]> Ovide, Métamorphoses, 4, 604-803

Première partie de la légende de Persée (4, 604-803)

 

Persée et Atlas, métamorphosé en montagne (4, 604-662)

Ovide passe à la légende de Persée, et la similitude de l’impiété manifestée au dieu Bacchus à Thèbes et à Argos lui sert de transition. Dans cette dernière ville en effet, le roi Acrisius refuse de reconnaître la divinité de Bacchus et surtout l’origine divine de son petit-fils, Persée, fils de Danaé et de Jupiter. Bientôt pourtant, le pouvoir « surhumain » de Persée devient manifeste. Il se déplace à travers les airs, grâce à des ailes, transporte avec lui la tête de Méduse qu’il a décapitée, et survole l’univers tout entier. (4, 604-626)

Au cours de ses déplacements aériens, Persée arrive chez Atlas, un géant qui règne sur un immense territoire situé aux confins de l’Occident. Ce roi puissant possédait notamment un verger portant des fruits d’or. Persée, pour l’amadouer, fait état de son ascendance jupitérienne et de ses exploits, mais il se fait violemment repousser, car un oracle avait prédit qu’un fils de Jupiter déroberait les fruits d’or du verger merveilleux. Suite à cet accueil peu cordial, Persée dirige sur Atlas la face de Méduse, qu’il emportait partout avec lui. Atlas est métamorphosé en une montagne immense, qui supporte le ciel avec tous ses astres. (4, 627-662)

Cependant leur petit-fils les avait tous deux bien consolés

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de leur métamorphose : l’Inde qu’il avait soumise le vénérait,

l’Achaïe le célébrait en lui élevant des temples.

Seul Acrisius, le fils d’Abas, de même origine que lui,

persiste à l’écarter des remparts de sa cité argienne,

prend les armes contre lui et ne considère pas qu’il est un dieu.

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Il ne pensait pas non plus que Jupiter était le père de Persée,

conçu par Danaé, visitée par une pluie d’or.

Pourtant - tant s’impose la vérité -, Acrisius bientôt regrette

et d’avoir outragé le dieu et de n’avoir pas reconnu son petit-fils.

Déjà l’un des deux avait été installé dans le ciel ; l’autre,

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portant la dépouille mémorable du monstre vipérin,

s’envolait dans la douceur de l’air, à l’aide de ses ailes bruissantes.

Tandis que, fort de sa victoire, il survolait les sables de Libye,

des gouttes du sang coulant de la tête de Gorgone tombèrent

sur la terre qui les recueillit et les transforma en serpents divers ;

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de là vient que cette terre regorge de reptiles qui l’infestent.

Ensuite, poussé en tous sens dans l’immense espace par les vents,

il est emporté tantôt ici, tantôt là, tel un nuage chargé de pluie ;

du haut de l’éther, il contemple les terres lointaines,

situées à l’écart et il survole le monde dans sa totalité.

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Trois fois il a vu les Ourses glacées, trois fois les bras du Cancer,

souvent emporté vers le couchant, souvent aussi vers le levant.


Enfin, à la tombée du jour, par crainte de se confier à la nuit,

il s’arrête dans la région de l’Hespérie, au royaume d’Atlas,

cherchant un peu de repos et attendant que Lucifer appelle

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les feux de l’Aurore, et l’Aurore le char du jour.

C’est là que vivait, l’emportant sur tous en prestance,

l’immense Atlas, fils de Japet. Les confins de la terre

étaient son royaume, ainsi que la mer qui offre ses flots

aux chevaux essoufflés du Soleil et accueille leur char épuisé.

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Mille troupeaux de petit bétail, et autant de bœufs erraient

dans ses herbages, et nul voisin ne lui contestait la terre.

Les feuilles des arbres, brillant de leur or rayonnant,

protégeaient des rameaux d’or, des fruits d’or aussi.

« Étranger », lui dit Persée, « si tu es sensible à la gloire

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d’une grande naissance, l’auteur de mes jours est Jupiter  ;

et si tu admires les actions d’éclat, tu admireras les miennes.

Je te demande hospitalité et repos ». Mais le roi se souvenait

d’un ancien oracle, qu’avait rendu Thémis la Parnassienne :

« Atlas, le temps viendra où ton arbre sera dépouillé de son or

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et un fils de Jupiter recueillera le mérite d’avoir pris ce butin ».

