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Orphée, dont les chants captivent toutes les créatures, est pris à partie par les Ménades de Thrace qui, ne lui pardonnant pas son mépris à l’égard des femmes, se déchaînent contre lui. Massacrant d’abord les animaux envoûtés par le chant du poète, elles font arme de tout ce qu’elles trouvent pour lui donner le coup de grâce. (11, 1-43)
La nature entière pleure le poète, dont les restes mutilés et la lyre sont emportés par l’Hèbre jusqu’à la mer et finissent par échouer à Lesbos. Apollon métamorphose en rocher un serpent qui s’en prenait à la tête de son poète, tandis que l’ombre d’Orphée se retrouve définitivement réunie avec Eurydice dans les Enfers. (11, 44-66)
Bacchus ne laisse pas impuni le meurtre d’Orphée et, pour châtier les Ménades qui avaient participé ou assisté au meurtre, il les métamorphose en arbres enracinés sur place. (11, 67-84)
Tandis que le chantre de Thrace avec ce genre de récits
entraîne à sa suite forêts, bêtes sauvages et rochers,
voilà que les femmes des Cicones, en proie au délire,
la poitrine couverte de peaux de bêtes, aperçoivent du haut d’un tertre
5
Orphée accompagnant ses chants des accords de sa lyre.
L’une d’elles secoue sa chevelure dans l’air léger :
« Le voilà, le voilà, celui qui nous méprise ! », dit-elle
et, visant la bouche harmonieuse du poète d’Apollon,
elle lance son thyrse orné de feuilles, qui le marque sans le blesser.
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Une deuxième s’arme d’une pierre, qu’elle jette en l’air,
mais le projectile, dominé par l’accord de la voix et de la lyre,
vint tomber aux pieds du poète, comme pour implorer son pardon
après tant de folle audace. Cependant les attaques se font plus osées,
toute retenue a disparu et la démente Érinye règne en maître.
Le chant d’Orphée aurait pu émousser tous les traits ; mais
une clameur immense, la flûte du Bérécynthe au bout recourbé,
les tambourins, les battements et les hurlements bacchiques
couvrirent le son de la cithare ; et finalement les rochers,
n’entendant plus le poète, devinrent rouges de sang.
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En premier lieu, comme la voix du chanteur tenait toujours envoûtés
des oiseaux sans nombre, des serpents, une troupe de bêtes sauvages,
les Ménades se saisirent d’eux, qui attestaient le triomphe d’Orphée.
Ensuite, mains ensanglantées, elles se tournent vers Orphée,
et se rassemblent comme les oiseaux, qui parfois aperçoivent
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un oiseau de nuit errant en plein jour ; et comme dans un amphithéâtre
des chiens s’acharnent sur un cerf condamné à périr le matin dans l’arène,
elles fondent sur le poète et jettent sur lui leurs thyrses
ornés de verts feuillages, des thyrses non destinés à cet usage. Les unes
lancent des mottes de terre, d’autres des branches d’arbres arrachées,
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d’autres des pierres. Et comme pour fournir des armes à leur fureur,
le hasard voulut que des bœufs tirant une charrue remuent la terre
et que, non loin de là, de robustes paysans tout en sueur
préparent les récoltes, en creusant péniblement leurs champs.
À la vue de la troupe des femmes, ils fuient, laissant sur place
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leurs instruments de travail. Dans les champs désertés
gisent épars des sarcloirs, de lourds râteaux et de longues houes.
Ces sauvages s’emparent des outils, mettent en pièces les bœufs
aux cornes menaçantes, puis viennent s’en prendre à la vie du poète.
Il tendait les mains et alors pour la première fois, ses paroles
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restaient sans effet et sa voix ne touchait plus rien ni personne.
Les femmes sacrilèges l’achèvent et, ô Jupiter, par cette bouche
écoutée par les rochers et comprise par les bêtes sauvages,
son âme s’est exhalée et s’est éloignée dans le vent.
Toi, Orphée, les oiseaux affligés, la foule des bêtes,
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les durs rochers, les forêts qui souvent ont suivi ton chant,
tous t’ont pleuré. L’arbre, dépouillé de son feuillage, cheveux rasés,
a pris ton deuil ; les fleuves mêmes racontent qu’ils se sont gonflés
de leurs propres larmes ; les Naïades et les Dryades couvrirent
leurs voiles de couleur sombre et laissèrent flotter leurs cheveux.
