal de sa voix,

ses cheveux se font plumes, qui couvrent son nouveau cou,

500

son torse et son dos. Les plumes que reçoivent ses bras

sont plus grandes et ses coudes se courbent en ailes légères ;

les doigts de ses pieds fusionnent presque entièrement ;

sa bouche se durcit en une corne rigide et finit en pointe.

Lycus et Idas ainsi que Nyctée et Rhexénor le regardent étonnés ;

505

et pendant qu’ils s’étonnent, ils revêtent la même apparence ;

un nombre important de la troupe prend son envol

et, battant des ailes, vole en cercle autour des rameurs.

Si vous vous demandez quel aspect ont ces oiseaux curieux,

il est très proche de celui des cygnes blancs, mais pas tout à fait.

510

En fait, avec un très petit nombre des miens, j’occupe simplement ce lieu

et les champs arides du Iapyge Daunus, dont je suis le gendre. »

 

Diverses métamorphoses : l’olivier sauvage – les vaisseaux d’Énée (14, 512-565)

Sur le chemin du retour après son échec auprès de Diomède, Vénulus, le messager de Turnus, passe près d’une grotte autrefois fréquentée par des Nymphes. Un berger Apulien, grossier et rustaud, s’était moqué d’elles, ce qui lui avait valu d’être métamorphosé en olivier sauvage. (14, 512-526)

L’absence de renforts de la part de Diomède n’empêche pas la guerre de faire rage dans le Latium. Turnus avait commencé à bouter le feu aux navires d’Énée, quand Cybèle, la Mère des dieux, vint en personne sauver les bateaux en les métamorphosant en nymphes marines, occupées dorénavant à jouer dans les flots et se bornant à aider les navires en difficulté, à la condition qu’ils ne soient pas achéens. (14, 527-565)

 

Le petit-fils d’Oinée s’en tint là. Vénulus quitta le pays du Calydonien,

laissant derrière lui la baie des Peucétiens et les terres de Messapie.

Là, il aperçoit un antre, assombri par une épaisse forêt,

515

d’où suintaient de fines gouttelettes. Pan, homme à moitié bouc,

y habite maintenant, mais jadis le lieu était occupé par des nymphes.

Un berger d’Apulie les effraya et les fit s’enfuir de la région.

Cette peur soudaine provoqua d’abord leur éloignement,

mais bientôt, reprenant leurs esprits, elles méprisent leur poursuivant

520

et mènent des chœurs, en dansant d’un pas cadencé.

Le berger se moque d’elles, les imite par des bonds de rustaud,

à quoi il ajoute des propos déplacés et de grossières injures.

Sa bouche se ferma seulement quand un arbre cacha sa gorge.

Cet arbre existe en effet, et on peut identifier ses traits à sa sève :

525

il est devenu l’olivier sauvage, et ses baies amères révèlent

la marque de sa langue : en elles est passée l’âpreté de ses propos.


Quand les légats revinrent de mission, annonçant que les Étoliens

avaient refusé des armes, les Rutules engagent sans ces renforts

la guerre préparée. Dans les deux camps, coule un sang abondant.

530

Voici Turnus portant ses torches dévorantes sur les coques de pins

et maintenant celles que la mer a épargnées redoutent les flammes.

Déjà Mulciber consumait la poix, la cire et tout ce qui le nourrit,

il gagnait les voiles, il montait jusqu’en haut du mât,

la fumée enveloppait les bancs des navires recourbés,

535

quand, se souvenant de ces pins abattus au sommet de l’Ida,

la sainte mère des dieux emplit l’air des tintements du bronze

que l’on frappe et du murmure du buis dans lequel on souffle,

tandis qu’elle traverse l’air léger, tirée par ses lions apprivoisés :

« De ta droite sacrilège, tu lances en vain ces torches incendiaires,

540

Turnus ! », dit-elle. « Je te les arracherai et je ne tolérerai pas

qu’un feu dévorant détruise des parts, des membres de mes forêts. »

Pendant que parlait la déesse, le tonnerre gronda, et, après le fracas,

de lourdes nuées crevèrent, s’abattant en une grêle bondissante.

