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Le banquet des noces de Persée et Andromède est troublé par un intrus. C’est Phinée, revendiquant sa nièce Andromède, qui lui avait été promise comme épouse. Céphée tente de justifier sa décision, mais ses arguments (la vaillance et les mérites de Persée, et surtout le respect de l’accord conclu) ne portent pas. Phinée passe à l’attaque et cherche à atteindre Persée, qui réplique aussitôt. La foule est gagnée par la fièvre du combat, tandis que Céphée quitte le palais, attestant de sa bonne foi. (5, 1-45)
Persée, protégé de Minerve, abat d’abord le jeune et bel Athis, en train de bander son arc, puis Lycabas, l’ami intime d’Athis, qui s’était porté à son secours et qui le rejoint ainsi dans la mort. Ensuite, il élimine une petite dizaine de guerriers. (5, 46-88)
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Tandis que au milieu des Céphènes, le héros né de Danaé
rappelle ces événements, les atriums royaux s’emplissent
d’une foule bruyante, et les bruits qu’on entend ne sont pas
les chants de la fête nuptiale, mais annoncent de sauvages combats.
5
On pourrait comparer ces festins mués soudain en désordres
à une mer qui, d’abord tranquille, se soulève, irritée
par la rage sauvage des vents qui agitent les flots.
À leur tête, Phinée, l’audacieux fauteur de la guerre,
agite une lance de frêne, à lame de bronze, et dit :
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« Me voici, je suis là, pour me venger du rapt de mon épouse ;
et ni tes ailes ni Jupiter transformé en un or trompeur
ne pourront t’arracher à moi ». Comme il tente de lancer son arme,
Céphée s’écrie : « Que fais-tu, mon frère ? Quelle pensée folle
te pousse au crime ? De si grands services valent-ils
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cette sorte de gratitude ? Paies-tu cette dot pour le salut de sa vie ?
Si tu veux la vérité, ce n’est pas Persée qui te l’a enlevée,
mais la volonté des sévères Néréides, mais Ammon le cornu,
mais le monstre marin qui venait pour se rassasier de mes entrailles.
C’est au moment même où elle devait périr qu’elle t’a été enlevée ;
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mais peut-être est-ce précisément cela que tu exiges, cruel,
qu’elle périsse, et que notre deuil soit un soulagement pour toi.
Sans doute n’est-ce pas assez qu’elle ait été délivrée sous tes yeux
et que toi, oncle ou fiancé, tu ne lui aies été d’aucun secours ;
en plus, tu iras te plaindre que quelqu’un l’ait sauvée,
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et tu t’empareras de la récompense ? Si elle te semble précieuse,
c’est sur ces rochers où elle était attachée, que tu devais la chercher.
Maintenant accepte que celui qui l’a cherchée et soutient ma vieillesse
emporte le fruit de ses mérites, selon les termes du pacte ; et sache que
ce n’est pas à toi mais à une mort assurée qu’on l’a préférée. »
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Phinée ne répond rien ; mais regardant tour à tour Céphée
et Persée, il ne sait qui attaquer, celui-ci ou celui-là.
Puis, après un instant d’hésitation, avec toute la force de la colère,
il brandit son arme et la lance sur Persée, mais il le manque :
l’arme reste fichée sur le lit. Alors seulement Persée
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bondit de sa couche et, dans sa fougue, renvoyant le trait,
il aurait fracassé le torse de son ennemi, si Phinée ne s’était réfugié
derrière un autel ; et, chose indigne, l’autel fut salutaire au scélérat.
Mais le trait ne fut pas perdu et s’enfonça dans le front de Rhétus.
Celui-ci tombe, et une fois le fer extirpé de son crâne,
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il se met frapper des talons et asperge de son sang les tables dressées.
Alors, une colère indomptable gagne la foule qui s’enflamme,
on lance des traits de tous côtés. Certains disent que Céphée doit mourir
ainsi que son gendre ; mais Céphée, franchissant le seuil du palais,
sort, attestant par la justice, la bonne foi et les dieux hospitaliers,
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que ce désordre se produisait contre son gré.
Pallas la guerrière est là ; de l’égide, elle protège et encourage son frère.
Il y avait Athis, un Indien, que Limnéé, une fille du Gange,
avait mis au monde, croit-on, sous ses ondes cristallines.
