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Cérès parcourt terres et mers. Assoiffée, elle est soulagée par une vieille femme qui lui offre à boire mais, offensée par un enfant effronté, elle le métamorphose aussitôt en une sorte de petit lézard. (5, 438-461)
Toujours bredouille, la déesse revient en Sicile, où Cyané, métamorphosée en source, lui montre la ceinture de Proserpine flottant sur l’eau. Enfin consciente du rapt de sa fille, la déesse alors veut se venger de la terre entière, en particulier de la Sicile, en plongeant toutes les contrées dans la stérilité et la désolation. (5, 462-486)
Alors, la fontaine d’Aréthuse implore pitié pour la Terre, nullement responsable de cette disparition, et apprend à Cérès que Proserpine est devenue la souveraine des enfers : elle l’a aperçue de ses propres yeux, lors de son voyage souterrain, entre l’Élide, son pays d’origine, et la région de Syracuse. (5, 487-508)
Cependant, vainement la mère éperdue a recherché sa fille
dans tous les coins de la terre, et partout sur l’océan.
440
À son lever, l’Aurore aux cheveux humides ne la trouve pas au repos,
ni non plus Hespérus. Cérès, à deux mains, alluma
aux feux de l’Etna des torches faites de troncs de pins
qu’elle porte, sans répit, à travers les ténèbres glaciales.
Dès que le jour bienfaisant avait fait disparaître les étoiles,
445
du lever au coucher du soleil, elle repartait en quête de sa fille.
Épuisée par l’effort, elle avait soif, sans une seule source
où se désaltérer, quand elle aperçut une chaumière
dont elle heurta la petite porte ; alors, s’avance une vieille femme
qui voit la déesse et, comme celle-ci lui demandait de l’eau,
450
elle lui donna une boisson douce qu’elle avait recouverte d’orge grillé.
Pendant que la déesse avale ce qu’on lui offre, un enfant effronté,
au visage dur, s’arrêta devant elle, rit et la traita de gloutonne.
Elle en fut offensée et, comme sa boisson n’était pas complètement bue,
la déesse versa sur le bavard le reste du mélange d’orge et de liquide.
455
Son visage s’imprègne de taches et, au lieu de bras,
il a des jambes ; une queue s’ajoute à ses membres transformés ;
et il est ramassé en une forme brève, de manière à diminuer
sa force de nuire, et sa taille est moindre que celle d’un petit lézard.
La vieille s’étonne, pleure et cherche à saisir cet animal prodigieux,
460
mais il la fuit et cherche une cachette ; son nom est en rapport
avec sa couleur, avec son corps constellé de mouchetures variées.
Il serait trop long de décrire par quelles terres et quelles mers
erra la déesse ; le monde ne combla pas ses recherches.
Elle regagna la Sicanie et, la parcourant en tous sens,
465
elle arriva près de Cyané. Sans sa métamorphose,
celle-ci lui aurait tout raconté ; mais, malgré son désir de parler,
sans bouche ni langue, elle ne pouvait s’exprimer.
Elle donna toutefois à la mère un indice clair, un objet familier,
tombé précisément à cet endroit dans le gouffre sacré :
470
elle lui montra à la surface de l’eau la ceinture de Perséphone.
Dès qu’elle la reconnut, comme si elle venait enfin à ce moment
de prendre conscience du rapt, la déesse, les cheveux en désordre
se les arracha, et de ses mains se frappa la poitrine à coups répétés.
Elle ignore encore où est sa fille, mais maudit toutes les régions,
475
les traitant d’ingrates, indignes des fruits de la terre,
et en particulier la Trinacrie, où elle avait découvert les traces
du tort qu’elle avait subi. Dès lors, d’une main cruelle,
elle brisa les charrues qui retournaient la glèbe ; irritée,
elle fit périr paysans et bœufs de labour, ordonna aux champs
480
de trahir le dépôt qu’on leur confiait, et contamina les semences.
La fertilité de cette terre, célébrée dans le monde entier,
apparaît fausse ; dès les premières pousses, les récoltes
dépérissent, détruites par un excès de soleil ou de pluies ;
les astres et les vents les abîment, les oiseaux gourmands
485
viennent picorer les graines répandues ; l’ivraie, les chardons
et l’inextricable chiendent étouffent les récoltes de blé.