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Les membres d’Orphée sont dispersés en divers lieux ; toi, l’Hèbre,
tu as recueilli sa tête et sa lyre, et – miracle ! –, sa lyre,
glissant au milieu du fleuve, émet une sorte de sanglot plaintif ;
sa langue sans vie murmure, plaintive, et, plaintives, les rives répondent.
Maintenant parvenus à la mer ces restes quittent le fleuve familier
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et prennent possession du rivage de la Méthymne de Lesbos.
Là un affreux serpent veut s’en prendre à cette tête abandonnée
sur ce rivage étranger, à ces cheveux d’où l’eau dégouline.
Finalement Phébus survient et écarte le serpent prêt à mordre
et il transforme en pierre sa gueule béante, et ses mâchoires figées
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se durcissent, telles qu’elles étaient, largement écartées.
L’ombre d’Orphée se glisse sous terre et il reconnaît tous les lieux
qu’il avait vus avant ; puis, la cherchant dans les champs réservés
aux êtres pieux, il découvre Eurydice et la serre dans ses bras avides.
Tantôt tous deux, accordant leurs pas, se promènent en ce lieu ;
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tantôt, il la suit et elle le précède ; tantôt il marche le premier,
et sans crainte désormais, Orphée se retourne et regarde son Eurydice.
Cependant Lyaeus ne permet pas que ce crime reste impuni.
Pleurant la perte du chantre de ses mystères sacrés,
il fixe aussitôt dans la forêt, à l’aide de racines sinueuses,
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toutes les femmes édoniennes qui avaient vu le crime impie :
à l’endroit même où chacune d’elles avait poursuivi le poète,
il avait allongé leurs orteils, et enfoncé leurs extrémités dans le sol ferme.
Ainsi, lorsque un oiseau, qui a mis sa patte dans les filets
tendus par un oiseleur habile, a compris qu’il est captif,
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il bat des ailes, s’agite et ses mouvements resserrent ses liens.
De même, toutes les Ménades, une fois solidement fixées au sol,
tentaient éperdument de fuir. Mais en vain : une souple racine
les retient prisonnières et entrave leurs bonds.
Et quand elles cherchent où sont leurs doigts, leurs pieds
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et leurs ongles, elles voient du bois gagnant leurs mollets galbés ;
et, quand, de chagrin, elles tentent de frapper leurs cuisses,
leur main percute du bois. Leur poitrine devient ligneuse,
ligneuses leurs épaules ; leurs bras tendus, on les prendrait
pour de vraies branches, et l’on ne se tromperait pas en le croyant.
Bacchus, escorté de sa troupe de Satyres et de Bacchantes, passe de Thrace en Phrygie. Des paysans phrygiens capturent le Satyre Silène, qu’ils livrent en état d’ivresse à Midas, leur roi. Celui-ci, heureux de retrouver celui qui l’avait jadis initié aux orgies bacchiques, l’accueille généreusement, puis le reconduit auprès de Bacchus. (11, 85-99)
Pour le remercier, Bacchus propose à Midas de se choisir une récompense. Peu avisé, Midas choisit de pouvoir transformer en or tout ce qu’il touchera. Mais ce pouvoir, qui le ravit dans un premier temps, s’avère très vite catastrophique : même les aliments que Midas porte à sa bouche se transforment en or, l’empêchant ainsi de se nourrir. (11, 100-130)
Midas reconnaît et regrette son erreur, et Bacchus le débarrasse de son pouvoir funeste, en lui recommandant d’aller se baigner dans le Pactole, fleuve dont les flots et les champs voisins ont depuis lors la couleur de l’or. (11, 131-145)
Après cela, Midas vécut dans les bois, près du Tmolus. Un jour, le dieu Pan, avec son simple pipeau, eut l’audace de se mesurer au brillant Apollon dans un concours de chant. Désigné comme arbitre, le mont Tmolus donna la palme à Apollon ; seul Midas prit parti pour Pan. Le dieu de Délos châtia Midas pour sa stupidité, en lui donnant des oreilles d’âne. (11, 146-179)
Son coiffeur surprend l’affreux secret du roi, qui cherche pourtant à le dissimuler. Ne pouvant s’empêcher de révéler ce qu’il a découvert, mais craignant la colère de son maître, le serviteur s’isole, creuse un trou auquel il confie son secret à voix basse, avant de le recouvrir de terre. Mais l’année suivante, des roseaux ont poussé à cet endroit et quand le vent les agite, ils parlent des oreilles d’âne de Midas. (11, 180-193)
Cela ne suffit pas à Bacchus ; il abandonne même son pays
et, suivi d’un chœur meilleur, rejoint les vignes de son Tmolus
et le Pactole, qui pourtant en ce temps-là ne chariait pas d’or
et n’éveillait pas l’envie par des plages de sable précieux.