Remarquable par sa beauté qu’accentuait sa riche parure,
il était encore dans sa fleur, venant d’atteindre ses seize ans ;
il était vêtu d’une chlamyde de Tyr, ourlée d’une bordure dorée ;
son cou était paré de colliers d’or, et un peigne incurvé
ornait ses cheveux, imprégnés de myrrhe.
Habile à transpercer, d’un trait, des cibles éloignées,
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il était en vérité plus habile encore à tendre l’arc.
Au moment même où sa main souple en rapprochait les extrémités,
Persée le frappa avec une bûche fumante, placée sur l’autel,
et transforma en un amas indistinct son visage et ses os fracassés.
Tandis qu’il agitait son visage si admiré, tout couvert de sang,
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l’Assyrien Lycabas l’aperçut. C’était son compagnon le plus intime,
qui ne cachait pas pour lui un véritable amour.
Après avoir pleuré sur Athis, qui avait rendu l’âme avant l’heure
à cause de cette blessure, il saisit l’arc qu’avait tendu son ami
et dit : « C’est avec moi que tu auras à combattre,
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tu ne te réjouiras pas longtemps de la mort d’un enfant,
qui te vaut plus de haine que de louange. » Il parlait encore
quand d’un arc tendu jaillit un trait pénétrant, qu’il évita
mais qui resta suspendu dans les plis de son vêtement.
Le descendant d’Acrisius tourna vers lui la harpè célèbre
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depuis le meurtre de Méduse et la lui enfonça dans le cœur ;
mais Lycabas, déjà mourant, les yeux vagues dans la nuit noire,
chercha à voir Athis et s’inclina vers lui, emportant chez les Mânes
la consolation de leur union dans la mort.
Voici que Phorbas de Syène, fils de Métion,
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et Amphimédon de Libye, avides d’engager le combat,
avaient glissé, tombés ensemble dans une large mare de sang
qui imprégnait la terre attiédie ; comme ils se relevaient, un coup d’épée
les arrêta, porté dans la gorge de Phorbas, dans les côtes de l’autre.
Érytos, fils d’Actor, qui avait pour arme une large hache
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à double tranchant, Persée ne l’attaqua pas avec sa lance crochue ;
mais, avisant un cratère de dimensions énormes, très lourd,
orné de profonds reliefs, il le saisit à deux mains
et le jette sur le héros ; celui-ci vomit un sang rouge,
tombe à la renverse et, mourant, heurte la terre de sa tête.
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Ensuite Persée abat Polydegmon, né du sang de Sémiramis,
Abaris le Caucasien, Lycétus, fils du Sperchios,
Hélix, aux cheveux non coupés, Phlégyas et Clytus,
et il piétine les monceaux de corps des mourants entassés.
Phinée, présenté comme un lâche et combattant de loin, blesse mortellement Idas, neutre au départ. Divers corps à corps s’ensuivent entre des partisans respectifs des deux frères, et les morts se succèdent dans les deux camps. Ovide insiste sur la cruauté et l’impiété des assaillants qui s’en prennent souvent à des gens pacifiques ou désarmés (un vieillard, des lutteurs, un poète-musicien, notamment). (5, 89-136)
Persée, aidé de la Fortune, terrasse à lui seul une série d’opposants. (5,137-148)
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Phinée, qui n’ose affronter un ennemi en corps à corps,
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lance un javelot, qui dans sa course va frapper Idas ;
celui-ci était resté en-dehors du conflit, sans suivre aucun parti,
mais en vain. Regardant d’un œil farouche le cruel Phinée, Idas dit :
«Phinée, puisque je suis amené à choisir un camp, tu as fait de moi
ton ennemi, sache-le, et paie avec ce coup le coup que tu m’as porté ! »
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Et déjà il était prêt à lui relancer le trait qu’il avait extirpé de son corps
quand il tomba affalé sur ses membres vidés de leur sang.
À ce moment aussi, Hoditès, le premier des Céphènes après le roi,
tombe sous l’épée de Clymène ; Hypsée frappe Prothoénor,
et le rejeton de Lyncée abat Hypsée. Il y avait parmi eux un vieillard,
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Émathion, soucieux de justice et craignant les dieux :
comme les ans l’empêchent de combattre, il lutte par la parole
et s’avance en maudissant les armes scélérates.