C’est alors que la nymphe de l’Alphée sortit la tête des ondes Éléennes,
ramena de son front vers ses oreilles ses cheveux ruisselants
et dit : “ Ô mère d’une fille que tu as cherchée dans tout l’univers,
490
mère des fruits de la terre, mets un terme à tes efforts infinis
et renonce à cette violente colère contre la terre qui t’est fidèle.
Elle n’a rien mérité de tel et s’est ouverte à contrecœur lors du rapt.
Par ailleurs, je n’intercède pas pour ma patrie ; je suis ici en hôte.
Pise est ma patrie, et mes origines sont en Élide.
495
Je suis une étrangère, résidant en Sicanie, mais cette terre
m’est plus chère que tout autre ; maintenant je suis Aréthuse,
ici sont mes pénates, ici ma demeure. Toi, très bonne déesse,
sauvegarde cet endroit. Pourquoi j’ai changé de lieu pour aboutir
à Ortygie, à travers les flots d’une si vaste mer, je l’expliquerai
500
à l’heure venue pour mon récit, quand, soulagée de ton souci,
tu auras recouvré meilleure figure. La terre, qui se laisse traverser
m’offre un passage, et, après avoir disparu en ses cavernes profondes,
c’est ici que je relève la tête et vois les astres dont j’étais déshabituée.
Donc, tandis que je glisse sous terre dans le gouffre du Styx,
505
ta chère Proserpine s’offre à ma vue, là-bas, sous mes yeux ;
de visage, elle semble triste et n’est pas encore exempte de peur,
mais tout de même, elle est reine, la plus grande du monde ténébreux,
mais tout de même, c’est la puissante matrone du souverain des enfers ! ”
Forte de ce renseignement, Cérès supplie Jupiter, père de Proserpine, de contraindre Pluton à lui rendre sa fille, faisant valoir la honte d’avoir pour gendre un ravisseur. Jupiter se montre moins sévère pour le ravisseur, qu’il juge très honorable, tout en consentant à satisfaire Cérès, à la condition que Proserpine n’ait pas rompu le jeûne imposé par les Parques à tous les habitants des enfers. (5, 509-532)
Ascalaphe, fils d’Achéron et d’une nymphe de l’Averne, qui a aperçu la reine de l’Érèbe mangeant des grains de grenade, la dénonce, rendant impossible son retour sur terre. Cependant Proserpine punit le délateur, en le métamorphosant en hibou, oiseau de mauvais augure. Par contre, les filles de l’Achélous, qui ont manifesté de la sympathie à Proserpine, sont, à leur demande, métamorphosées en sirènes. (5, 533-563)
Jupiter toutefois consent à laisser Proserpine passer une partie de l’année dans les enfers, et l’autre sur terre en compagnie de sa mère. (5, 564-571)
La mère, stupéfaite en entendant ces paroles, fut comme pétrifiée,
510
et longtemps sembla frappée par la foudre. Quand la douleur
qui l’écrasait eut remplacé son égarement écrasant, elle sortit
sur son char vers les régions de l’éther. Là, le visage couvert de brume,
cheveux défaits, emplie de haine, elle se dressa devant Jupiter :
“ Jupiter, je viens vers toi en suppliante ” dit-elle, “ et c’est autant
515
pour mon sang que pour le tien. Si tu n’as aucun égard pour la mère,
puisse du moins la fille émouvoir son père ; et, je t’en prie,
ne prends pas moins soin d’elle, parce qu’elle est née de moi.
Voici que, après une longue recherche, j’ai retrouvé ma fille,
si l’on appelle « retrouver » ce qui est plus sûrement « perdre »,
520
ou si on appelle « retrouver » le fait de savoir où elle est. J’accepterai
qu’il l’ait enlevée, pourvu qu’il la rende ; et, du reste, un mari voleur
est indigne de ta fille à toi, puisque maintenant elle n’est plus mienne ”
Jupiter reprit : “ Notre fille est un gage de tendresse et une charge
que toi et moi avons en commun. Mais si cependant tu consens
à donner aux choses leur véritable nom, cet acte n’est pas une injustice,
mais de l’amour ; et ce gendre illustre ne nous fera pas honte,
pourvu que tu l’acceptes, ô déesse. Si tout le reste lui manquait,
n’est-ce grand honneur d’être frère de Jupiter ! D’ailleurs,
le reste ne lui fait pas défaut, et je ne dois ma préséance qu’au sort.