Craignant cette issue, Atlas avait entouré ses vergers de murs solides,

et les avait confiés à la garde d’un gigantesque dragon ;

il tenait à l’écart de son domaine tous les gens venus de l’extérieur.

À Persée aussi, il dit : « Va-t-en, recule, de peur que la gloire

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de tes prétendus exploits et que Jupiter ne soient bien loin de toi ! »

Aux menaces il ajoute la violence, tentant de repousser de ses mains

un Persée indécis, qui mêlait actes de courage et paroles apaisantes.

Inférieur physiquement - qui en effet égalerait Atlas par ses forces ? - ,

il dit : « Puisque mon crédit auprès de toi est si mince,

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reçois ce présent ! », et se détournant lui-même, il lui présenta

du côté gauche, la face répugnante de Méduse.

Atlas devint un mont aussi haut qu’il était grand ;

sa barbe et ses cheveux se changent en forêts, ses épaules et ses mains

se muent en crêtes. Ce qui était sa tête coiffe le sommet du mont,

660

ses os deviennent des rochers. Alors élevé en toutes ses parties,

il s’accroît immensément - ainsi, ô dieux, l’avez-vous décidé -,

et le ciel tout entier avec ses astres sans nombre s’est reposé sur lui.

 

Persée et Andromède - Métamorphose des coraux (4, 663-752)

Quittant le pays d’Atlas par les airs, Persée arrive en Éthiopie où il aperçoit, enchaînée à un rocher près du rivage, une jeune fille très belle, dont il s’éprend aussitôt. Il apprend qu’elle s’appelle Andromède et qu’elle subit un châtiment pour une faute commise par sa mère. Pendant qu’il s’informe, un monstre menaçant se dresse à la surface de la mer, semant l’épouvante générale. Persée se présente alors aux parents désemparés, Céphée et Cassiopée, souverains d’Éthiopie, à qui il demande de devenir leur gendre. En contrepartie, il sauvera Andromède. Les parents lui accordent la main de leur fille et lui promettent en outre leur trône. (4, 663-705)

Un combat épique se déroule entre Persée et le monstre qu’il finit par tuer, suscitant le soulagement et l’allégresse. Andromède est délivrée de ses chaînes. (4, 706-739)

Persée qui, après son exploit, a déposé sur un lit de feuilles et de tiges la tête de Méduse, est indirectement responsable de la métamorphose d’une plante marine en corail, pétrifié au contact de la tête de la Gorgone, phénomène que reproduisent les nymphes de la mer. (4, 740-752)

663

Le fils d’Hippotès avait enfermé les vents dans leur prison éternelle,

et, très clair tout en haut du ciel, appelant à la reprise des activités,

665

Lucifer s’était levé. Persée reprend les ailes qu’il fixe de part et d’autre

à ses pieds ; il attache à sa ceinture son arme au crochet,

met en mouvement ses talonnières et fend l’air limpide.

Contournant et survolant d’innombrables peuples laissés derrière lui,

il aperçoit les populations d’Éthiopie et les champs de Céphée.

670

Là-bas, suite à des paroles de sa mère, Andromède subissait

un châtiment immérité, sur un ordre injuste d’Ammon.

Dès que l’Abantiade la vit attachée par les bras sur un rocher,

- si une brise légère n’avait bougé ses cheveux, si ses yeux n’avaient été

remplis de chaudes larmes, il l’aurait crue une statue de marbre -,

675

il attira sur lui, sans s’en rendre compte, les feux de l’amour

qui le laissèrent interdit : saisi par la vision de sa beauté rare,

il en oublia presque d’agiter ses ailes dans les airs.

Aussitôt debout, il dit : « O non, tu ne mérites pas ces chaînes,

mais plutôt celles qui unissent entre eux des amants épris,

680

réponds-moi, dis-moi le nom de ce pays, comment tu t’appelles,

et pourquoi ces chaînes. » D’abord elle se tait et n’ose pas, elle,

qui est une vierge, interpeller un homme et, n’eût-elle été enchaînée,

elle aurait, vu sa réserve, couvert son visage de ses mains ;

elle ne pouvait que laisser jaillir les larmes qui lui emplissaient les yeux.

685

Persée insistait de plus en plus, et, pour ne pas paraître refuser

d’avouer des fautes, elle révèle son nom, celui de la contrée,

et dit la grande assurance que sa mère avait tirée de sa beauté.

Elle n’avait pas fini d’évoquer tout cela qu’une vague retentit,

et que surgit, dressée sur l’immense océan, une bête monstrueuse,

690

qui couvre entièrement de son poitrail la large plaine de la mer.