De ses mains tremblantes il s’agrippait à un autel, mais Chromis,
d’un coup d’épée, lui tranche la tête ; celle-ci aussitôt
tombe sur l’autel, prononce d’une langue pâteuse
des malédictons, puis rend l’âme au milieu des flammes.
Ensuite, les jumeaux Broteas et Ammon, invincibles au ceste,
- ah ! si des cestes avaient pu vaincre des épées ! -
tombèrent de la main de Phinée, ainsi qu’un prêtre de Cérès,
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Ampycus, aux tempes voilées d’une bandelette blanche.
Toi aussi, Lampétidès, tu n’étais pas fait pour ces occupations :
artisan de paix, tu chantais en t’accompagnant de la lyre,
et tu avais la mission de célébrer le banquet et la fête par des chants.
Il était debout, à l’écart, tenant en main son plectre inoffensif, et Pettalus,
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d’un rire moqueur, dit : « Chante la suite aux Mânes du Styx ! »,
en lui enfonçant dans la tempe gauche son arme pointue.
Il s’écroule et de ses doigts mourants essaie encore de toucher
les cordes de la lyre qui, lors de la chute, émet un chant douloureux.
Alors le farouche Lycormas ne tolère pas que cette mort soit impunie :
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il saisit une barre de chêne fixée au battant droit de la porte,
et l’enfonce au milieu du crâne de Pettalus, qui, à son tour,
tombe à terre comme un bœuf qu’on vient d’immoler.
Pélatès venu du Cinyps essayait aussi d’enlever la barre de chêne
du battant gauche ; pendant sa tentative, sa main droite fut traversée
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par la pointe de Corythus de Marmarique, et resta collée au bois.
Abas perce le flanc du malheureux immobilisé, qui ne s’écroule pas,
mais reste suspendu, mourant, au battant qui retenait sa main.
Mélanée aussi, qui appartenait au camp de Persée, est terrassé
ainsi que Dorylas, très riche propriétaire terrien chez les Nasamons.
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Le riche Dorylas ! Nul ne possédait plus vaste étendue
de terres et ne récoltait autant de monceaux d’encens.
Un trait lancé de côté lui resta fiché dans l’aine,
coup mortel en cet endroit. Après l’avoir vu rendre l’âme
en hoquetant, et les yeux chavirés, l’auteur de sa blessure,
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Halcyonée le Bactrien, dit : « Tu auras juste l’espace que tu couvres,
toi qui as eu tant de terres ! », et il abandonna le corps exsangue.
L’arme encore tiède est retirée de la blessure de Dorylas,
et son vengeur, l’Abantiade, la dirige contre son agresseur :
l’arme, reçue en plein nez, a traversé la tête et ressort de deux côtés.
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Tandis que la Fortune favorise sa main, Persée abat Clytius et Clanis,
nés de la même mère, mais frappés différemment : en effet,
de son bras puissant, Persée balança un trait en bois de frêne,
qui traversa les deux cuisses de Clytius ; Clonis, lui, mordit le javelot
qui lui frappa la bouche. Céladon de Mendès tombe ; Astrée aussi
145
succombe, né d’une mère Palestinienne, et d’un père inconnu ;
de même Éthion, habile autrefois à prévoir l’avenir,
cette fois abusé par un oiseau trompeur ; tombent aussi Thoactès,
écuyer du roi, et l’infâme Agyrtès, qui avait tué son père.
Face à une foule d’adversaires, Persée, qui ne trouve chez ses proches (Andromède et ses parents) que de la sympathie et des pleurs, est seul à affronter la mêlée. Adossé à une colonne, il résiste aux assauts et se défait en particulier de deux assaillants. (5, 149-176)
Pour éviter d’être écrasé sous le nombre, il recourt à un artifice magique, en dirigeant la tête de la Gorgone vers ceux qui s’approchent de lui et qu’il métamorphose en statues de pierre : il s’agit de six personnages nommés et caractérisés, dont un de son propre camp, et d’une foule (deux cents hommes) d’attaquants issus de la plèbe. (5, 177-209)
Phinée, consterné par ces métamorphoses, propose de céder sur toute la ligne en échange de la vie, mais Persée, impitoyable, transforme son rival en statue de pierre. (5, 210-235)
Cette tâche achevée, il reste à faire plus encore ; car, son désir
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est de les écraser tous, à lui seul ; des troupes liguées de partout
combattent pour une cause offensant son mérite et la bonne foi.
