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Après le discours d’Ajax, Ulysse, orateur attendu et habile, s’adresse à l’assemblée, déplorant d’abord la mort d’Achille, dont il prétend être l’héritier le plus indiqué, et se justifiant de recourir ici pour se défendre aux talents qu’il a toujours mis au service des Achéens. (13, 123-139)
En réponse à Ajax à propos de la noblesse de sa naissance et de ses liens de parenté avec Achille, Ulysse, après avoir affirmé la supériorité des mérites personnels sur ceux de la naissance, se prétend égal, sinon supérieur à Ajax, par sa double ascendance divine. Par ailleurs Achille a des héritiers plus directs qu’Ajax, Pélée et Pyrrhus/Néoptolème. (13, 140-158)
Donc la valeur personnelle étant le critère décisif pour l’octroi des armes, Ulysse rappelle que grâce à son ingéniosité il a démasqué Achille qui se soustrayait à la guerre sous un déguisement féminin, alors que sa présence était indispensable à la chute de Troie. Ulysse peut dès lors s’attribuer le mérite de nombre d’exploits accomplis par Achille, dont le plus important fut la mort d’Hector. (13, 159-180)
123
Le fils de Télamon avait fini, et un murmure de la foule
avait suivi ses derniers mots, quand se leva le héros, fils de Laërte.
125
Il baissa les yeux un bref moment, puis les leva vers les chefs,
ouvrit la bouche et, comme on s’y attendait, il fit entendre sa voix,
avec son éloquence non dépourvue de charme :
« Pélasges, si mes vœux ainsi que les vôtres s’étaient réalisés,
l’héritier de l’objet de notre grande contestation ne ferait pas problème :
130
toi, Achille, tu jouirais de tes armes, et nous de ta présence.
Mais un sort injuste nous a privés, vous et moi, de ce héros, »
et, s’essuyant les yeux de la main comme s’il pleurait, il dit :
« Qui pourrait être meilleur successeur du grand Achille,
sinon celui qui amena le grand Achille à se joindre aux Danaens ?
135
Puisse Ajax ne pas tirer avantage de paraître aussi obtus qu’il l’est,
et puisse mon intelligence, qui toujours vous a été profitable, Achéens,
ne pas me desservir ! Et si j’ai un peu d’éloquence, que ce talent
qui, après vous avoir souvent défendus, défend maintenant ma cause,
ne suscite pas l’envie, et que nul n’ait à renoncer à ses propres dons.
140
Car la naissance, les ancêtres et ce que nous n’avons pas fait nous-mêmes,
j’ai peine à considérer que cela nous appartient. Mais cependant,
puisque Ajax s’est dit petit-fils de Jupiter, l’auteur de mon sang aussi
est Jupiter, et le même degré de parenté nous distance de lui, Ajax et moi.
En effet, mon père est Laërte, lui-même fils d’Arcésius,
dont l’ancêtre est Jupiter, et aucun d’eux ne fut condamné ni exilé.
Il y a aussi du côté de ma mère le dieu du Cyllène, qui à nos titres
ajouta une seconde noblesse ; mes deux parents ont un ancêtre divin.
Mais ce n’est ni parce que je suis de naissance plus noble par ma mère,
ni parce que mon père est innocent du sang de son frère
150
que je revendique ces armes. Jugez la cause selon nos mérites.
Qu’on ne considère pas comme un mérite pour Ajax
d’avoir pour frères Télamon et Pélée, ni l’ordre de succession,
mais l’éclat du mérite, lors de l’attribution de ces dépouilles !
Ou bien, si l’on recherche le lien de parenté le plus proche,
et le premier héritier, il y a son père Pélée, et Pyrrhus, son fils :
quel rang a Ajax ? Qu’on expédie les armes à Phthie ou à Scyros !
Teucer n’est pas moins qu’Ajax le cousin d’Achille ; pour autant,
réclame-t-il ces armes ? Les obtiendrait-il, s’il les réclamait ?
Donc, puisque le débat porte simplement sur des actes,
j’ai en fait accompli plus d’exploits que ne pourrait facilement
les résumer mon discours ; cependant, je suivrai le fil des faits.
La Néréide, avertie de la mort prochaine de son enfant,
travestit son fils pour le cacher ; tous s’y étaient trompés,
y compris Ajax, abusés par le déguisement que portait Achille.
165
Moi, afin de toucher sa fibre virile, j’ai introduit des armes,
parmi des articles pour dames ; et il ne s’était pas encore défait
de ses habits de fille, que déjà il avait en main un bouclier et une lance :
“ Fils de déesse, ” lui dis-je, “ Pergame, destinée à périr de ta main,
t’attend ; pourquoi tarder à renverser l’immense Troie ? ”
Je mis la main sur lui, et envoyai ce valeureux à ses actes valeureux.
Ses exploits sont donc les miens ; j’ai au combat dompté Télèphe
avec ma lance, puis je le rendis à la vie quand, vaincu, il me supplia.
La chute de Thébé, c’est mon œuvre ; créditez-moi aussi
de la conquête de Lesbos, et de Ténédos, de Chrysé et de Cilla,
175
ces villes sacrées d’Apollon, et de celle de Scyros ; c’est ma main,
pensez-y, qui a ébranlé et fait s’écrouler les murailles de Lyrnesse.