La jeune fille pousse un cri. Son père affligé, et sa mère aussi

sont là, tous deux malheureux, mais elle à plus juste titre encore.

Ils n’apportent aucune aide, mais les pleurs et les gémissements

de circonstance, et ils s’agrippent au corps enchaîné,

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quand l’étranger leur dit : « Vous aurez plus tard de longs moments

pour la pleurer, mais, pour lui porter secours, le temps presse.

Si je vous demandais votre fille, moi, Persée, né de Jupiter

et de la captive fécondée par Jupiter mué en pluie d’or,

moi, Persée, qui ai vaincu la Gorgone à la chevelure de serpents,

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qui ai eu l’audace de traverser les plaines de l’air à tire d’ailes,

vous me préféreriez certes à tous comme gendre. À des titres si grands,

je compte ajouter encore un bienfait, pourvu que m’aident les dieux.

Si vous me la donnez, je m’engage à la sauver par ma bravoure. »

Les parents acceptent sa condition - qui d’ailleurs aurait hésité ? -

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l’implorent, lui promettant en outre leur royaume en guise de dot.


Tel un navire rapide, éperon en avant, qui sillonne les ondes,

poussé par les bras des rameurs en sueur, voilà que la bête,

qui avait écarté les vagues par la poussée de son torse,

n’était plus éloignée des rochers que de la distance que peut couvrir

710

le plomb tournoyant envoyé en plein ciel par une fronde baléare.

Soudain, frappant la terre d’un coup de talons, le jeune homme,

s’éleva bien haut dans les nuages. Dès qu’à la surface des eaux

apparut l’ombre du héros, la bête se déchaîna contre cette ombre.

Ainsi l’oiseau de Jupiter, lorsqu’il a vu dans un champ désert

715

un serpent présentant à Phébus son échine bleuâtre,

le prend à revers et, avidement, dans la nuque couverte d’écailles,

enfonce ses serres pour l’empêcher de retourner sa gueule féroce,

de même, plongeant tête en avant dans l’espace en un vol rapide,

le descendant d’Inachos saute sur le dos du monstre qui frémit,

720

et dans l’épaule droite lui enfonce son arme jusqu’au crochet.

Grièvement blessée, la bête tantôt se soulève bien haut dans l’air,

tantôt se retire sous l’eau, ou se retourne tel un sanglier féroce,

effrayé par les aboiements d’une meute de chiens.

Mais lui, aidé de ses ailes rapides, échappe aux morsures avides ;

725

partout où il trouve un accès, tantôt sur le dos couvert

de coquilles creuses, tantôt sur les flancs, tantôt tout au bout

de la queue très effilée du poisson, il frappe de son arme crochue.

La gueule de la bête vomit des flots d’eau mêlée à un sang pourpre ;

les ailes de Persée en sont aspergées et alourdies.

730

N’osant plus se fier à ses talonnières pleines d’eau,

il avise un rocher dont le sommet, par temps calme, surplombe la mer,

mais que recouvrent les flots quand ils se déchaînent.

Appuyé au roc, la main gauche cramponnée aux premiers contreforts,

il vise le ventre qu’il traverse de sa lame, à trois, à quatre reprises.

735

Une clameur et des applaudissements emplirent le rivage

et les demeures célestes des dieux. Heureux, Cassiopée et Céphée,

le père d’Andromède, saluent leur gendre, reconnaissent en lui

le protecteur et le sauveur de leur maison. Délivrée de ses chaînes

la jeune fille, tout à la fois prix et cause de cet exploit, s’avance.


740

Le héros puise de l’eau et y lave ses mains victorieuses,

et pour que le gravier ne blesse pas la tête aux cheveux de serpents,

il amollit le sol avec un lit de feuilles, y étend des tiges

nées sous la mer et y dépose la tête de Méduse, fille de Phorcys.

Une tige récemment coupée et encore vivante, imbibée de sève,

745

capta la puissance du monstre, se durcit à son contact

et sentit dans ses rameaux et son feuillage une rigidité nouvelle.

Alors les nymphes de la mer tentent de reproduire ce miracle

sur de nombreux rameaux, et ont la joie d’obtenir le même effet,

quand elles jetent dans l’eau des semences venant de ces tiges.

750

Maintenant encore les coraux présentent la même propriété :

ils n’acquièrent leur dureté qu’au contact de l’air, et leur tige

souple dans la mer devient de la pierre quand elle en sort.