Dans son camp, son beau-père, pieux en vain, sa nouvelle épouse
et sa mère le soutiennent, emplissant les salles de cris couverts
par le bruit des armes et les plaintes des victimes tombées,
155
tandis que Bellone inonde de flots de sang la demeure
qu’elle a souillée, provoquant la mêlée et ranimant les combats.
Le héros est seul, encerclé par Phinée et mille de ses suivants.
Plus nombreux que lors d’une grêle en hiver, les traits volent,
effleurant ses deux flancs, et ses yeux et ses oreilles.
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Persée adosse ses épaules au marbre d’une haute colonne
et, sentant son dos protégé, il fait face aux troupes qui l’affrontent
et résiste à ses attaquants ; il était pressé, sur la gauche,
par Molpée de Chaonie, et à droite, par Échemmon le Nabatéen.
De même qu’un tigre tenaillé par la faim et qui a entendu
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deux troupeaux mugir dans deux vallées différentes, ne sait lequel
attaquer d’abord, et brûle de se jeter sur les deux à la fois,
ainsi Persée, hésitant à se porter à droite ou à gauche,
écarte Molpée d’un coup à travers la jambe, et le laisse fuir.
C’est qu’Échemmon ne lui laisse pas de répit. Furieux
170
et désireux de porter à Persée un coup en haut du col,
il brandit, sans mesurer ses forces, son épée
qui se brise en percutant la base de la colonne
et des éclats vont se ficher dans la gorge de son propriétaire.
Pourtant cette plaie n’était pas assez grave pour provoquer sa mort ;
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face à l’homme qui tremblait et tendait en vain ses bras désarmés,
Persée le transperça de sa harpè du Cyllène.
Mais quand Persée vit sa valeur céder sous le nombre,
il dit : « Puisque vous-mêmes m’y contraignez,
j’appellerai à l’aide un ennemi. S’il y a ici un ami,
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qu’il détourne ses regards ! », et il leva la tête de la Gorgone.
« Cherche quelqu’un d’autre, qui serait sensible à tes artifices »,
dit Thescélus ; et comme sa main allait lancer un trait mortel,
il resta figé, marbre statufié, en train de faire ce geste.
Près de lui, Ampyx chercha à atteindre avec son glaive
185
le cœur ardent du rejeton de Lyncée ; et tandis qu’il le cherchait,
sa main droite se raidit et ne bougea plus, ni en avant ni en arrière.
Nilée pour sa part, se prétendait faussement issu du Nil aux sept bras
et avait même fait ciseler sur son bouclier les sept fleuves,
les uns en argent, les autres en or. Il lui dit :
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« Vois, Persée, les origines premières de ma race ;
tu emporteras chez les ombres silencieuses la grande consolation
d’être tombé sous les coups d’un si grand héros ».
La fin de la phrase s’interrompit, inaudible, et l’on aurait pu croire
que sa bouche s’ouvrait pour parler, mais les mots ne passaient pas.
195
Éryx leur dit avec des reproches : « C’est le manque de courage
qui vous engourdit, et non les forces de la Gorgone.
Courez et terrassez avec moi cet homme et ses armes magiques ! »
Il allait se mettre à courir ; la terre retint ses pas et,
devenu pierre immobile, il ne fut plus qu’une statue en armes.
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Ces gens du moins subirent des peines méritées,
mais un soldat de Persée, Acontée, se battant pour son maître,
se durcit, transformé en pierre, après avoir vu la Gorgone.
Astyage, qui le pensait encore vivant, le frappa d’un coup
de sa longue épée ; l’épée produisit des sons aigus.
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Astyage resta stupéfait et s’attira une nature semblable :
subsiste le visage d’un homme étonné sur une tête de marbre.
Citer les noms des gens issus de la plèbe nous retarderait trop ;
deux cents hommes survécurent au combat,
deux cents hommes furent pétrifiés, après avoir vu la Gorgone.
En fin de compte, Phinée regrette cette guerre ; mais que faire ?