Par leur rencontre soudaine, les fils d’Astrée bouleversent l’air

545

et gonflent la mer, et des frères en viennent à se battre.

La Bonne Mère des dieux, usant des forces de l’un d’entre eux,

brisa les cordages d’étoupe qui retenaient la flotte phrygienne,

poussa les navires tête en avant et les engloutit au mileu des flots.

Le chêne des coques s’est amolli et le bois s’est transformé en chair :

550

les poupes recourbées prennent la forme de têtes humaines ;

les rames deviennent des doigts et des jambes qui nagent ;

les flancs restent ce qu’ils étaient mais, au centre, la quille,

à la base du navire, se transforme pour servir d’épine dorsale ;

les cordes se font cheveux souples, et les vergues deviennent bras ;

555

leur teinte est bleu sombre, leur couleur d’avant. Et dans les flots

qu’elles redoutaient jadis, ces vierges jouent comme des enfants,

devenues Naïades marines. Nées du sol dur des montagnes,

elles hantent l’océan en mille endroits, sans penser à leur origine.

Mais elles n’ont pas oublié combien de périls elles ont endurés

560

sur la mer cruelle, et souvent, quand la tempête malmenait des bateaux,

elles les ont soutenus de leurs mains, sauf s’ils transportaient des Achéens.

Se rappelant toujours la défaite phrygienne, elles haïssent les Pélasges :

la vue des débris du bateau du roi de Nérite leur a fait plaisir,

et c’est d’un œil tout aussi joyeux qu’elles ont vu se pétrifier

565

le bateau d’Alcinoüs, dont le bois se transforma en rocher.

 

Mort de Turnus d’Ardée – Énée Indigète – Dynastie albaine (14, 566-621)

La guerre entre les deux camps se termine enfin par la victoire d’Énée et la mort de Turnus dont la capitale, Ardée, est transformée en un immense brasier, d’où s’envole un héron ou ardea. (14, 566-580)

Les dieux, ayant constaté la valeur d’Énée, se réconcilièrent et consentirent à lui accorder, au moment de sa mort, une place en leur sein, faveur obtenue de Jupiter par Vénus. La déesse, avec l’aide du fleuve Numicius, fait en sorte de le faire disparaître après l’avoir débarrassé de ses éléments mortels. Énée sera désormais un dieu vénéré par les Romains sous le titre de « Énée Indigète ». (14, 581-608)

Suit l’énumération de onze rois d’Albe, depuis Ascagne jusqu’à Aventinus. (14, 609-621)

566

La métamorphose des navires en nymphes marines avait créé l’espoir

que la crainte du prodige détournerait le Rutule de la guerre.

Il persiste. Les deux camps ont leurs dieux et, ce qui vaut bien les dieux,

ils ont leur courage. Désormais ce n’est plus le royaume reçu en dot

570

ni le sceptre d’un beau-père, ni toi, jeune Lavinia, qu’ils réclament :

leur but est de vaincre et, pour l’honneur de ne pas renoncer,

ils se font la guerre. Finalement Vénus voit la victoire des armes

de son fils. Turnus tombe, et tombe Ardée, réputée puissante

du vivant de Turnus. Quand le glaive barbare l’eut anéantie,

575

quand ses toits eurent disparu sous la cendre tiède,

du milieu du tas de gravats s’envole alors pour la première fois

un oiseau inconnu, qui fouette les cendres en battant des ailes.

Il a en propre les cris, la maigreur, la pâleur et tous les traits

d’une ville prise, et il conserve aussi le nom de la ville,

580

Ardea, qui déplore ses malheurs en battant des ailes.


Désormais, la bravoure d’Énée avait amené tous les dieux,

et Junon elle-même, à mettre un terme à de vieilles colères.