Et sans citer d’autres exemples, celui qui allait perdre le farouche Hector
c’est moi qui vous l’ai amené ; l’illustre Hector gît sur le sol grâce à moi !
Je réclame ces armes au nom de celles qui m’ont fait découvrir Achille ;
180
je lui avais offert des armes de son vivant, je les revendique après sa mort.
Ulysse a joué aussi un rôle important à Aulis, quand il a persuadé Agamemnon de sacrifier Iphigénie, par souci du bien commun, en dépit de sa tendresse paternelle ; son ingéniosité lui a permis d’amener à Aulis Clytemnestre et Iphigénie. Enfin, il s’est chargé aussi d’une mission périlleuse (et vaine !) à Troie avec Ménélas, pour exiger réparation après l’enlèvement d’Hélène. (13, 181-204)
Durant la longue période de calme qui sépara, durant le siège de Troie, les premiers combats et la dernière année de la guerre, Ajax reste absolument inactif, alors qu’Ulysse se rend utile de mille façons. Quand, vers la dixième année de la guerre, Agamemnon, influencé par un rêve, conseille aux Danaens de retourner au pays, Ajax, comme beaucoup d’autres, est prêt à fuir. Lors de l’assemblée convoquée par Agamemnon, Ajax n’a pas osé prendre la parole, à la différence de Thersite, remis à sa place par Ulysse, qui par ses discours dissuade les défaitistes de fuir. Donc Ulysse s’estime en droit de s’attribuer aussi les exploits accomplis dès ce moment par Ajax. (13, 205-237)
À ces diverses interventions « diplomatiques », s’ajoutent les hauts faits qu’Ulysse accomplit en compagnie de Diomède : mission d’espionnage à Troie et meurtre de Dolon, meurtre de Rhésus et capture de son char et de ses chevaux, et toute la série des ennemis abattus lors de son expédition contre Sarpédon de Lycie. Enfin, pour prouver sa bravoure, il exhibe ses cicatrices à Ajax, qui lui n’en porte aucune. (13, 238-267)
181
Dès que l’ensemble des Danaens apprit l’outrage d’un seul des leurs,
quand mille navires eurent empli le port d’Aulis près de l’Eubée,
on attendit longtemps des vents, qui étaient ou inexistants
ou contraires à la flotte. Un oracle impitoyable ordonne à Agamemnon
185
d’immoler à la cruelle Diane sa fille, qui ne méritait pas ce sort.
Le père s’y refuse et s’emporte contre les dieux eux-mêmes,
car dans un roi, il y a aussi un père : c’est moi qui, par mes paroles,
ai converti le cœur tendre de ce père à se soucier du bien public.
Aujourd’hui, je le déclare, et que l’Atride me pardonne,
190
j’ai soutenu une cause difficile, devant un juge partial.
Mais le bien commun, celui de son frère et les pouvoirs du sceptre
qui lui a été donné le poussent à peser entre sa gloire et son sang.
Je suis aussi envoyé près de la mère, que je ne dus pas convaincre
mais tromper avec diplomatie ; si Ajax, le fils de Télamon y était allé,
195
les voiles des bateaux en seraient encore à attendre les vents.
L’orateur hardi que je suis est envoyé dans la forteresse d’Ilion,
j’ai vu la curie de Troie l’altière et j’y suis entré.
Elle était alors pleine de guerriers. Sans éprouver de crainte,
j’ai plaidé la cause commune, que m’avait confiée la Grèce.
200
J’accuse Pâris, je réclame le butin qu’il a enlevé avec Hélène,
et j’arrive à émouvoir Priam et Anténor, qui s’est joint à Priam.
Mais Pâris et ses frères, et ceux qui avaient participé au rapt avec lui,
eurent peine à contenir leurs mains scélérates. Tu le sais, Ménélas :
ce fut là le premier jour de danger que je vécus avec toi.
205
Il serait long de rappeler les services que vous ont rendus
mes conseils et mon bras, tout le temps de cette longue guerre.
Après les premiers combats, les ennemis se confinèrent longtemps
derrière leurs murs, et jamais une rencontre en rase campagne
ne put avoir lieu. La dixième année, nous reprîmes enfin les combats.
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Dans l’intervalle, que fais-tu, toi qui ne sais que te battre ?
À quoi étais-tu occupé ? Mais, si tu demandes ce que moi je faisais,
je tendais des embuscades à l’ennemi, j’entourais les fossés d’un rempart,
j’encourageais mes compagnons à supporter d’un esprit serein
les ennuis d’une longue guerre, je leur enseignais de quelle façon
215
ils devaient s’alimenter, s’armer ; on m’envoie là où c’est nécessaire.
Mais voici que sur ordre de Jupiter, le roi, abusé par la vision d’un rêve,
nous ordonne de renoncer à la guerre entreprise et à ses soucis.
Il peut défendre sa propre décision, au nom de Jupiter son garant.
Ajax devrait s’y opposer, réclamer la destruction de Pergame, se battre,
220
ce dont il est capable. Pourquoi ne retint-il pas les hommes sur le départ ?