Il voit des statues, se présentant sous des figures diverses,
il reconnaît ses proches, les appelle chacun par leur nom,
demande leur aide et, perplexe, touche les plus rapprochés :
ils étaient de marbre ; il se détourne et, alors, en suppliant,
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il tend de côté des mains et des bras qui avouent sa défaite :
«Tu as gagné, Persée !, dit-il. Éloigne ton monstre, et écarte la tête
pétrifiante de ta Méduse ; qui qu’elle soit, écarte-la, je t’en supplie !
Ni la haine ni le désir de régner ne nous ont poussé à la guerre ;
c’est pour une épouse que nous avons pris les armes !
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Ta cause l’emporta grâce à tes mérites, la mienne se fondait sur le temps.
Je regrette de n’avoir pas cédé ; ô très vaillant héros,
ne m’accorde rien, sinon la vie ; que tout le reste te revienne ! »
À celui qui lui parlait ainsi, sans oser le regarder et en l’implorant
de la voix, Persée dit : « Ce que je puis t’accorder, très timoré Phinée,
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et qui, pour un être lâche, est un présent important, je te l’accorderai,
n’aie pas peur ! ; tu ne subiras pas l’outrage du fer.
Bien plus, je t’offrirai un monument qui traversera les siècles ;
toujours, dans la demeure de mon beau-père, on te regardera,
et ainsi, mon épouse se consolera en voyant l’image de son fiancé. »
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Il parla et transporta la fille de Phorcys dans la direction
vers laquelle Phinée s’était détourné, le visage terrifié.
Tandis qu’il essayait encore de tourner les yeux,
sa nuque devint rigide, et les larmes de ses yeux durcirent
comme pierre ; mais cependant son air peureux et son visage suppliant,
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ses mains et sa face d’être soumis et dépendant furent conservés.
Persée, accompagné d’Andromède, se rend d’abord à Argos, puis à Sériphos, où il métamorphose en statues de pierre l’usurpateur Prétus et le tyran Polydectès.
Victorieux, le descendant d’Abas, rentre dans les murs de sa patrie
avec son épouse et, pour rétablir et venger un aïeul qui ne le méritait pas,
agresse Prétus ; en effet, Prétus avait chassé son frère
par les armes et s’était emparé de la citadelle d’Acrisius.
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Mais ni la force de ses armes, ni la citadelle injustement conquise,
ne lui permirent de l’emporter sur le regard farouche du monstre aux serpents.
Toi, toutefois, Polydectès, maître de la petite Sériphos,
ni la vaillance d’un jeune homme, démontrée par tant d’épreuves,
ni ses malheurs ne t’avaient adouci : dans ta dureté,
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tu nourris une haine impitoyable, et ta colère injuste est infinie.
Tu rabaisses même sa gloire et tu prétends que la mort de Méduse
est une invention de sa part. « Nous te donnerons des preuves de la vérité.
Faites attention à vos regards ! » Sur ce, avec la tête de Méduse,
Persée transforma le visage du roi en pierre, sans répandre de sang.
Tandis que... (5, 1-7). Les sept premiers vers du livre 5 sont une simple transition entre les livres 4 et 5 à l’intérieur de la légende de Persée. Pour les Céphènes, on verra 4, 669 avec les notes, et pour le banquet nuptial, 4, 753-803.
Phinée (5, 8). Phinée est le nom de plusieurs héros. Le plus connu est un roi de Thrace, doté de dons prophétiques dont il aurait abusé, poursuivi par les Harpyes et lié à la légende des Argonautes (cfr 7, 2 avec la note, et surtout Apollonius de Rhodes, Argonautiques, 2, 178ss). Le Phinée dont il est question chez Ovide est le frère de Céphée, et donc l’oncle d’Andromède, à qui la jeune fille aurait été fiancée. La rivalité entre Persée et Phinée fait songer à celle d’Énée et de Turnus, prétendant tous deux à la main de Lavinia dans l’Énéide de Virgile. Ce vers introduit le long passage consacré à la lutte entre Persée et Phinée.
ailes (5, 11). Sur les ailes de Persée, cfr notamment 4, 665ss, avec la note et l’illustration.
or (5,12). Sur Jupiter fécondant Danaé sous la forme d’une pluie d’or, cfr 4, 610-611.
Céphée (5, 12-13). Le roi des Céphènes, père d’Andromède et frère de Phinée (cfr 4, 669).
sa vie (5, 15). Celle d’Andromède.