Alors, une fois bien établi le pouvoir de Iule qui grandissait,

l’heure de monter au ciel sonna pour le héros, fils de Cythérée.

585

Vénus avait fait des démarches auprès des dieux et avait dit,

enlaçant de ses bras le cou de son père : « Jamais, à aucun moment,

tu ne t’es montré dur envers moi, alors je souhaite que maintenant

tu sois très doux pour moi et mon cher Énée, né de mon sang,

et dont tu es le grand-père. Accorde-lui, père très bon, un pouvoir divin,

590

si petit soit-il, pourvu que tu lui donnes quelque chose. Il suffit qu’il ait vu

une fois déjà le royaume déplaisant, et vogué sur les eaux du Styx. »

Les dieux approuvèrent. Le visage de l’épouse du roi des dieux

ne resta pas insensible et donna son consentement d’un air serein.

Alors, le père des dieux dit : « Vous êtes dignes de la puissance céleste,

595

toi qui la demandes, et lui pour qui tu la demandes ; reçois, ma fille,

ce que tu souhaites. » Il avait parlé. Heureuse, elle remercie son père,

et à travers l’air léger, transportée par un attelage de colombes,

elle se rend vers le rivage des Laurentes, où, protégé par les roseaux

serpente le fleuve Numicius qui dirige ses ondes vers la mer voisine.

600

Elle lui ordonne de laver Énée de tous ses éléments soumis à la mort

et de les emmener sous les ondes dans son courant silencieux.

Le dieu cornu exécute les ordres de Vénus : avec ses eaux

tout ce qu’il y avait de mortel en Énée, il le purifie

et il le disperse : c’est sa part la meilleure qui lui reste.

605

Sa mère enduit son corps purifié d’un parfum divin,

lui touche la bouche d’un mélange d’ambroisie et de doux nectar,

faisant de lui un dieu, que le peuple de Quirinus appelle

Indigète, accueilli dans un temple et honoré sur des autels.


Ensuite, Ascagne au double nom exerça son autorité à Albe

610

et au Latium. Silvius lui succéda, et né de Silvius,

Latinus reçut de lui, avec un nom repris au passé,

le sceptre ancestral. L’illustre Alba suivit Latinus ;

Épytus naquit de lui ; après, vinrent Capétus et Capys,

mais Capys en premier lieu. Tibérinus reçut leur trône

615

en héritage, et s’étant noyé dans les eaux du fleuve toscan,

il donna son nom au cours d’eau. De lui naquirent

Rémulus et le cruel Acrota. Rémulus, l’aîné, périt

frappé par la foudre, pour avoir voulu imiter la foudre.

Acrota, plus réservé que son frère, transmit son sceptre

620

au valeureux Aventinus, qui git là-même où il avait régné,

enseveli sur ce même mont auquel il donna son nom.

 

Table des matières

 

Notes

Macarée en avait terminé... (14, 441ss). Avec la fin des récits de Macarée, commencés au vers 223, Ovide transporte Énée dans le Latium, et s’inspire du livre 7 de l’Énéide. Chez Virgile, l’intervention de Neptune évite à Énée de faire halte chez Circé (Én., 7, 21-24).

nourrice d’Énée (14, 441-444). Virgile signale qu’Énée, en route vers le Latium après sa visite aux enfers, fit halte à Gaète, où il rendit les derniers devoirs à sa nourrice, Caiète, qui donna son nom à l’endroit (Én., 6, 900-901 ; 7, 1-7, avec n. à 7, 1).

On détache... Latinus... (14, 445-450). En six vers, Ovide résume plusieurs passages de l’Énéide : 7, 25-35 (débarquement dans l’estuaire du Tibre), et 7, 148-285 (accords conclus entre Latinus et Énée). Le roi des Laurentes ou des Latins, Latinus, fils de Faunus, accueille Énée, s’entend avec lui, et lui offre sa fille Lavinia en mariage.