Pourquoi ne s’arme-t-il pas, pour pousser la foule hésitante à le suivre ?
Ce n’était pas trop attendre d’un guerrier n’ayant qu’exploits à la bouche.
Et que dire aussi de sa propre fuite ? Je t’ai vu et j’ai eu honte de te voir,
quand tu tournais le dos et préparais honteusement tes voiles.
225
Mais sans attendre, je dis : “ Que faites-vous ? Mes amis,
quelle folie vous pousse à renoncer à Troie, qui est prise ?
Que ramenez-vous chez vous, après dix ans, sinon le déshonneur ? ”
Par ces paroles et d’autres, car l’indignation m’avait rendu éloquent,
j’ai ramené de la flotte les fuyards qui avaient tourné le dos.
230
L’Atride convoque ses alliés épouvantés et tremblants ;
et même alors le fils de Télamon n’ose pas ouvrir la bouche.
Pourtant quelqu’un avait osé adresser aux rois des propos injurieux,
ce Thersite, dont l’effronterie, grâce à moi encore, ne resta pas impunie.
Je me lève et j’exhorte mes concitoyens effrayés à affronter l’ennemi,
235
et à pleine voix, j’en appelle au courage qu’ils ont perdu.
Dès lors, tous les exploits qui peuvent sembler à l’actif de mon rival
me reviennent à moi, qui l’ai ramené quand il tournait le dos.
Enfin, lequel des Danaens fait ton éloge ou recherche ta présence ?
Par contre le fils de Tydée me fait participer à ses actions ;
240
il m’approuve, et il est toujours confiant avec Ulysse pour compagnon.
Ce n’est pas rien d’être, parmi tant de milliers de Grecs, le seul
à être choisi par Diomède. Et alors que le sort ne me l’ordonnait pas,
je pars pourtant et, au mépris des périls de la nuit et de l’ennemi,
je tue Dolon, un Phrygien, qui avait osé faire ce que nous faisions.
245
Mais auparavant je le forçai à dévoiler tout ce qu’il savait
et j’ai appris par lui ce que préparait la perfide Troie.
J’étais informé de tout, je n’avais plus rien à espionner
et déjà je pouvais rentrer auréolé de la gloire promise.
Ne m’en contentant pas, je gagne les tentes de Rhésus,
250
et, dans son propre camp, je l’égorgeai lui et ses compagnons.
Et ainsi, vainqueur, et ayant réalisé mes souhaits, je m’avance
sur le char conquis, comme s’il s’agissait d’un joyeux triomphe.
Pour prix de sa nuit, un ennemi avait exigé les chevaux d’Achille :
si vous me refusez ses armes, Ajax aurait été plus généreux que vous.
255
Pourquoi évoquerais-je l’armée de Sarpédon de Lycie,
pays que mon épée a dévasté ? Dans un bain de sang,
j’ai abattu Coeranos, fils d’Iphitos, Alastor et Chromius,
Alcander et Halius et Noémon ainsi que Prytanis ;
et j’ai livré à la mort Thoon avec Chersidamas,
260
puis Charops et Ennomon entraîné par un destin cruel,
sans citer ceux qui, moins connus, sont tombés sous mes coups,
au pied des remparts de la ville. Moi aussi, citoyens,
j’ai des blessures, à des endroits honorables ; et croyez-moi,
ce ne sont pas des mots creux, regardez, voici ma poitrine ! »
et de la main il écarta son vêtement, « qui toujours a œuvré pour vous !
Le fils de Télamon, lui, durant tant d’années, n’a pas versé de sang
pour ses compagnons, et son corps est exempt de blessures !
Ajax ne doit pas exagérer son rôle lors de l’incendie des vaisseaux, car en fait c’est Patrocle qui a repoussé les Troyens ; de même c’est le sort qui le désigna parmi neuf volontaires pour relever le défi d’un combat singulier avec Hector ; il n’était donc pas le seul brave, et du reste il ne s’illustra pas particulièrement dans ce combat qui resta indécis. (13, 268-279)
Quand Ajax met en doute sa capacité physique à porter le poids des armes d’Achille, Ulysse rappelle qu’il a lui-même ramené le cadavre d’Achille et son armement. Par ailleurs, Ajax est trop rustre pour comprendre le sens des ciselures gravées sur ces armes forgées par Héphaïstos/Vulcain à la demande de Thétis, et donc il ne mérite pas de les posséder. (13, 280-295)
Accusé de s’être dérobé et d’être arrivé en retard à la guerre, Ulysse prétend que Achille et lui ont tous deux simulé et sont arrivés plus tard à Troie, par affection pour Thétis et pour Pénélope. En accusant Ulysse de lâcheté, Ajax outrage aussi Achille, auquel d’ailleurs Ulysse s’honore d’être comparé. (13, 296-305)
Quant à Palamède, Ulysse ne fut pas seul à le condamner, car son crime était évident. Et l’abandon de Philoctète à Lemnos, encouragé par Ulysse mais décidé par tous, a maintenu vivant le malheureux, dont la participation, selon un oracle, se révèle désormais nécessaire à la chute de Troie. Après avoir suggéré avec ironie de charger l’incapable Ajax d’aller persuader Philoctète de revenir à Troie, Ulysse proteste de son dévouement à la cause des Achéens et s’engage à user de son habileté éprouvée pour se procurer au risque de sa vie les armes d’Héraclès détenues par Philoctète. (13, 306-338)
Mais quelle importance accorder à sa prétention d’avoir pris les armes
pour défendre la flotte des Pélasges contre les Troyens et Jupiter ?