Néréides (5, 17). Les Néréides avaient considéré comme insultantes les prétentions de Cassiopée estimant qu’elle (ou sa fille) l’emportait en beauté sur elles. Elles s’étaient plaintes auprès de Poséidon-Neptune, qui avait fait surgir des flots un monstre marin (cfr note à 4, 669).
Ammon (5, 17). L’oracle d’Ammon, interrogé par Céphée, avait prédit que l’Éthiopie ne serait délivrée du monstre que si Andromède était offerte en victime expiatoire (cfr note à 4, 669-671).
monstre marin (5, 18). Le monstre envoyé par Poséidon, à la demande des Néréides désireuses se venger. Il sera tué par Persée, libérant ainsi la jeune fille (cfr 4, 663-739).
Rhétus (5, 38). Ici, un nom fantaisiste. On notera que c’est aussi le nom d’un Centaure (12, 271ss) et celui de divers guerriers dans l’Énéide de Virgile (notamment 9, 344, et 10, 388).
son frère (5, 46). Persée, comme Pallas-Athéna-Minerve, avait Zeus-Jupiter pour père.
Athis (5, 47). Athis et son ami Lycabas (cité au vers 60) forment un couple de guerriers, peut-être inspiré de Nysus et Euryale (Én., 9, 168-502).
Limnéé (5, 48). Fille du Gange, inconnue par ailleurs.
harpè (5, 69). Arme traditionnelle de Persée, le rejeton d’Acrisius (4, 607). Ovide en parle à plusieurs endroits, par exemple : 4, 666 ; 4, 720 et 4, 727 ; 5, 176. Pour une illustration, cfr note à 1, 717.
meurtre de Méduse (5, 69). La mort de Méduse est racontée par Persée lui-même en 4, 772-786.
Phorbas de Syène etc. (5, 79-88). Les vers 79 à 88 décrivent les combats singuliers qui ont opposé Persée à quelques personnages, aux noms vraisemblablement fantaisistes, provenant de différentes régions et que nous ne commenterons pas : Phorbas, fils de Métion est présenté comme venant de Syène, une ville du sud de l’Égypte, Amphimédon de Libye, Érytus, fils d’Actor, tué d’un coup de cratère, Polydegmon, de la famille de Sémiramis et donc Assyrien ou Babylonien, Abaris venu du Caucase, Lycétus présenté comme fils du Sperchios, un fleuve de Thessalie. L’énumération se poursuit avec Hélix, Phlégyas et Clytus (trois personnages dont l’origine n’est pas précisée dans le texte) et se termine par l’évocation de tas de cadavres.
Phinée etc. (5, 89-148). Le passage qui suit décrit plusieurs combats singuliers opposant les partisans des deux frères, Phinée et Céphée, ce dernier ayant Persée pour champion. Les noms des combattants librement imaginés par Ovide sont souvent empruntés à la mythologie ou à la littérature. Il n’est pas toujours facile de savoir à quel camp chacun d’eux appartient. En général, les assaillants s’en prennent à des êtres pacifiques.
Idas (5, 90). Un des Argonautes porte ce nom. Voir par exemple Fastes, 5, 699-714, où Idas et son frère Lyncée sont mêlés à la légende des Dioscures. Cet Idas participe aussi à la chasse au sanglier de Calydon (Mét., 8, 305). Il ne s’agit probablement pas de la victime « pacifique » de Phinée.
Hoditès (5, 97). Hoditès, « le marcheur » en grec, ici partisan de Céphée, apparaît en Mét., 12, 457, comme nom d’un Centaure.
Clymène (5, 98). Clymène, du clan de Phinée, est un nom porté par plusieurs personnages célèbres de la mythologie.
le roi (5, 97). Céphée, roi des Céphènes, frère ennemi de Phinée.
Hypsée... Prothoénor (5, 98-99). Hypsée est partisan de Phinée, puisqu’il est tué par le rejeton de Lyncée, c’est-à-dire Persée (voir 4, 766) ; Prothoénor est donc un Céphène.
Émathion (5, 100). Nom porté par plusieurs personnages de la mythologie. Par certains traits, le personnage rappelle le Nestor de l’Iliade, et pour sa mort à l’autel (au vers 103), Ovide a peut-être pensé à celle de Priam chez Virgile (Én., 2, 506-558).