Mais, si tu tiens tant à les séparer, Proserpine regagnera le ciel,
à la condition stricte toutefois que, là-bas, ses lèvres n’aient touché
aucune nourriture ; car ainsi l’a prévu un arrêt des Parques. ”
Il avait fini de parler. Cérès est résolue à emmener sa fille,
mais les destins s’y opposent, car la jeune fille avait rompu le jeûne.
535
En effet, pendant qu’elle errait ingénument dans les jardins bien soignés,
elle avait cueilli d’un arbre ployant sous la charge un fruit pourpré,
et sous son écorce pâle elle avait prélevé sept grains
qu’elle avait pressés sur sa bouche. Le seul témoin en fut
Ascalaphe, que, un jour, selon la légende, Orphné,
une des plus célèbres nymphes de l’Averne,
avait conçu de son cher Achéron à l’ombre des forêts ténébreuses.
Il l’a vue, et sa dénonciation cruelle rendit son retour impossible.
La reine de l’Érèbe gémit et transforma en un oiseau funeste
son témoin, lui aspergea la tête d’eau du Phlégéthon
545
et le dota d’un bec, de plumes et d’yeux immenses.
Arraché à sa forme première, il s’enveloppe d’ailes fauves,
sa tête grossit, ses ongles s’allongent et se courbent,
et à peine peut-il bouger les plumes qui ont couvert ses bras inertes :
il devint un oiseau de mauvais augure, le lâche hibou,
550
messager de deuil prochain, présage cruel pour les mortels.
Cependant, par sa langue de délateur, il peut sembler
avoir mérité sa punition ; mais, d’où vous viennent, filles d’Achélous,
qui avez des têtes de jeunes filles, ces plumes et pattes d’oiseaux ?
Peut-être, lorsque Proserpine cueillait des fleurs printanières,
étiez-vous du nombre de ses compagnes, doctes Sirènes ?
Après l’avoir cherchée en vain dans l’univers entier, aussitôt après,
pour que les flots aient conscience de votre sollicitude,
vous avez souhaité avoir des ailes en guise de rames, pour pouvoir reposer
sur les eaux. Vous avez trouvé les dieux favorables à votre vœu,
560
et avez vu vos membres se couvrir soudain de plumes fauves.
Toutefois, pour que ce chant harmonieux, né pour charmer les oreilles,
et pour qu’un si grand talent vocal ne perdent pas l’usage de la parole,
vous avez conservé vos visages de vierges et votre voix humaine.
Partagé entre son frère et sa sœur affligée,
565
Jupiter coupa en deux parties égales le cours de l’année.
Désormais la déesse, puissance divine commune aux deux royaumes,
vit avec sa mère le même nombre de mois qu’avec son époux.
Aussitôt se transforment son état d’esprit et l’aspect de son visage.
La déesse, qui naguère pouvait paraître triste même à Dis,
570
arbore un front heureux, tel le soleil qui, l’instant d’avant était couvert
de nuages chargés de pluie, en émerge après les avoir vaincus.
Enfin apaisée, Cérès écoute Aréthuse, qui lui raconte comment, nymphe campagnarde d’Achaïe, plus soucieuse d’honorer Diane que de chercher à plaire, elle fut poursuivie par le fleuve Alphée, épris de sa beauté. Après l’avoir fui longtemps à travers l’Arcadie et l’Élide, elle ne lui échappe que grâce à Diane, qui la dissimule dans un nuage. Finalement, la nymphe fut métamorphosée en fontaine, à laquelle l’Alphée, toujours épris, mêla ses eaux. Grâce à Diane, la fontaine put, par voie souterraine, réapparaître sur terre à Ortygie, en Sicile, un endroit dont le nom est en rapport avec Diane, la déesse de Délos. (5, 572-641)
Cérès quitte la Sicile et se rend à Athènes par la voie des airs. Là elle confie son char au jeune Triptolème qu’elle charge de répandre partout des semences. Ayant fait part de sa mission à Lyncus, roi de Thrace, le jeune homme suscite l’envie du roi qui tente de le tuer dans son sommeil. Mais Cérès métamorphose Lyncus en lynx, et permet à Triptolème de poursuivre sa mission. (5, 642-661)
La généreuse Cérès, apaisée après avoir récupéré sa fille, demande
pourquoi, ô Aréthuse, tu as fui et es devenue une fontaine sacrée.