 

Noces de Persée et Andromède - Récit du combat de Persée contre Méduse (4, 753-803)

Après avoir offert des sacrifices appropriés à Jupiter, Minerve et Mercure, Persée épouse Andromède au cours d’une fête grandiose offerte par Céphée, dans son luxueux palais. (4, 753-771)

Au cours du banquet, Persée est amené à raconter son combat contre Méduse : après une allusion peu explicite à son passage chez les filles de Phorcys (les Grées), le héros narre son itinéraire périlleux jusqu’au séjour des Gorgones. Sans croiser directement le regard de Méduse, dont le visage se reflétait sur son bouclier, Persée lui trancha la tête, d’où jaillirent Pégase et Chrysaor. Persée raconte encore ses nombreux voyages, puis explique que les cheveux de Méduse sont devenus des serpents, par suite d’une vengeance de Minerve, laquelle utilisa ensuite ces serpents sur son bouclier. (4, 772-803)

 

En hommage à trois dieux Persée élève trois autels de gazon,

le gauche à Mercure, le droit à toi, vierge guerrière,

755

l’autel de Jupiter est au milieu ; il immole une vache à Minerve,

un veau au dieu aux pieds ailés, et à toi, dieu souverain, un taureau.

Aussitôt il emmène Andromède, récompense d’un grandiose exploit,

sans prendre la dot ; devant eux Hyménée et Amour

agitent des torches nuptiales ; les feux sont saturés de parfums,

760

et des guirlandes pendent des toits ; partout résonnent

lyres, flûtes et chants, signes heureux de la joie des cœurs ;

les battants ouverts des portes laissent voir les atriums

entièrement ornés d’or, et un festin somptueusement préparé,

offert par le roi, accueille les notables céphéniens.

765 767a

À la fin du repas, sous l’effet d’un vin généreux, présent de Bacchus,

les esprits s’épanchent et, curieux des pratiques et des habitudes de l’endroit,

le rejeton de Lyncée s’informe des mœurs et du caractère des habitants...

[Le descendant d’Abas s’informe ; aussitôt un descendant de Lyncée

lui répond, parlant des mœurs et du caractère des habitants.]

Tout de suite après son explication, il dit : « Maintenant, je t’en prie,

770

ô très vaillant Persée, dis-nous quel grand courage, quels artifices

t’ont aidé à t’emparer de la tête couronnée de serpents ! »


Le descendant d’Agénor raconte qu’au pied de l’Atlas glacé

s’étend un endroit protégé par un rempart de rochers imposants ;

dans l’entrée habitaient deux jumelles, filles de Phorcys,

775

qui se partageaient l’usage d’un seul œil qu’elles se passaient l’une à l’autre.

Persée l’avait dérobé, habilement, en mettant sa main à la place

de celle d’une des sœurs. Puis, par des chemins retirés et inaccessibles,

franchissant des rochers couverts d’âpres forêts, il avait atteint les demeures

des Gorgones. Partout, à travers les champs

780

et le long des chemins, il avait vu des statues d’hommes

et d’animaux métamorphosés en pierre, après avoir vu Méduse.

Lui cependant ne regardait que la forme de l’horrible Méduse

reflétée sur le bronze du bouclier que portait sa main gauche ;

et tandis qu’elle et ses vipères dormaient d’un lourd sommeil,

785

il lui avait séparé la tête du cou ; ensuite, du sang de leur mère

étaient nés Pégase aux ailes rapides et son frère.

Il décrivit encore les périls très réels de sa longue course,

et les mers, et les terres que, d’en haut, il avait vues sous lui,

et les astres qu’il avait atteints, à force de battre des ailes.

790

Il se tut pourtant plus tôt qu’on ne l’attendait. L’un des notables

prit la parole, demandant pourquoi parmi les sœurs

une seule portait des serpents mêlés à ses cheveux.

L’hôte du roi dit : « Puisque tu poses une question intéressante,

écoute la raison de ce qui t’intrigue. Très célébre pour sa beauté,

795

Méduse éveilla l’espoir jaloux de nombreux prétendants

et, de toute sa personne, rien n’était plus remarquable

que sa chevelure ; j’ai connu quelqu’un qui disait l’avoir vue.

Le maître de la mer l’aurait outragée dans le temple de Minerve ;

la fille de Jupiter se détourna, dissimula derrière son égide

800

son chaste visage et, pour ne pas laisser cet acte impuni,

transforma les cheveux de la Gorgone en hydres affreuses.