Son cortège habituel de satyres et de bacchantes l’entoure en foule.
Mais Silène n’est pas présent. Il titubait sous l’effet du vin et des ans
quand des paysans de Phrygie l’ont pris, paré de guirlandes,
et conduit ligoté à Midas, leur roi, qui avait été initié jadis
aux orgies bacchiques par Orphée de Thrace et Eumolpe le Cercopien.
Dès que Midas reconnut un ami, un compagnon des rites sacrés,
il célébra joyeusement l’arrivée de son hôte,
par une fête qui dura dix jours et autant de nuits.
Déjà, pour la onzième fois, Lucifer avait rassemblé dans le ciel
l’armée des étoiles, quand le roi satisfait arriva en terre de Lydie
et ramena Silène au jeune dieu qui avait été son nourrisson.
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Le dieu, tout à la joie d’avoir retrouvé son père nourricier, offrit à Midas,
présent agréable mais risqué, le libre choix d’une récompense.
Midas, qui allait faire bien mauvais usage de ce présent, dit :
« Fais que tout ce que touchera mon corps se mue en or fauve. »
Liber exauça son souhait et accorda un présent qui nuirait à Midas,
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tout en déplorant qu’il n’ait pas formulé un souhait plus sage.
Le héros du Bérécynthe s’en va content, réjoui du malheur qui l’attend,
et, touchant à tout, il vérifie s’il peut avoir foi en cette promesse.
Peu sûr de son pouvoir, il arrache au bas d’une yeuse
un rameau couvert de feuilles ; le rameau devient de l’or.
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Il ramasse un caillou sur le sol ; lui aussi prend la pâleur de l’or.
Il touche alors une motte de terre ; à ce contact tout puissant,
la motte devient compacte. Il avait cueilli des épis mûrs ;
sa moisson était d’or. Il tient en main une pomme détachée d’un arbre ;
on croirait un don des Hespérides. S’il pose les doigts
115
sur les montants de ses portails, on voit étinceler les portails.
Et même lorsqu’il se lavait les mains dans l’eau claire,
l’eau coulant sur ses mains aurait pu faire illusion à Danaé.
À peine son esprit conçoit-il un espoir ! Il façonne tout en or.
Devant leur maître réjoui, des serviteurs ont dressé des tables
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chargées de mets, où ne manquait pas le froment grillé.
Mais voici qu’alors, si sa main droite les touchait,
les présents de Cérès devenaient durs ;
si d’une dent avide il voulait s’attaquer à un mets, il serrait
sous ses dents en mouvement des bouts de métal jaune ;
125
s’il mélangeait de l’eau à la liqueur du dieu à l’origine de son pouvoir,
on voyait de l’or fondu s’écouler de sa bouche entrouverte.
Atterré par ce malheur inédit, riche et misérable à la fois,
il souhaite échapper à l’opulence et maudit son vœu passé.
L’abondance n’apaise nullement sa faim ; une soif desséchante
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lui brûle la gorge et l’or détesté lui apporte une torture méritée.
Levant au ciel ses mains et ses bras resplendissants d’or :
« Pardon, père Lénéen ! J’ai commis une faute », dit-il,
« mais, pitié, je t’en prie, arrache-moi à cette nuisance brillante ! »
La puissance divine est conciliante ; Bacchus, à l’aveu de la faute,
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rend Midas à son état et annule le don convenu de bonne foi.
« Et ne reste pas couvert de cet or que par malheur tu as désiré »,
dit-il, « rends-toi près du fleuve voisin de la grande Sardes,
et, remontant ses eaux par la pente de la montagne à contre-courant,
poursuis ta route, jusqu’à ce que tu atteignes la source du fleuve.