Les ondes se turent. La déesse surgit de leur source profonde,
soulevant la tête et essorant de la main sa verte chevelure,
puis elle se mit à raconter les amours anciennes du fleuve Éléen.
“ Je faisais partie des nymphes d’Achaïe ”, dit-elle,
“ J’ai été l’une d’elles ; nulle autre n’était plus zélée que moi
pour repérer les bocages, nulle autre plus ardente à poser des filets.
580
Bien que je n’aie jamais prétendu à un renom de beauté,
et sans égard pour mon courage, on me surnommait la ‘belle’.
Je n’aimais pas les éloges excessifs faits à mon physique ;
et, chose que d’autres apprécient d’habitude, moi, fille des champs,
je rougissais de mon corps et pensais que plaire était criminel.
Je rentrais épuisée, je m’en souviens, de la forêt de Stymphale ;
il faisait chaud, et ma fatigue rendait la chaleur plus accablante.
Je découvre des eaux s’écoulant sans tourbillons, sans un murmure,
des eaux totalement transparentes, qui permettaient de compter
tous les cailloux du fond, des eaux qu’on eût dites presqu’immobiles.
590
Des saules argentés et des peupliers nourris de l’onde,
nés spontanément, offraient leurs ombres aux rives en pente.
Je m’approche, je trempe d’abord la plante de mon pied,
puis je vais jusqu’au genou. Et comme cela ne me suffisait pas,
je délie ma ceinture, pose mes voiles légers sur une branche de saule
595
et, nue, je plonge dans l’eau. Tandis que je fends les ondes
et les ramène à moi, glissant de mille façons, agitant et secouant les bras,
je perçois, montant des profondeurs de l’eau je ne sais quel murmure.
Effrayée, je prends pied sur le bord de la rive la plus proche.
“ Où vas-tu si vite, Aréthuse ? ”, criait Alphée sortant de ses eaux,
600
“ où cours-tu ? ”, répète-t-il d’une voix rauque.
Je m’enfuis, sans vêtements, telle que j’étais : mes vêtements
sont sur l’autre rive. Il insiste et se montre d’autant plus ardent,
que j’étais nue et à ses yeux, plus disposée à céder.
Moi je courais, lui sauvagement me serrait de près ;
605
ainsi des colombes, d’une aile tremblante, fuient l’épervier,
ainsi d’habitude, l’épervier poursuit les colombes tremblantes.
Jusqu’au pied d’Orchomène, de Psophis et du Cyllène,
jusqu’aux golfes du Ménale, jusqu’à l’Érymanthe frais et Élis,
j’ai tenu bon et j’ai couru. Il n’était pas plus rapide que moi,
610
mais je n’étais pas égale en forces, et je ne pouvais soutenir
longtemps cette course ; lui, il était endurant à un long effort.
Pourtant, traversant champs, monts feuillus, et aussi rochers
et précipices, et des endroits sans chemins tracés, j’ai couru.
Le soleil était derrière moi ; j’ai vu s’allonger devant mes pieds
615
une grande ombre, à moins que la crainte n’ait causé cette vision.
Mais il est sûr que le bruit de ses pas m’effrayait et que de sa bouche
l’haleine puissante déplaçait les bandelettes de mes cheveux.
Épuisée par la fatigue de ma fuite, je dis : “ Je suis prise,
ô Diane, viens aider celle qui porte tes armes, à qui souvent
620
tu confias tes arcs et les traits contenus dans ton carquois ! ”
La déesse fut touchée et, amenant avec elle un épais nuage,
le jeta sur moi. Le fleuve tourne autour de moi, qui suis cachée
par la brume et, sans comprendre, me cherche au creux du brouillard ;
ignorant, il contourne deux fois l’endroit où la déesse me dissimulait,
625
m’appelant à deux reprises : “ Io, Aréthuse, Io, Aréthuse ”.