Chromis (5, 103). Nom attribué par les poètes à divers personnages, par exemple à un Troyen par Virgile, Én., 11, 675, et à un Centaure, par Ovide, Mét., 12, 333. Chromis est ici un partisan de Phinée, décrit comme particulièrement impie, puisqu’il ne respecte pas un suppliant réfugié près d’un autel.
Brotéas et Ammon (5, 107). Le nom de Brotéas sera aussi donné par Ovide à un Lapithe (Mét., 12, 262). Son frère porte le nom du dieu égyptien qui intervient dans l’histoire d’Andromède (cfr 5, 17 et note à 4, 669-671 ). Ils sont présentés comme des Céphènes paisibles, des sportifs adonnés au ceste, sorte de coup-de-poing des pugilistes, qui n’était pas une arme de guerre (voir Virgile, Én., note à 5, 364). Ces deux personnages, et le suivant d’ailleurs, semblent peu armés et tomberont victimes de Phinée.
Ampycus (5, 110). Inconnu par ailleurs, présenté comme un prêtre de Cérès et caractérisé par le port de bandelettes sur le front. Lui non plus n’était pas un combattant.
Lampétidès... Pettalus... Lycormas (5, 111-122). Ces vers font intervenir trois autres personnes. Un musicien, Lampétidès, inconnu par ailleurs, sera victime d’un partisan de Phinée, nommé Pettalus (la tradition manuscrite hésite sur son nom), personnage impie et cruel, lequel sera, à son tour, abattu par un certain Lycormas (vers 129-130), une sorte de justicier Céphène.
Pélatès du Cinyps (5, 123). Le Cinyps est le nom d’un fleuve d’Afrique du Nord (Libye), dans les environs de Leptis Magna (cfr Mét., 7, 272). Le nom de Pélatès sera aussi celui d’un Lapithe (12, 255).
Corythus de Marmarique (5, 125). La Marmarique est un territoire situé entre l’Égypte et la Cyrénaïque, et Corythus est un nom emprunté à divers personnages de la mythologie. Un Corythus joue un rôle important dans l’Énéide de Virgile (par exemple 3, 170).
Abas (5, 127). Abas rappelle le nom d’un ancêtre de Persée (cfr 5, 138, ainsi que 4, 607). On peut penser que Pélatès et Abas sont des assaillants, et Corythus un Céphène, à moins que ce ne soit le contraire.
Mélanée (5, 128). Chez Ovide, c’est le nom d’un chien d’Actéon (3, 222) et aussi celui d’un Centaure (12, 306).
Dorylas... Nasamons (5, 129). Les Nasamons sont une peuplade de Libye, et en 12, 380, Ovide donne le nom de Dorylas à un Centaure. Dorylas est présenté ici comme un gros producteur d’encens.
Halcyonée le Bactrien (5, 135). Halcyonée ou Alcyonée est entre autres le nom d’un Géant. La Bactriane était une satrapie perse, dans l’actuel Turkestan.
Abantiade (5, 138). Persée (cfr 4, 607).
Clytius et Clanis... Agyrtès (5, 140-148). Clytius (nom porté entre autres par un Géant et un Argonaute) est le premier des personnages tués par Persée, avec l’aide de Fortuna. Clanis est aussi un Centaure (12, 379) ; Céladon (au vers 144), le nom d’un Lapithe (12, 250), et Mendès est une ville d’Égypte. Astrée (au vers 144) n’est pas cité ailleurs par Ovide ; quant à Éthion (vers 146), Thoactès (vers 147) et Agyrtès (vers 148), on ne les rencontre pas ailleurs dans l’œuvre d’Ovide, qui veille toutefois à leur donner des traits caractéristiques.
mérite (5, 151). La libération d’Andromède par Persée.
bonne foi (5, 151). Le respect de l’accord qui avait été passé entre Céphée et Persée (cfr 4, 701ss, ainsi que 5, 28 et 5, 44).
Bellone (5, 155). Déesse romaine de la guerre, souvent représentée comme une des Furies. Voir Fastes, 6, 201-202 ; Virgile, Én., 8, 703.
Molpée de Chaonie (5, 163). Molpée n’est pas connu par ailleurs ; la Chaonie est soit une partie de l’Épire (Virgile, Én., 3, 333-334), soit une ville de la Commagène, en Syrie.