Turnus (14, 451). Roi des Rutules, dont la capitale est Ardée. Fiancé à Lavinia, il n’a pas supporté d’être évincé au profit d’Énée. Avec l’aide de la mère de Lavinia, il prend la tête d’une rebellion contre Latinus. Les rapports de force vont s’établir dans toute l’Italie selon la suite de l’Énéide. On pourra voir par exemple le « Catalogue des Italiens » qui se sont coalisés contre les Troyens (Én., 7, 647-782).

Tyrrhénie (14, 452). L’Étrurie, avec Mézence et Lausus (Én., 7, 647-654), s’étaient alliés à Turnus contre Énée.

Évandre (14, 456). Roi de Pallantée, sur le site de la future Rome, Évandre promet son aide à Énée et lui suggère de solliciter l’aide des Étrusques ennemis de Mézence (Én., 8, 102-174 et 8, 454-519).

Vénulus (14, 457-8). Personnage probablement inventé par Virgile, Vénulus (cfr Én., 8, 9 avec d’autres liens) est envoyé par le Rutule Turnus auprès de Diomède pour lui demander de l’aide. Il reviendra bredouille.

Diomède (14, 457-8). Fils de Tydée, originaire d’Étolie et devenu roi d’Argos, Diomède est un héros grec venu à Troie où il joue un rôle important dans la guerre (cfr n. à Én., 8, 9-17). À son retour à Argos, il se trouva déshonoré par la conduite de sa femme et, pour échapper à la honte, dut s’exiler et se réfugier en Apulie, où il fut accueilli par Daunus, qui lui accorda des terres et la main de sa fille. Il aurait fondé en Grande-Grèce plusieurs villes, dont Bénévent, Brindes et Vénafre.

Daunus le Iapyge (14, 457-8). Daunus et ses frères, à la tête d’une armée d’Illyriens, occupèrent l’Italie du sud (Apulie), en chassèrent les Ausones et y fondèrent trois royaumes (Dauniens, Messapiens, Peucétiens) constituant le pays des Iapyges. Daunus passe pour être le père de Turnus.

héros de Naryx (14, 468). Ajax, provenant de Naryx (une ville de Locride sur le Golfe d’Eubée), avait, lors du sac de Troie, arraché la prophétesse Cassandre, fille de Priam, à l’autel de Pallas/Minerve, la déesse vierge où elle s’était réfugiée. La déesse se vengea en faisant subir aux Grecs un naufrage lors de leur retour. Sur Cassandre, voir Én., 2, 246-247 (avec d’autres liens).

cap Capharée (14, 472). Cap situé à l’extrême sud-est de l’île d’Eubée, où se brisa la flotte grecque rentrant de Troie, et où périt Ajax (Én., 11, 258-260).

Vénus (14, 478). Diomède, sauvé du naufrage par Pallas/Minerve, n’échappa pas à la vindicte d’une autre déesse, Aphrodite/Vénus, qui, à Troie, avait été blessée à la main par Diomède tandis qu’elle venait au secours de son fils Énée (Homère, Il., 5, 311-352). Vénus aurait puni Diomède par l’infidélité de son épouse à Argos (cfr supra n. à 14, 457-458).

Acmon (14, 484-5). Un des hommes de Diomède, inconnu par ailleurs. Selon 14, 494, il provient de Pleuron, une ville au sud de l’Étolie, la région dont Diomède est originaire.

un vœu (14, 489). La tradition manuscrite hésite à cet endroit : in uoto ou in uulnus (version de Lafaye). Nous avons suivi in uoto.

Lycus... Idas... Nyctée et Rhexénor... (14, 504-509). Ces noms, connus par ailleurs, semblent être attribués par Ovide un peu au hasard à des compagnons de Diomède. Leur métamorphose en oiseaux (qui pourraient être des mouettes) est également racontée par Antoninus Liberalis, 37, mais avec certaines différences.

petit-fils d’Oinée... Calydonien (14, 512-3). Diomède avait pour grand-père Oinée, roi de Calydon, en Étolie, et pour père Tydée, devenu roi d’Argos.