Quel fut alors le sentiment de mon pauvre cœur ? N’étais-je pas
comme l’agnelle entendant des loups frémissants rôder près des étables,
ou le lièvre caché dans un buisson, qui distingue les chiens
aux museaux hostiles, sans oser faire aucun mouvement ?
630
Il ne s’éloigna toutefois pas car, plus loin, il ne distingue
aucune trace de pas ; il reste à observer le lieu occupé par le nuage.
Une sueur froide envahit mes membres et s’y installe,
des gouttes azurées tombent de tout mon corps ;
là où j’ai mis le pied, apparaît une mare ; de mes cheveux,
635
la rosée tombe et en moins de temps qu’il en faut pour le raconter,
je suis métamorphosée en source. Mais le fleuve, en reconnaissant
les eaux aimées, délaisse la figure d’homme qu’il avait revêtue,
retourne à ses propres ondes, pour pouvoir se mêler aux miennes.
La Délienne ouvre la terre, je plonge dans ses cavernes aveugles,
640
et suis emportée à Ortygie, chère à mes yeux par le nom de la déesse,
qui la première me ramena à la surface de la terre. ”
Aréthuse s’arrêta ici. La déesse de la fertilité attela à son char
deux serpents qu’elle maîtrisa en leur plaçant un frein dans la bouche,
puis elle se déplaça entre le ciel et la terre à travers l’espace.
Elle dirigea son char léger vers la ville de la Tritonide, qu’elle confia
à Triptolème avec ordre de répandre les semences qu’elle lui donnait,
les unes sur un sol inculte, les autres, sur un sol reposé et retravaillé.
Déjà le jeune homme avait survolé l’Europe et la terre d’Asie
et, emporté dans les airs, il se tournait vers les régions de la Scythie,
650
là où régnait Lyncus. Triptolème pénétra dans la demeure du roi.
Interrogé sur son itinéraire, sur la raison de sa venue,
sur son nom et sa patrie, il dit : “ Ma patrie est l’illustre Athènes,
mon nom est Triptolème. Je ne suis venu ni en bateau par la mer,
ni à pied, par les terres ; l’éther m’a été ouvert, accessible.
655
J’apporte les dons de Cérès : s’ils sont semés dans les vastes plaines
ils produiront des récoltes fructueuses et de douces nourritures. ”
Le Barbare envieux, rêvant d’être lui-même l’auteur d’un tel présent,
lui accorde l’hospitalité ; puis, le voyant plongé dans un lourd sommeil,
il l’agresse à l’épée. Mais pendant qu’il tentait de lui percer le cœur,
660
Cérès le métamorphosa en lynx et ordonna au jeune Mopsopien
de mener à nouveau à travers les airs l’attellage sacré. »
Le chant de Calliope terminé, la muse narratrice annonce la victoire des Muses sur les Piérides. Comme ces dernières protestent contre leur défaite, elles sont punies en étant transformées en pies.
La plus importante d’entre nous avait fini ses chants savants.
Alors les nymphes d’une seule voix déclarèrent victorieuses
les déesses vivant sur l’Hélicon. Comme les vaincues se répandaient
665
en injures, j’ai dit : “ Puisque, suite au concours, il ne vous suffit pas
d’avoir mérité un châtiment, et puisque vous ajoutez des insultes
à votre faute, et comme notre patience a des limites,
nous vous punirons et suivrons la voie que nous indique la colère ”.
Les filles d’Émathie se moquent et dédaignent nos menaces.
670
Tandis qu’elles cherchent à parler et à tendre effrontément les mains,
en poussant de grands cris, elles aperçoivent que des plumes
sortent de leurs ongles, et que leurs bras aussi se couvrent de plumes ;
l’une voit le visage de sa compagne s’accroître d’un bec rigide
et des oiseaux d’un genre nouveau se diriger vers les forêts.
675
Voulant se frapper la poitrine, soulevées par leurs bras en mouvement,
elles planent dans les airs : ce sont les pies, menant grand tapage
dans les bois. De nos jours encore, ces oiseaux ont conservé
leur faconde d’antan, leur caquetage rauque et leur infini désir de parler. »
la mère a recherché... (5, 438-508). Calliope (5, 339-341) continue son récit de la quête de Proserpine par Cérès. Dans Fastes, 4, 455-495, la quête de Cérès en Sicile est longuement décrite. Ici, quelques lignes seulement y sont consacrées, et la quête semble se poursuivre en Grèce, sans que beaucoup de précisions soient données.