270
Il les a prises, je l’admets, et je n’ai pas la malveillante habitude
de déprécier les bonnes actions. Mais qu’il ne s’attribue pas à lui seul
l’œuvre de tous et qu’il vous rende aussi une part de cet honneur :
c’est bien le descendant d’Actor, protégé par l’armure d’Achille,
qui éloigna les Troyens des vaisseaux près de brûler avec leur défenseur.
275
Ajax pense aussi être le seul à avoir osé affronter les traits d’Hector,
oublieux qu’il est du roi, et de nos chefs et de moi-même :
parmi neuf candidats, le sort le désigna pour cette mission.
Mais enfin quelle fut l’issue de votre combat, courageux guerrier ?
Hector s’est retiré, sans être atteint par la moindre blessure !
280
Que je suis malheureux ! Quelle douleur d’être forcé à évoquer
ce temps-là où Achille, le rempart des Grecs, a trouvé la mort !
Ni les larmes, ni les lamentations ni la crainte ne m’ont empêché
de relever sans tarder et de ramener son corps qui gisait sur le sol.
Sur ces épaules, sur mes épaules, dis-je, j’ai porté le corps d’Achille
285
en même temps que ses armes, que maintenant aussi je tente d’emporter.
J’ai les forces nécessaires pour porter un tel poids, et j’ai un cœur
qui certainement appréciera l’honneur que vous me ferez.
Vraiment sa mère azurée a-t-elle fait pour son fils cette démarche,
dans ce but précis qu’un soldat grossier et sans cœur les revête,
290
ces armes, présents célestes, ouvrages d’un art si parfait ?
Car il n’est à même de reconnaître, dans les ciselures du bouclier,
ni l’Océan, ni les Terres ni les Astres en haut du ciel, ni les Pléiades
et les Hyades, ni l’Ourse qui jamais ne sombre dans la mer,
ni les cités qui s’opposent, ni l’étincelante épée d’Orion :
il réclame, il veut s’emparer d’armes, dont il ne comprend pas le sens !
Et quand il me reproche de fuir les obligations d’une guerre cruelle,
et d’être arrivé bien tard, après le début des opérations,
ne sent-il pas qu’il outrage aussi le magnanime Achille ?
Si tu qualifies de crime une simulation, tous deux nous avons simulé ;
300
si c’est une faute d’avoir tardé, je suis arrivé plus tôt que lui.
Une épouse aimante m’a retenu, et une mère aimante a retenu Achille :
nous leur avons consacré le début de la guerre, et à vous tout le reste.
Je ne crains pas d’encourir, même si je ne pouvais m’en défendre,
la même accusation qu’un tel héros ; c’est l’intelligence d’Ulysse
qui l’a démasqué pourtant, et non l’intelligence d’Ajax qui a démasqué Ulysse.
Et ne soyons pas étonnés que sa langue stupide déverse sur moi
des invectives ; contre vous aussi il tient des propos offensants.
Ce serait pour moi une honte d’avoir faussement accusé Palamède,
et pour vous ce serait un honneur de l’avoir condamné ?
310
Mais, d’abord, le fils de Nauplius n’a pu se laver d’un forfait si grand
et si évident ; et son crime, vous ne le connaissez pas par ouï-dire,
vous l’avez vu, prouvé à l’évidence par le prix qu’il en reçut.
Et, du séjour du fils de Poéas à Lemnos, l’île de Vulcain,
je n’ai pas mérité d’être accusé. Défendez votre action,
315
car tous vous étiez d’accord. Je ne nierai pas l’avoir persuadé
de se soustraire à l’épreuve de la guerre et du voyage,
et de chercher à atténuer ses souffrances atroces dans le repos.
Il a écouté et il est en vie ; mon conseil a été non seulement sincère,
mais aussi bénéfique, quand sa sincérité déjà était bien suffisante.
320
Puisque les devins exigent sa présence pour détruire Pergame,
ne m’envoyez pas le chercher. Le fils de Télamon ira, c’est mieux :
avec éloquence il amadouera le héros exacerbé de maux et de colère,
ou, avec astuce, il l’entraînera avec lui par un artifice quelconque.
Le Simoïs refluera, l’Ida se dressera dépourvu de ses frondaisons
325
et l’Achaïe promettra de porter secours à la cité de Troie,
avant que mon cœur cesse de battre pour vos intérêts,
et avant que l’ingéniosité du stupide Ajax ne serve les Achéens.
Que tu sois plein d’animosité contre nos alliés, le roi et moi-même,
implacable Philoctète, je le comprends ; libre à toi de me maudire,
330
de vouer à jamais ma tête à l’exécration, de souhaiter voir le hasard
me livrer à toi qui souffres tant, et de vouloir répandre mon sang,
et puisses-tu disposer de moi, comme moi je l’ai fait de toi.
De toute façon, je t’aborderai et m’efforcerai de te ramener avec moi.