Peucétiens... Messapie (14, 512-3). Pour les Peucétiens et la Messapie, désignant l’Apulie (extrême sud-est de la botte italienne), cfr n. à 14, 457-458.

Pan (14, 515). Le dieu Pan, fils d’Hermès et d’une nymphe, était originaire d’Arcadie. Il présidait aux troupeaux et représentait la nature entière personnifiée. Portant des cornes et des pattes de chèvre, il effrayait les hommes par ses brusques apparitions (d’où l’expression « terreur panique »). Il passait (1, 685-712) pour l’inventeur de la flûte à sept tuyaux (la flûte de Pan), et figurait volontiers dans le cortège de Dionysos. Cfr Mét., 11, 147.

olivier sauvage (14, 525). La métamorphose d’un berger en olivier sauvage, racontée en 14, 517-526, correspond à Antoninus Liberalis, 31, où des Nymphes, offensées par des paysans Messapiens, les punirent en les transformant en arbres émettant des gémissements.

Voici Turnus... (14, 530-565). L’épisode de l’incendie des vaisseaux d’Énée (navires faits en pins du mont Ida) par Turnus et de leur métamorphose en nymphes marines correspond à Virgile, Én., 9, 12-127.

Mulciber (14, 532-3). Littéralement « qui assouplit les métaux » est un des noms de Vulcain, le dieu-forgeron. (cfr Mét., 2, 5 ; 9, 263 et 9, 423). Il désigne ici simplement le feu.

sainte mère des dieux...  (14, 535-538). Cfr la note à Mét., 10, 687. Il s’agit de Cybèle, la « Grande Mère » ou la « Mère des Dieux », originaire de Phrygie. Elle personnifie la puissance naturelle de la végétation. Son culte s’est répandu dans le monde méditerranéen, et en Grèce elle fut rapidement assimilée à Rhéa, épouse de Cronos et mère de Zeus. Pour une présentation générale, voir Fastes, 4, 179-372, et particulièrement la n. au vers 4, 181. Voir aussi Virg., Én., 9, 80-83n. et aussi 3, 5-6, où on voit Énée se construire une flotte avec des pins de l’Ida, consacrés à Cybèle. Pour le cortège de Cybèle, voir Mét., 10, 696.

fils d’Astrée (14, 544-5). Selon Hésiode, Théogonie, 378ss, les vents Zéphyr, Borée et Notos sont les fils d’Astrée. Chez Homère, le père des vents est Éole.

Pélasges (14, 562). Les Grecs, ennemis des Troyens. Cfr Mét., 7, 49 et 7, 133.

roi de Nérite (14, 563). Ulysse, roi d’Ithaque et d’îles voisines, dont Nérite (cfr Mét., 14, 159). En quittant l’île du Soleil, Ulysse, dont l’équipage avait dérobé les bœufs du Soleil, avait fait naufrage, puis avait été recueilli par Calypso (Od., 12, 399-450).

bateau d’Alcinoüs (14, 565). Alcinoüs, roi des Phéaciens, avait chargé ses hommes de reconduire Ulysse à Ithaque. Mission accomplie, les Phéaciens déposèrent Ulysse et de somptueux présents sur le rivage d’Ithaque, puis reprirent la mer. Mais Poseidon, dont la rancœur contre Ulysse était tenace, transforma le bateau en rocher (Od., 13, 125-164).

Ardée... (14, 573-580). Ville du Latium, non loin de la côte Tyrrhénienne, dont la légende faisait la capitale du Rutule Turnus. Le rapport entre le nom de la ville et celui du héros (ardea) semble fantaisiste.

terme à de vieilles colères (14, 581-582). On se rappelle que l’Énéide de Virgile commence avec la colère de Junon, très hostile à la naissance d’une nouvelle Troie en Italie et cause de toutes les épreuves endurées par Énée (Iunonis ob iram : Én., 1, 4) et se termine avec la réconciliation générale des dieux (Én., 12, 791-842).