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Pose alors la tête à l’endroit où l’eau écumante jaillit la plus abondante,
et en même temps lave ton corps et purifie-toi de ta faute. »
Le roi, obéissant, se rend à la source ; le pouvoir de muer en or
colora le fleuve et passa du corps de l’homme dans le courant ;
de nos jours encore, pénétrés désormais par le germe de l’antique filon,
les champs au sol durci et humide ont une teinte d’or pâle.
Midas, qui détestait la richesse, aimait les champs et les bois,
fréquentait Pan, habitait toujours dans les grottes des montagnes ;
mais son intelligence restait épaisse et, comme précédemment,
sa stupidité d’esprit allait à nouveau faire tort à son maître.
En effet, dominant les flots sur une large étendue, escarpé,
le Tmolus se dresse bien haut ; ses deux versants sont bornés
d’un côté par Sardes, de l’autre par la modeste Hypaepa.
Là, tandis que Pan vante devant les tendres nymphes son art musical
et module son chant léger sur ses roseaux joints par de la cire,
155
il ose, en les comparant aux siens, mépriser les chants d’Apollon,
et en vient à une compétition inégale, arbitrée par le Tmolus.
Le vieillard siègeant en juge sur son sommet, dégage ses oreilles des arbres ;
des feuilles de chêne couronnent sa chevelure d’un bleu sombre,
et des glands pendent de part et d’autre de ses tempes creuses.
160
Puis, regardant le dieu des troupeaux : « Un juge », dit le vieillard,
« ne peut attendre ». Pan fait résonner sa flûte champêtre,
et par son chant barbare charme Midas, qui justement était présent.
Après la prestation de Pan, le divin Tmolus se tourna vers Phébus ;
la forêt qui le couvre suit le mouvement de son visage.
165
Apollon, avec sa tête blonde ceinte de laurier du Parnasse,
balaie le sol de sa robe teinte de pourpre tyrienne ;
sur sa main gauche était posée une lyre sertie de pierreries
et d’ivoire de l’Inde ; de l’autre main, il tenait son plectre.
Son maintien même révélait l’artiste. Alors, d’un pouce habile
170
il touche ses cordes ; séduit par la douceur de la musique,
Tmolus décrète que Pan doit baisser ses pipeaux devant la cithare.
Ce jugement et l’avis du mont sacré agréent tout le monde.
Seul Midas pourtant dans sa conversation le critique
et le déclare injuste. Alors le dieu de Délos, ne supportant pas
175
de voir ces oreilles stupides conserver un aspect humain,
les étire en longueur, les emplit de poils blanchâtres,
les rend instables à leur base et capables de mouvements.
Les autres parties de son corps sont celles d’un homme :
puni sur un seul point, il porte les oreilles d’un âne au pas lent.
180
Midas veut cacher sa tare ; honteux et confus, il tente
de faire valoir son visage en portant un bonnet pourpré.
Mais le serviteur chargé de lui couper les cheveux
avait découvert son secret. De cette difformité,
il n’osait pas parler, tout en désirant la diffuser dans les airs.
185
Étant incapable de se taire, il s’écarta, creusa un trou dans la terre ;
à voix basse, comme dans un murmure, il décrivit à la terre déplacée
les oreilles qu’il avait aperçues sur son maître ; puis, il enfouit
sous la terre remise en place la révélation que sa voix avait faite,
et il s’éloigna silencieusement du trou qu’il avait comblé.
190
En cet endroit se mit à pousser un massif serré de roseaux tremblants,
et, quand, une année plus tard, ils furent arrivés à maturité,
ces roseaux trahirent le serviteur : agités par un doux Auster,
ils répètent les mots enfouis dénonçant les oreilles du maître.
chantre de Thrace (11, 1). Orphée était au centre du livre 10. Il y était notamment représenté comme envoûtant par ses chants les arbres (10, 88-108) et les animaux (10, 143-144). Les récits concernant Ganymède, Hyacinthe, Vénus et Adonis commencent en 10, 143 et finissent à la fin du livre 10.