Je m’emparerai de tes flèches, si la Fortune m’est favorable,
comme j’ai capturé et maîtrisé le devin dardanien,
comme j’ai dévoilé les réponses des dieux et les destins de Troie,
comme j’ai dérobé la statue du sanctuaire de la Minerve phrygienne
en traversant les rangs ennemis. Et Ajax se comparerait à moi ?
En épilogue à son discours, Ulysse insiste sur l’audace qu’il a dû montrer pour procurer aux siens le Palladium, statue indispensable. Et en admettant qu’une part du mérite revient à Diomède, son seul compagnon, Ulysse argumente qu’Ajax était assisté d’un grand nombre d’hommes lors de l’incendie des vaisseaux. (13, 339-353)
La sagesse et la raison prévalant sur la force et le combat, beaucoup de héros, qui eux ont toujours tenu compte des avis d’Ulysse, seraient plus dignes qu’Ajax des armes d’Achille. Ajax n’est qu’un combattant, qui a besoin d’être guidé par le toujours clairvoyant Ulysse. (13, 354-369)
Enfin, Ulysse sollicite l’honneur d’hériter des armes d’Achille, car il l’a amplement mérité en rendant possible la prise de Troie, imminente désormais. (13, 370-381)
339
Les destins en effet interdisaient la prise de Troie sans cet objet sacré.
340
Où est le vaillant Ajax ? Où sont les discours grandiloquents
du grand homme ? Pourquoi as-tu peur ce jour-là ? Et Ulysse,
pourquoi ose-t-il, lui, traverser les postes de garde, se confier à la nuit
et franchir les murs de Troie, en dépit des lances redoutables,
pénétrer en haut de sa citadelle, arracher la déesse de son temple
345
et ramener la statue enlevée à travers les rangs ennemis ?
Si je ne l’avais pas fait, le fils de Télamon aurait porté en vain
à son bras gauche son bouclier fait de sept peaux de bœufs.
Cette nuit-là, grâce à moi, notre victoire sur Troie est née ;
j’ai vaincu Pergame à ce moment-là, en rendant possible sa défaite.
Cesse de désigner ouvertement par tes regards et tes murmures
le fils de Tydée, mon ami ; il a sa part de mérite en cette affaire !
Tu n’étais pas seul non plus avec ton bouclier devant la flotte alliée,
des compagnons en foule étaient avec toi, moi, j’en avais un seul.
Celui qui ignorerait qu’un homme combatif vaut moins qu’un sage,
355
et qu’un bras non guidé par la raison ne mérite pas de récompense,
pourrait réclamer lui-même ces armes. L’autre Ajax, plus modeste,
pourrait les exiger, et le farouche Eurypyle et le fils de l’illustre Andraimon,
et tout autant qu’eux, Idoménée, et Mérion, venu de la même patrie.
Le frère de l’aîné des Atrides pourrait les réclamer, lui aussi.
360
Certes, ce sont des braves et ils ne te sont pas inférieurs au combat :
eux se sont inclinés devant mes conseils. Tu possèdes un bras
utile pour faire la guerre, et ton intelligence a besoin de ma guidance ;
toi, tu as la force sans la réflexion et moi, j’ai le souci de l’avenir ;
toi, tu peux te battre ; mais le moment du combat, c’est avec moi
365
que l’Atride le choisit ; toi, tu ne rends service qu’avec ton corps,
moi, avec mon esprit ; et sur un bateau, autant le rôle du capitaine
prévaut sur celui du rameur, autant le général surpasse le soldat,
autant, moi, je l’emporte sur toi ; et dans mon corps aussi,
le cœur l’emporte sur le bras ; en lui repose toute ma vigueur.
370
Mais vous, nobles chefs, accordez ces armes à votre gardien vigilant,
et en échange des soins anxieux que durant tant d’années j’ai déployés,
rendez-moi cette marque d’honneur, en compensation de mes services.
À présent, la tâche est près du terme ; j’ai écarté les destins contraires,
j’ai conquis l’altière Pergame, en rendant possible sa conquête.
375
Par nos espoirs maintenant liés, par ces murs de Troie près de tomber,
par ces dieux que je viens de dérober à l’ennemi, je vous en prie,
s’il reste à faire une chose qu’il serait sage de faire,
une chose à rechercher qui requière audace et promptitude,
si vous pensez que le destin réserve à Troie quelque temps encore,
380
souvenez-vous de moi ; ou, si vous ne me donnez pas ces armes,
accordez-les lui ! », et il montra la statue de Minerve, instrument du destin.
Ulysse emporte le débat, et Ajax, saisi d’une colère irrépressible, se suicide, avec sa propre épée. Du sang de sa blessure répandu sur le gazon naît une fleur pourpre, portant des lettres rappelant le nom d’Ajax, autant que la plainte d’Hyacinthe.
382
Le groupe des chefs fut ému, et le pouvoir de l’éloquence se manifesta
concrètement : l’orateur emporta les armes du vaillant guerrier.
Ajax qui tant de fois avait résisté tout seul à Hector, au fer,
385
aux flammes et à Jupiter, ne résista pas à sa propre colère.