Hespérus (5, 441). Fils de l’Aurore et d’Atlas, changé en une étoile, l’étoile du soir.
feux de l’Etna (5, 442). Voir Fastes, 4, 493-494.
elle avait soif... (5, 446-461). Ici se situe un épisode (la métamorphose d’un enfant en lézard) absent des Fastes, 4, mais présent dans les Métamorphoses de Nicandre, où la vieille mère s’appelait Mismé, et l’enfant Askalabos, la scène se passant en Attique.
boisson douce, etc. (5, 450). C’est « le cycéon d’Homère, le mulsum des Latins, mélange de vin et de miel ; la polenta, farine d’orge grillée, qu’on y ajoutait, en formait la partie solide » (G. Lafaye).
constellé (5, 461). L’enfant, qu’Ovide ne nomme pas et dont il ne précise pas le degré de parenté avec la vieille, est métamorphosé en une sorte de petit lézard, appelé « stellion ».
Cyané (5, 465). Pour l’histoire de Cyanè, cfr 5, 409ss.
Perséphone (5, 470). Ovide semble employer indifféremment le nom grec ou le nom latin de la déesse.
nymphe de l’Alphée (5, 487). Aréthuse intervient, déjà citée en 5, 409 ; elle va fournir à Cérès une série de renseignements précieux. Son histoire sera racontée en détail plus loin dans les vers 5, 487-508, et 5, 572-641 (cfr aussi Fastes, 4, 423, et Virgile, Én., 3, 694-896). La nymphe est originaire d’Achaïe, plus précisément de Pise, en Élide (d’où l’adjectif « Piséenne » qui la caractérisait en 5, 409). Ici Ovide met l’accent sur ses liens avec le fleuve Alphée, en Élide également. En 5, 494, Artéhuse dira que Pise est sa patrie et que ses origines sont en Élide.
ondes Éléennes (5, 488). Les « eaux venues de l’Élide », la région dont est originaire Aréthuse et où coule le fleuve Alphée.
Ortygie (5, 499). Île qui formait le quartier le plus ancien de Syracuse et où se termina la course souterraine d’Aréthuse. Ortygie est aussi le nom de l’île de Délos (Mét., 1, 694 avec la note), ce qui explique les liens entre Aréthuse et Artémis-Diane, née à Délos. En 5, 618, c’est à Diane qu’Aréthuse demandera de l’aide lorsqu’elle sera sur le point d’être prise par Alphée.
je l’expliquerai (5, 499). L’explication sera donnée en 5, 572-641.
Styx (5, 504). Le Styx désigne ici les Enfers. Lors de son voyage souterrain entre l’Élide, son pays d’origine, et la région de Syracuse, Aréthuse a aperçu Proserpine.
Jupiter, je viens vers toi en suppliante, etc. (5, 514). Dans les Fastes aussi (4, 585-610), Cérès-Déméter, désemparée, s’adresse à Jupiter et lui rappelle notamment qu’il est le père de Proserpine. Là aussi, Jupiter tente de la calmer, en faisant valoir qu’Hadès, qui règne sur un tiers de l’univers, n’est pas un gendre indigne.
un arrêt des Parques (5, 532). Au sens de « C’est le destin qui le veut ainsi ».
Ascalaphe... Orphnè (5, 539). La métamorphose d’Ascalaphe, une sorte de gardien des enfers, ne semble pas connue avant Ovide. Il passe pour le fils d’Achéron, un des principaux fleuves des Enfers, mais le nom de sa mère varie. La nymphe Orphnè, mentionnée par Ovide, n’est pas citée ailleurs. On notera qu’en grec, le mot « askalaphos » désigne une sorte de « hibou », et « orphnè » signifie « obscurité ».