femmes des Cicones (11, 3). Les Cicones étaient un peuple de Thrace, à l’embouchure de l’Hèbre. (Voir 6, 710 ; 10, 2). La Thrace est, on le sait, la patrie d’Orphée, mais aussi le lieu d’origine des cérémonies en l’honneur de Bacchus, que les femmes en proie au délire bacchique célébraient dans une sorte de folle ivresse. On les a vues à l’œuvre par exemple dans la légende de Penthée, à Thèbes (3, 692-733). Cfr aussi 9, 641 où la folie de Byblis est comparée à celle des Bacchantes de l’Ismarus, une montagne de Thrace. Ovide annonce ici les Ménades, liées au culte de Bacchus, et qui vont se déchaîner et faire périr Orphée (11, 20-43).
celui qui nous méprise (11, 7). Allusion à la misogynie d’Orphée, évoquée en 10, 79-82.
poète d’Apollon (11, 8). Orphée étant fils d’Oeagre, on ne peut traduire, comme le fait G. Lafaye, « chantre qui eut pour père Apollon ». Mais compte tenu des rapports entre Apollon et la poésie, tout poète peut être considéré comme un adepte d’Apollon ou un protégé du dieu. J. Chamonard traduit « chantre aimé d’Apollon ».
thyrse (11, 9). Le thyrse est un long bâton dont la tête était formée d’une pomme de pin, d’une touffe de lierre ou de feuilles de vigne ; les adorateurs de Bacchus le portaient dans les cérémonies rituelles. A. Rich (Dictionnaire des antiquités, Payot, 1995, p. 643) explique que « c’était primitivement une lance, dont la pointe était entourée et cachée » par les objets qui viennent d’être énumérés. C’est à cette forme ancienne que pourrait renvoyer Ovide, le texte latin parlant de hasta, qui se traduit techniquement en français par « lance ». On comprend mieux que le jet du thyrse sur Orphée ne le blesse pas.
Érinye (11, 14). Ou Furie, une des trois déesses qui poussaient les hommes aux crimes. Cfr 1, 241 qui renvoie à Én., 2, 337-338 avec la note.
Bérécynthe (11, 16). Nom d’une ville et d’une montagne de Phrygie, liées au culte de Cybèle. Voir Fastes, 4, 179-246 sur les fêtes de Cybèle, et en particulier la n. au vers 4, 181 sur la flûte bérécynthienne. Ovide mélange ici des éléments provenant des cultes orientaux de Cybèle et de Bacchus. C’était déjà ce qui se passait en 3, 532-537 et en 4, 391-398.
cithare (11, 18). Tout comme la lyre, la cithare est un instrument à cordes, et Ovide désigne indistinctement ces deux objets comme l’instrument d’Orphée (voir 11, 50 et 52). Pour plus de détails et des illustrations, voir A. Rich, Dictionnaire des antiquités, Payot, 1995, p. 161 (cithara) et 381 (lyra).
Ménades (11, 22). En latin, le terme s’applique aussi bien aux Bacchantes du culte de Bacchus qu’aux prêtresses de Cybèle.
oiseau de nuit (11, 25). Il s’agirait du hibou.
Hèbre (11, 50). Fleuve de Thrace, cité déjà en 2, 257.
Méthymne de Lesbos (11, 55). Méthymne est une ville, au nord de l’île de Lesbos. De l’embouchure de l’Hèbre à Lesbos, les restes ont dû traverser une partie de la mer Égée.
serpent (11, 56). Cette métamorphose, présentée comme une punition d’Apollon, qui protège son poète (cfr vers 8) Orphée, ne semble pas attestée ailleurs. Serait-on en présence d’une étiologie suggérée par une forme particulière de rocher ?
ombre d’Orphée (11, 61). Évocation de la première descente d’Orphée aux enfers (10, 1-63).
Lyaeus (11, 67). Lyaeus, « celui qui délie », est un des surnoms de Dionysos/Bacchus, le dieu du vin (cfr 4, 11 et 8, 274). Ovide est apparemment seul à attribuer à Dionysos le châtiment des Ménades ou Bacchantes, décrit ici et servant de conclusion au récit consacré à Orphée et Eurydice.