La douleur triompha du héros invincible ; il saisit sa lance et dit :
« Oui, cette arme est bien à moi ! Ulysse l’exige-t-il aussi pour lui ?
Elle doit me servir contre moi ; si souvent imprégnée de sang phrygien
elle trempera maintenant dans le sang de son maître qu’elle va abattre,
afin que personne, sinon Ajax, ne puisse triompher d’Ajax. »
Il parla et enfonça alors son épée meurtrière, en pleine poitrine,
atteint enfin par une blessure, là où la lame se fraya un passage.
Et ses mains ne parvinrent pas à extraire le trait qui s’était enfoncé :
c’est le sang qui l’expulsa. La terre rougie par le sang
395
fit éclore du gazon verdoyant une fleur de couleur pourpre,
qui autrefois était née de la blessure du fils d’Oebalus.
Au milieu de ses pétales, s’inscrivirent deux lettres
l’une évoque le nom du héros, l’autre la plainte de l’enfant.
fils de Télamon... fils de Laërte (13, 123-124). Ajax, fils de Télamon, ayant fini de parler, c’est Ulysse, fils de Laërte, qui prend la parole devant l’assemblée pour lui répondre.
Pélasges... Danaens (13, 128-134). Noms désignant les Grecs chez Homère. Voir note à 12, 7-10 ; et à 13, 13. Ces vers 13, 128-134, réfèrent au passage (12, 580-628) traitant de la mort d’Achille.
celui qui amena (13, 134). Ulysse, qui fait allusion au rôle qu’il a joué pour démasquer Achille, caché à Skyros, sous des vêtements de fille, épisode dont n’a pas parlé Ajax, mais qu’Ulysse évoquera plus explicitement en 13, 162-170.
Laërte... Arcisius (13, 144). Laërte, le père d’Ulysse, était fils de Arcisios et petit-fils de Céphale. On ne voit pas très bien comment Ulysse remonte à Jupiter (vers 145).
condamné... exilé (13, 145). À la différence de Télamon, le père d’Ajax, et de Pélée, son frère, qui avaient été punis pour le meurtre de leur demi-frère Phocus (11, 267).
dieu du Cyllène (13, 146). Autolycus, père d’Anticlée, était le fils d’Hermès/Mercure, né sur le mont Cyllène, en Arcadie (Mét., 1, 713).
Pyrrhus (13, 155). Néoptolème, le fils qu’Achille avait eu de Déiamide, la fille du roi de Skyros, Lycomède, où il se cachait par la volonté de sa mère Thétis (voir note d’introduction sur Ulysse). Le surnom de Néoptolème était Pyrrhus, « le roux », car Achille déguisé à Skyros s’appelait « Pyrrha », à cause de la couleur de ses cheveux. - On le retrouvera plus loin, en 13, 455, comme sacrificateur dans l’épisode de l’immolation de Polyxène aux Mânes d’Achille.
Phthie... Skyros (13, 156). Phthie, en Thessalie, est la patrie de Pélée et d’Achille. - Scyros était une île de la mer Égée, où naquit Pyrrhus, après le départ d’Achille pour Troie.
Teucer (13, 157). Fils de Télamon et d’Hésioné, la fille de Laomédon. Il est donc le demi-frère d’Ajax, mais apparenté aussi à la famille de Priam. Voir Mét., 11, 194-217, et les notes.
La Néréide... (13, 162-171). Ce passage a trait au séjour d’Achille à Scyros, dont Ajax n’a pas parlé. La Néréide est Thétis, la mère d’Achille. Voir 11, 217-265.
Ses exploits... (13, 171-180). Évocation des exploits d’Achille, revendiqués par Ulysse comme les siens propres et qui ont été énumérés en 12, 108-114.
Télèphe (13, 171-172). Voir n. à 12, 112. Fils d’Héraclès/Hercule et de l’Arcadienne Augé, Télèphe aurait été recueilli par le roi de Mysie Teuthras. Certains récits rapportent que les Grecs, en route vers Troie, s’égarèrent et voulurent s’emparer de la Mysie. Télèphe se battit contre eux et fut blessé, atteint d’une blessure persistante, par la lance d’Achille. Un oracle apprit à Télèphe que sa blessure ne pourrait être guérie que par celui qui la lui aurait infligée. Comme Télèphe avait besoin d’Achille pour être guéri et comme, par ailleurs, les Grecs avaient besoin de Télèphe pour trouver le chemin de Troie, un oracle ayant annoncé que lui seul pourrait permettre aux Grecs de conquérir Troie, on trouva un terrain d’entente. Achille en passant sa lance sur la plaie persistante de Télèphe le guérit, et Télèphe, qui avait épousé une fille de Priam, se borna à guider les Grecs vers Troie avant de regagner la Mysie, sans prendre part à la guerre (cfr par exemple Hygin, Fab., 99-101 et Apollodore, Epitomé, 3, 17-20).
Thébé... Lyrnesse (13, 173-176). Par rapport à la liste des villes ou îles d’Asie Mineure citées par Achille (en 12, 108-114), Ulysse ajoute les noms de Lesbos, Chrysé et Cilla, où était vénéré Apollon.