Échemmon le Nabatéen (5, 163). Le nom du personnage n’a pas été transmis correctement par la tradition manuscrite ; la Nabathée est une partie de l’Arabie Pétrée.
harpè du Cyllène (5, 176). L’arme caractéristique que Persée avait reçue de Mercure, dieu né sur le mont Cyllène (1, 713-717), était la harpè, une épée courte, munie sur sa lame d’une sorte de crochet. Cfr 1, 717 (avec une illustration) ; 4, 666 ; 4, 720 ; 5, 69, et 4, 727.
un ennemi (5, 179). La tête coupée de la Gorgone, qui conservait le pouvoir de pétrifier ceux qui la regardaient. Voir 4, 655 et 4, 772 à 803.
Thescélus (5, 182). Inconnu par ailleurs.
Ampyx (5, 184). Homonyme d’un Lapithe (12, 450).
rejeton de Lyncée (5, 185). Persée (cfr 4, 767-768, et 5, 99).
Nilée (5, 187). Un nom rare, pour lequel le rapprochement avec le fleuve s’imposait. Pour la vanité du personnage, qui juge consolant pour quelqu’un de périr de sa main, on comparera notamment Mét., 12, 80, et Virgile, Én., 10, 829-830.
Éryx (5, 195). On connaît le mont Éryx en Sicile, où Vénus-Aphrodite avait un temple célèbre (cfr Virgile, Én., 5, 24, et 1, 570 avec les notes).
Acontée (5, 201). Ovide s’inspire sans doute de Virgile, Én., 11, 612ss, où un guerrier latin, Acontée, tombe sous les coups d’un Troyen.
Astyage (5, 203). Nom d’un roi Mède, attribué à un adversaire de Persée.
plèbe (5, 207). Sans valeur péjorative ici, le mot désigne les simples combattants.
regrette cette guerre etc. (5, 210-235). Les Modernes suggèrent un rapprochement intéressant entre la fin de la rivalité Persée-Phinée et la fin de la rivalité Énée-Turnus, dans l’Énéide (12, 930ss).
le temps (5, 220). Phinée avait été fiancé à Andromède, avant l’arrivée de Persée (cfr note à 5, 8).
fille de Phorcys (5, 230). Méduse (voir 4, 743 et note).
descendant d’Abas (5, 236). Persée. Voir 4, 607 ; 4, 673, et 5, 138.
un aïeul qui ne le méritait pas (5, 237). Il s’agit de son grand-père, Acrisios, le père de Danaé. Pour son hostilité à Bacchus, cfr 3, 559 ; pour sa dureté à l’égard de Danaé et Persée, cfr 4, 608 et 4, 612.
Prétus (5, 238). Prétus (Proitos), frère jumeau d’Acrisius. Ils étaient fils d’Abas, et descendants de Lyncée et d’Hypermnestre, donc de Danaos et d’Égyptos. Les deux frères s’étaient toujours détestés. Ils se partagèrent le territoire de l’Argolide, royaume d’Abas, Acrisius régnant sur Argos et Prétus sur Tirynthe, ville qu’il aurait dotée de murailles cyclopéennes. La tradition rapportée ici et selon laquelle il aurait assiégé Acrisios dans la citadelle d’Argos et aurait été châtié par Persée vengeant son grand-père, ne semble connue que par Ovide. Sur ses filles, frappées de folie par Dionysos ou par Héra, et guéries par le devin Mélampous, cfr Mét., 15, 325-328.
Polydectès... Sériphos (5, 242). Polydectès est le tyran de l’île de Sériphos (cfr aussi 5, 252), où avait échoué le coffret contenant Danaé et Persée. La mère et l’enfant furent recueillis par Dictys, un pêcheur, qui n’était autre que le frère de Polydectès, le tyran de l’île. Persée devint un beau jeune homme, veillant jalousement sur sa mère. Certaines variantes de la légende rapportent que pour impressionner Polydectès, Persée s’était fait fort de lui apporter la tête de la Gorgone. Tombé amoureux de Danaé, le tyran voulut écarter Persée, en l’envoyant chercher la tête de Méduse. (Hermès et Athéna avaient fourni à Persée des sandales ailées et un bouclier de bronze poli formant miroir, pour l’aider à accomplir cet exploit.) Pendant l’absence de Persée, Polydectès essaya de faire violence à Danaé. À son retour à Sériphos, Persée le pétrifia.