édoniennes (11, 69-70). L’Édon étant une montagne de Thrace, l’adjectif « édonien » est utilisé simplement dans le sens de « thrace ».
cela (11, 85). La métamorphose des Ménades, punies par Bacchus-Liber, pour leur crime. Dégoûté par cette cruauté, le dieu quitte la Thrace avec une troupe plus réservée que celle des cruelles Ménades (11, 67-84), et passe en Asie mineure (Ovide parlant un peu plus loin de Phrygie, puis de Lydie, sans réel souci de précision).
Tmolus (11, 85). Le Timolus, plus souvent appelé Tmolus (vers 151), est un mont de Lydie, entre l’Hermos et le Caystre. C’est la source du fleuve Pactole.
Pactole (11, 86). Le Pactole, affluent de l’Hermos, baigne la ville de Sardes et est réputé charrier de l’or (cfr 6, 15-16).
Silène (11, 90). En tant que nom commun, le mot silène désigne un satyre devenu vieux. Comme nom propre, Silène, fils d’Hermès ou de Pan et d’une nymphe, est une figure burlesque de vieillard, toujours amoureux, faisant partie du cortège de Dionysos-Bacchus-Liber, mais le personnage est aussi doté de sagesse et il a même joué un rôle dans l’éducation de Bacchus (11, 99). Sur Silène, le vieillard ivre, membre de l’escorte de Bacchus, voir 4, 25-27 et n. Voir aussi Fastes, 1, 399-440 et n. ; 3, 745-760 ; 6, 324.
Midas (11, 92). Personnage central du passage (11, 85-194), Midas était un roi de Phrygie, fils de Gordios et de Cybèle, héros de plusieurs légendes populaires. C’est Ovide qui nous a transmis la version la plus élaborée à son sujet. On pourra par exemple comparer à la version ovidienne à celle de Hygin (Fab., 191) :
« [lacune] à l’époque où Apollon se mesura à la flûte et au chant dans un concours avec Marsyas ou avec Pan. Alors que le Timolus donnait la victoire à Apollon, Midas déclara qu’il fallait plutôt la donner à Marsyas. Alors, Apollon, s’indignant contre Midas, lui dit : ‘ Tu auras des oreilles assorties à ton intelligence, celle que tu as révélée, en portant ce jugement ’. Ces paroles prononcées, il fit en sorte que Midas ait des oreilles d’âne. À cette époque, alors que Pater Liber conduisait son armée en Inde, Silène s’égara, et Midas généreusement l’accueillit en hôte, et lui donna un guide qui le ramènerait dans l’escorte de Liber. Alors Liber Pater, pour remercier Midas de son bienfait, lui accorda le pouvoir de lui demander tout ce qu’il voudrait. Midas lui demanda de voir se transformer en or tout ce qu’il toucherait. Il obtint cette faveur et rentra au palais, et tout ce qu’il avait touché devenait de l’or. Bientôt, étant tourmenté par la faim, il demanda à Liber de lui enlever ce don merveilleux ; Liber lui ordonna d’aller se baigner dans le fleuve Pactole ; dès que son corps eut touché l’eau du fleuve, celle-ci prit une couleur dorée ; en Lydie, ce fleuve s’appelle maintenant Chrysorrhoas. »
orgies (11, 93). « Orgies » dans le sens de « fêtes bacchiques ». Sur le culte orphique et les initiations, et singulièrement sur celle de Midas, il y aurait sans doute beaucoup à dire, mais à ce sujet il ne semble pas que des sources remontent à une époque antérieure à Ovide.
Eumolpe le Cercopien (11, 93). Cercops étant un des premiers rois d’Athènes, « Cercopien » veut simplement dire « athénien ». (cfr 7, 486 avec d’autres liens). Cercops est l’ancêtre mythique de la famille des Eumolpides, prêtres de Déméter à Éleusis, et parfois considéré comme le fondateur des Mystères d’Éleusis. Il est toutefois rarement mis en rapport avec Orphée, comme il l’est ici par Ovide.
pour la onzième fois (11, 97). Nouvelle variation pour indiquer l’avancement dans le temps : après une durée de 10 fois 24 heures.
Lucifer (11, 97): Lucifer, l’étoile du matin, qui marque le lever du jour. Voir 8, 1-2.
Lydie (11, 98). C’est là que se trouvait Bacchus, après qu’il eut quitté la Thrace (11, 85).