Hector (13, 177). La mort d’Hector est évidemment l’exploit majeur d’Achille (Iliade, 22, 306-404).
je réclame ces armes... (13, 179). Allusion au stratagème d’Ulysse, qui avait mêlé des armes à des colifichets, pour amener Achille à Troie (cfr la note d’introduction au chant 13).
Dès que l’ensemble des Danaens... (13, 181-204). Passage où sont évoqués les événements à Aulis, rapportés en 12, 6-10 et en 12, 24-29.
un seul (13, 181). Ménélas, un des Atrides, frère d’Agamemnon, dont l’épouse Hélène avait été enlevée par Pâris.
l’Atride... (13, 189-192). C’est Agamemnon, général en chef de tous les Grecs conjurés, un juge d’autant plus difficile à convaincre qu’il était partagé entre son honneur et son amour paternel. C’est une preuve de l’efficacité de l’ingéniosité d’Ulysse.
mère (13, 193). Clytemnestre, mère d’Iphigénie, qu’Ulysse ne chercha pas à convaincre de laisser sacrifier sa fille, mais qu’il trompa en l’amenant à Aulis, sous prétexte de la marier à Achille. Iphigénie n’étant pas connue d’Homère, Ovide s’inspire de sources postérieures (notamment d’Euripide).
L’orateur hardi... (13, 196-204). Cette mission d’Ulysse et de Ménélas à Troie, pour réclamer Hélène, est connue dans l’Iliade (3, 205-224 et 11, 138-141). La demande en restitution d’Hélène était le sujet d’une tragédie, perdue, de Sophocle.
curie (13, 197). Ovide applique à Troie un terme qui désignait à Rome la salle de réunion du Sénat.
Anténor (13, 201). Dans l’Iliade, 3, 205-224, lors de leur mission à Troie, Ulysse et Ménélas avaient été les hôtes d’Anténor, le compagnon habituel de Priam. Il passait pour le « Nestor » des Troyens, et était partisan de la restitution d’Hélène. Voir note à Ovide, Fastes, 4, 75.
Voici que sur ordre de Jupiter... (13, 216-229). Ce passage d’Ovide adapte, en le réduisant considérablement, le début du chant 2 de l’Iliade (2, 1-210), quand Agamemnon, pour tester les Grecs, leur propose, au nom d’un rêve envoyé par Zeus, d’abandonner le siège de Troie. Et c’est effectivement l’intervention d’Ulysse qui empêche la levée du siège et le départ de la flotte.
qui est prise (13, 226). En fait, Troie est presque prise. Ulysse fait une anticipation, pour être plus persuasif.
Thersite (13, 233). Selon l’Iliade, Thersite est le plus laid (boiteux, bossu, chauve) des Grecs devant Troie. Il se distingue par sa lâcheté et son insolence, notamment à l’égard d’Agamemnon, qui propose aux Grecs de lever le siège, mais Ulysse le remet à sa place en le frappant de son sceptre (Iliade, 2, 211-277).
Enfin... (13, 238-267) Ulysse évoque dans ce passage les exploits qu’il a accomplis devant Troie, en compagnie de Diomède, en résumant en quelques vers le contenu du chant 10 de l’Iliade, intitulé la « Dolonie » ; Ajax avait minimisé le rôle d’Ulysse dans la mission (13, 98-100 et les notes).
fils de Tydée (13, 239). Diomède. Voir n. à 13, 61-69.
Dolon (13, 244). Voir n. à 13, 98-99.
Rhésus (13, 249). Voir n. à 13, 98-99.
plus généreux (13, 254). Au vers 13, 102, Ajax avait proposé de faire deux parts des armes, l’une pour Diomède, l’autre pour Ulysse.
Pourquoi évoquerais-je... (13, 255-267). Ovide évoque dans ce passage d’abord un combat au cours duquel s’illustra Ulysse dans la Lycie de Sarpédon (combat rapporté par Homère dans Iliade, 5, 627-698), puis certains autres exploits postérieurs d’Ulysse.
Sarpédon de Lycie... (13, 255-258). Chef d’un contingent de Lycie, un des principaux alliés d’Hector. Autour de la dépouille de Tlépolème, un Grec tué par Sarpédon, un combat avait eu lieu en Lycie, au cours duquel Ulysse avait tué, non pas Sarpédon, mais un bon nombre des siens. Nous nous bornons à reprendre comme le fait Ovide l’énumération d’Homère (Iliade, 5, 669-678) : Coeranos, fils d’Iphitos, Alastor, Chromius, Alcander, Halius, Noémon, Prytanis.
et j’ai livré à la mort... (13, 259-267). Ici Ulysse fait allusion à un autre épisode guerrier qu’il a mené, seul, contre les Troyens au pied des remparts de Troie, quand il fut blessé par Socos, avant de le tuer. Voir Iliade, 11, 401-455, en particulier les vers 420-427 qui contiennent plusieurs des noms énumérés par Ovide : Thoon, Chersidamas, Charops, Ennomon.
citoyens (13, 262). Terme relatif aux institutions romaines.
exempt de blessures (13, 267). Certaines versions posthomériques de la légende d’Ajax le présentaient comme invulnérable, par la volonté d’Héraclès, qui avait presque complètement enveloppé Ajax de la peau du lion de Némée. Mais dans son argumentation, Ulysse ne tient pas compte de ce détail, car il reproche à Ajax son manque de cicatrices, ce qui n’est pas une marque de vaillance. Voir aussi vers 392.