Iule (14, 583). Le fils d’Énée, Ascagne, prénommé aussi Iule. Quittant Lavinium, fondation d’Énée, Ascagne-Iule avait fondé Albe-la-Longue, dont la puissance était solidement établie (cfr Tite-Live, I, 3). Énée peut maintenant mourir.

monter au ciel (14, 584). D’après la légende, Énée aurait disparu lors d’une bataille livrée sur les bords du fleuve Numicus (cfr infra, v. 599). Pour Denys d’Halicarnasse (I, 64, 4), « les uns conclurent qu’il avait été élevé au rang des dieux, les autres qu’il avait péri noyé dans le Numicus voisin ». Les partisans de l’apothéose croyaient qu’il était identifié à Jupiter Indigète (cfr infra, v. 608). Plusieurs textes évoquent cette histoire, comme par exemple Caton (Origines, I, 10 Chassignet, avec une liste détaillée de références), Tite-Live (I, 2, 6), Denys d’Halicarnasse (I, 64, 4-5).

les eaux du Styx (14, 590-1). Allusion à la visite d’Énée aux enfers (Mét., 14, 101-121, ainsi que Énéide, 6).

Laurentes (14, 598). Voir n. à Mét., 14, 336.

Numicius (14, 599). Le fleuve du Latium près duquel Énée aurait disparu. Il en a été question ailleurs (cfr n. à Mét., 14, 328-330, et Virg., Én., 7, 148-151 avec n. à 7, 242 et 7, 797).

le dieu cornu (14, 602). Les fleuves étaient souvent représentés avec des cornes (cfr par ex. Acheloüs, Mét., 9, 97).

Quirinus (14, 607). Divinité romaine à laquelle fut identifié Romulus une fois monté au ciel (cfr Mét., 14, 828). L’expression « le peuple de Quirinus » désigne simplement les Romains, peuple de Romulus.

Indigète (14, 608). Cfr Tite-Live, I, 2, 6 : « De quelque façon que la loi et la religion veuillent qu’on le nomme, Énée repose au bord du fleuve Numicus et est appelé Jupiter Indigète » (J. Heurgon et G. Baillet). L’étymologie et la signification de cette épithète Indiges sont très obscures, et il ne semble pas qu’il y ait jamais eu à Rome un véritable culte rendu à Énée sous l’appellation de Jupiter Indiges. Mais le fait est qu’on a cru à Rome qu’Énée, comme Romulus (cfr Mét., 14, 806-828), étaient montés au ciel.

Ensuite (14, 609-622). Ovide donne ensuite une liste des rois légendaires, censés avoir régné sur Albe depuis Ascagne-Iule, fils d’Énée, jusqu’à Proca, le père de Numitor et d’Amulius. Ils ont été imaginés à date relativement récente, et leur liste varie d’un auteur à l’autre. Nous ne commenterons pas chacun des noms. Voici à titre d’exemple la version de Tite-Live (I, 3, 6-10) :

« Ensuite régna le fils d’Ascagne, Siluius, qui justement avait vu le jour dans une forêt. Lui-même engendra Énée Siluius et celui-ci, plus tard, Latinus Siluius. Ce dernier fit partir plusieurs groupes de colons qu’on appelle les Anciens Latins. Le surnom de Siluius fut maintenu pour tous ceux qui régnèrent à Albe. De Latinus naquit Alba, d’Alba Atys, d’Atys Capys, de Capys Capétus, de Capétus Tibérinus, qui se noya en traversant l’Albula et donna à ce fleuve son nom que l’avenir rendrait célèbre. Plus tard vint Agrippa, fils de Tibérinus ; après Agrippa, régna Romulus Siluius, qui reçut de son père le pouvoir. Lui-même fut foudroyé et le pouvoir royal échut directement à Aventinus. Celui-ci a donné son nom à la colline où il fut enterré et qui fait partie maintenant de Rome. Proca régna ensuite. Il engendra Numitor et Amulius. » (trad. D. De Clercq, BCS)