Averne (5, 540). Le lac Averne situé en Campanie, célèbre notamment par le sixième chant de l’Énéide de Virgile, est considéré comme un lieu de passage entre le monde des vivants et celui des morts. Il n’est pas rare que le mot soit utilisé pour désigner les Enfers, par exemple Én., VI, 126.
reine de l’Érèbe (5, 543). Les Enfers sont parfois désignés par le nom d’un dieu primitif, Érèbe (Hésiode, Théogonie, 123-125), né du Chaos, et qui fut précipitée par Zeus dans les Enfers pour avoir aidé les Titans (cfr aussi Virgile, Én., 4, 26 et 4, 510, avec les notes). Proserpine/Perséphone est la reine de l’Érèbe, donc des Enfers.
Phlégéthon (5, 544). Fleuve des Enfers, entourant le Tartare et se jetant dans l’Achéron. Voir Virgile, Én., 6, 265 et 6, 551.
filles d’Achélous (5, 552). L’Achélous est un cours d’eau, le plus long fleuve de l’Hellade, séparant l’Étolie de l’Acarnanie. Il passe pour être le fils de Téthys et Océan, et pour frère ou père des Sirènes. La légende d’Achélous se mêle à la geste d’Héraclès. Il s’appelle aujourd’hui Aspropotamos.
Les Sirènes (5, 556). Filles du fleuve Achéloos, qualifiées ici de savantes, créatures mi-femmes, mi-oiseaux, qui vivaient dans une île de la Méditerranée et qui attiraient par la beauté de leurs chants les marins qui s’échouaient sur leurs récifs et devenaient leur proie. Les versions diffèrent concernant leur nombre, leur nom, et leur généalogie. Un épisode fameux les concernant est évoqué par Homère (Odyssée, 12, 124-200), qui rapporte comment Ulysse s’est arrangé pour écouter leurs chants sans tomber entre leurs mains. Certains auteurs, dont Ovide ici, les mettent en rapport avec la légende de Perséphone.
partagé entre son frère et sa sœur (5, 564). Jupiter va servir d’arbitre entre Cérès et Pluton, en proposant que Proserpine passe une partie de l’année dans les Enfers, et une autre sur terre. Un compromis est donc trouvé : Perséphone passera six mois avec sa mère et six mois avec son époux, dans les Enfers. Dans d’autres versions de la légende, la proportion est différente (par exemple huit mois et quatre mois). On n’oubliera pas que dans l’Antiquité, Perséphone était censée symboliser les semences, qui, après être restées en terre un certain temps, remontent à la lumière pour donner une plante nouvelle. Voir aussi Fastes, 4, 613-614.
fleuve Éléen (5, 576). C’est l’Alphée, fleuve de l’Élide (cfr 5, 487).
Stymphale (5, 585). Ville et lac d’Arcadie, connu par la mythologie d’Héraclès (combat contre les oiseaux du lac Stymphale). Voir Fastes, 2, 273.
Orchomène... Psophis... Cyllène... Ménale... Érymanthe... Élis (5, 607-608). Noms de villes (Orchomène, Psophis), ou de montagnes (Cyllène, Ménale, Érymanthe) situés en Arcadie, alors que Élis est la capitale de l’Élide. Comme d’habitude, les énumérations d’Ovide sont plutôt fantaisistes, et le cours de l’Alphée n’est pas proche des lieux cités (d’après G. Lafaye).
la Délienne... Ortygie (5, 639-640). Diane-Artémis, née à Délos ou Ortygie, et protectrice d’Aréthuse. Voir 5, 499 et 5, 618-619.
Tritonide (5, 645). La ville d’Athéna-Pallas (Minerve), dite la Tritonide, est évidemment Athènes. Voir Mét., 2, 793 et 2, 783. Sur la Tritonienne, voir aussi 5, 250-251 et 5, 270.
Triptolème (5, 645-646). Sur ce personnage et son histoire, cfr Fastes, 4, 508 à 560.
Lyncus (5, 650). La métamorphose de ce personnage n’est connue que par Ovide.
mopsopien (5, 660-661). Synonyme d’Attique. Mopsopus/Mopsos avait été un héros ou un roi attique. L’expression désigne ici Triptolème. Cfr un emploi analogue en 6, 423.
la plus importante (5, 662). Calliope, dont le chant a occupé les vers 338-661. Cette partie constitue un récit dans le récit que fait une autre muse à Minerve (vers 269-678).
filles d’Émathie (5, 669). L’expression désigne les Piérides, venues de Macédoine, dont l’Émathie fait partie. Voir 5, 294-331.