Mais quelle importance... (13, 268-274). Réponse au plaidoyer d’Ajax, concernant son rôle lors de l’incendie de la flotte grecque (voir n. à 13, 7-12 et à 13, 91-94).
descendant d’Actor (13, 273). Patrocle, fils de Ménétios, petit-fils d’Actor et Égine, et donc apparenté à Pélée, qui était aussi descendant d’Égine. Patrocle, Locrien d’origine, vécut son enfance à la cour de Pélée, en Thessalie et fut élevé avec Achille, dont il est l’ami proverbial et inséparable ; devant Troie, après la brouille d’Achille et d’Agamemnon, il renonça lui aussi à se battre, comme Achille. Mais, quand la situation devint très critique pour les Grecs, il obtint l’accord d’Achille et revêtu des armes de son ami, alla se battre ; il accomplit nombre d’exploits, réussissant à enrayer l’assaut des Troyens. Mais il fut tué par Hector et sa mort décida Achille à reprendre le combat. Le début du chant 16 de l’Iliade, est consacré à la geste de Patrocle. Les vers 114 à 129 de ce chant 16 parlent du feu mis aux nefs.
Ajax pense aussi... (13, 275-279). Voir n. à 13, 82-90.
Que je suis malheureux... (13, 280-295). Après avoir évoqué avec tristesse la mort d’Achille, Ulysse réfute l’argument d’Ajax concernant son incapacité à porter les armes d’Achille (voir 13, 103-119 et les notes). Sur la mort d’Achille, qui n’apparaît pas dans l’Iliade, voir Mét., 12, 584-628. Il n’y est pas question du rôle prêté ici à Ulysse, et dont Ajax ne fait pas mention non plus.
cette démarche (13, 288-289). Allusion à Thétis, sollicitant d’Héphaïstos des armes pour Achille (voir n. à 13, 110).
ciselures du bouclier... deux cités... Orion (13, 292-295). Ovide reproduit, en l’abrégeant le début de la description qu’Homère fait du bouclier forgé par Héphaïstos pour Achille à la demande de Thétis (Il., 18, 483-608). « Héphaïstos y avait ciselé le Ciel, la Terre, les Astres, parmi lesquels la contellation d’Orion, et deux villes opposées l’une à l’autre, présentant l’une l’image de la paix, l’autre celle de la guerre » (J. Chamonard) ; sur Orion, voir n. à 8, 207.
Et quand il me reproche... (13, 296-305). Ces vers répondent au reproche de lâcheté énoncé par Ajax, en 13, 34-42 (voir n. au vers 34) et reviennent sur le développement concernant Achille débusqué par Ulysse (voir 13, 161-170).
Et ne soyons pas étonnés... (13, 306-312). À propos des rapports entre Palamède, fils de Nauplius et Ulysse, voir n. à 13, 38-39 et à 13, 55-60.
Du séjour du fils de Poéas... (13, 313-334). Ce passage concerne Philoctète, fils de Poéas, et répond au reproche d’Ajax (voir n. à 13, 45-56).
Simoïs... Ida (13, 324). Ovide imagine ici des choses impossibles (adunata). Le Simoïs est une rivière de la campagne de Troie, et l’Ida, une montagne de Troade, plusieurs fois citée dans les Métamorphoses.
devin dardanien... (13, 335-338). Il s’agit d’Hélénus, le devin, fils de Priam, dont Ajax a parlé en 13, 98-99 (voir la note, concernant Hélénus et le Palladium).
objet sacré (13, 339). Voir note précédente, et ce qui concerne Hélénus et le Palladium.
sept peaux (13, 346). Le célèbre bouclier d’Ajax (13, 2).
devant la flotte (13, 356). Voir n. à 13, 7-12 et 13, 82-94.
l’autre Ajax... (13, 356-359). Ulysse rappelle ici les noms de quelques figures de héros de l’Iliade combattant dans le camp des Grecs. Ajax, fils d’Oilée, roi des Locriens (cité en 12, 622), Eurypyle, chef thessalien, fils d’Évémon, Thoas, fils d’Andraemon, Idoménée, venu de Crète, et son frère ou cousin Mérion, et enfin Ménélas, le cadet des Atrides.
par ces dieux... (13, 375). En fait, il avait enlevé seulement la statue de Minerve, mais c’était elle qui assurait la protection divine de Troie.
atteint enfin... (13, 392). Cette invulnérabilité presque totale d’Ajax a été évoquée en 13, 267.
la terre rougie... fils d’Oebalus... (13, 394-398). Cette légende de la métamorphose du sang d’Ajax en fleur pourpre est à rapprocher de celle d’Hyacinthe, le fils d’Oebalus. Voir Mét., 10, 162-219 et les notes. Les lettres AI AI apparaissant dans le cœur de cette fleur rappelaient le nom d’Ajax, ou les cris de douleur de Hyacinthe. - On remarquera qu’Ovide attribue le suicide d’Ajax à sa colère, et non pas à sa folie, comme l’ont raconté les Tragiques, notamment Sophocle (dans Ajax).