Bérécynthe (11, 106). Voir supra 11, 16. Ici, c’est Midas, fils de Cybèle la Bérécynthienne.
Hespérides (11, 114). Les pommes d’or du jardin des Hespérides sont célèbres. Voir 4, 637-638.
Danaé (11, 117). Allusion à la pluie d’or, forme empruntée par Jupiter pour féconder Danaé. Voir 4, 607-612 avec n., et 6, 113.
liqueur (11, 125). Les Anciens mélangeaient de l’eau au vin, souvent qualifié de « liqueur de Bacchus », le dieu qui avait gratifié Midas de son pouvoir.
père Lénéen (11, 132). Lénéen, « du pressoir », est un des noms attribués à Bacchus, dieu du vin (voir 4, 14).
Sardes (11, 137). Sardes, ville de Lydie, où résidaient des rois, comme Crésus, à la richesse proverbiale (cfr 11, 152). Le fleuve est évidemment le Pactole, évoqué en 11, 85-86, censé rouler des paillettes d’or.
Midas (11, 146). Suite de l’histoire de Midas. Ovide semble s’être servi du personnage comme d’une transition entre la Thrace (liée à Bacchus) et la Phrygie (liée au cycle troyen). D’ailleurs, dans la première partie du récit consacré à Midas jusqu’au vers 145, c’est le dieu Bacchus qui intervient. Dans la suite, c’est Apollon qui prend le relais et qui punit Midas (174-179). Ovide annoncerait ici la dernière partie des Métamorphoses, consacrée à Troie et à Rome.
Pan (11, 147). Le dieu Pan, fils d’Hermès et d’une nymphe, était originaire d’Arcadie. Il présidait aux troupeaux et représentait la nature entière personnifiée. Portant des cornes et des pattes de chèvre, il effrayait les hommes par ses brusques apparitions (d’où l’expression ‘terreur panique’). Il passait (1, 685-712) pour l’inventeur de la flûte à sept tuyaux (la flûte de Pan), et figurait volontiers dans le cortège de Dionysos. À l’époque d’Ovide, le Faunus indigène était complètement assimilé à Pan, d’où la théorie, présente dans les Fastes, 2, 271-282, d’une origine arcadienne des Lupercales. Dans les Fastes, 2, 423-424, Ovide aborde également la question du rapport entre le dieu Pan et l’Arcadie. Voir aussi Fastes, 1, 397ss.
Tmolus (11, 151-152). Sur Tmolus, voir n. à 11, 85. En 11, 157-160, il sera personnalisé (comme Atlas en 4, 655), érigé en arbitre d’un concours de chant, et représenté sous les traits d’un vieillard. Le mont Tmolus n’est pas éloigné de Sardes (vers 137) et de Hypaepa (vers 152).
Sardes (11, 152). Cfr 11, 137. Voir aussi la n. à 11, 86.
Hypaepa (11, 152). Hypaepa est donc une ville de Lydie, sur le versant sud du Tmolos. Sur la modeste Hypaepa, voir 6, 13.
Apollon (11, 165). La description que fait ici Ovide d’Apollon se disposant à chanter correspond, pour l’expression, le costume, l’attitude, à la statue bien connue de l’Apollon Citharède du Musée du Vatican (Chamonard). On peut regretter que la fameuse statue n’ait pas été conservée avec ses couleurs ! Sont traditionnellement liés à Apollon, la longue chevelure blonde, le laurier (1, 563-567), le mont Parnasse où séjournent les Muses.
pourpre de Tyr (11, 166). Voir 6, 222 ; 9, 340 ; 10, 211.
bonnet pourpré (11, 181). Le mot latin tiara évoque pour nous la triple couronne papale. Il s’agit ici d’une sorte de bonnet ou de fez, qui servait de coiffure nationale aux peuples du nord-ouest de l’Asie. Les poètes latins (Virg., Én., 7, 247 ; Juvénal, 6, 516) parlent aussi de « tiare phrygienne » au lieu du terme mitra servant à désigner le « bonnet phrygien », un long bonnet souple qu’on attachait sous le menton, ce qui aurait bien convenu à Midas, Phrygien de surcroît (cfr A. Rich, Dictionnaire des Antiquités, Payot, 1995, p. 644, avec des illustrations).