Maintenant encore, pour effrayer ses ennemis épouvantés

la déesse arbore sur sa poitrine les serpents qu’elle a fait naître. »

 

Table des matières

 

Notes

leur petit-fils... (4, 604-606). Il s’agit de Bacchus, fils de Sémélè, et donc petit-fils de Cadmos et Harmonie, dont la métamorphose en serpents vient d’être évoquée (4, 563-603). Un épisode important de la légende de Bacchus est son expédition en Inde, à laquelle Ovide se borne à faire une simple allusion ici. Un autre est l’instauration de son culte en Grèce. Abandonnant le cycle thébain, Ovide passe à la légende de Persée, en recourant à une transition habile : l’impiété manifestée à Thèbes envers Bacchus, comparable à celle manifestée à Argos par le roi Acrisios, à l’égard de ce même Bacchus, fils de Jupiter et Sémélè d’une part, et d’autre part à l’égard de Persée, fils de Jupiter et de Danaé. La légende de Persée va occuper la dernière partie du livre 4 des Métamorphoses (604-803) et la première partie du livre 5 (1-249).

fils d’Abas... Acrisios... (4, 607-612). Fils d’Abas, et petit-fils de Lyncée et d’Hypermnestre (la seule des cinquante Danaïdes à n’avoir pas tué son époux et cousin, Lyncée, lors de la nuit de leurs noces), Acrisios était le roi d’Argos. Un oracle avait prédit à Acrisios, roi d’Argos, que sa fille Danaé aurait un fils qui le tuerait. Pour éviter ce drame, il enferma Danaé dans une tour (ou un souterrain) de bronze. Mais Zeus-Jupiter, sous forme d’une pluie d’or, féconda Danaé, qui mit au monde un enfant, Persée. Quand Acrisios s’aperçut de l’existence de son petit-fils, il refusa de croire en son origine divine, et il fit jeter à la mer une barque (ou un coffret) contenant Danaé et Persée. La mère et l’enfant furent recueillis par Dictys, un pêcheur, qui n’était autre que le frère de Polydectès, le tyran de l’île de Sériphos, où avait échoué le coffret. Donc, les précautions prises pour éviter la réalisation d’un oracle furent vaines. Sur l’hostilité d’Acrisius à l’égard de Bacchus, voir 3, 559 avec la note. Il sera encore question d’Abas plus loin, en 4, 673.

l’un des deux (4, 613). Bacchus, désormais vénéré comme un dieu. Selon P. Grimal, c’est après le naufrage et la métamorphose des pirates tyrrhéniens (3, 572-691) que la puissance de Dionysos fut reconnue par tout le monde, et qu’il put remonter au ciel, ayant achevé son rôle sur la terre et établi partout la domination de son culte.

l’autre... (4, 614-616). Il s’agit de Persée, dont un des exploits marquants est la décapitation de Méduse, le monstre au cheveux de serpents, exploit qui sera raconté en détail aux vers 4, 770-800. Cette tête décapitée, dotée du pouvoir de pétrifier ceux qu’elle regarde et que Persée emporte dans son sac, lui servira à diverses reprises, dans la suite, pour se défaire de ses ennemis.

Libye (4, 617-620). Étiologie imagée pour expliquer l’abondance des serpents dans cette région du nord de l’Afrique.

Ourses... Cancer... (4, 625-626). Désignation des quatre points cardinaux, bien dans la manière ovidienne. Sur les Ourses, cfr Mét., 2, 171, avec la note au mot Septentrion. Sur le Crabe, qui semble ici évoquer ici le sud,, cfr Mét., 2, 83 avec la note.

Hespérie (4, 628). Le pays du soir, ou du couchant. Ce terme peut selon les cas désigner l’Italie, ou l’Espagne, ou, comme ici l’extrémité de l’Afrique du nord.

Atlas (4, 628 et 632). Le Géant Atlas est connu comme fils de Japet (et de Asia ou Clyméné), frère de Prométhée et Épiméthée. Sa demeure est généralement située dans l’extrême Occident. Il passe dans certaines versions pour le père des Hespérides qui, assistées d’un dragon, étaient chargées de veiller sur un jardin des dieux, où poussaient des pommes d’or. Suite à la guerre des Géants contre les Olympiens, Zeus imposa comme punition à Atlas de soutenir sur ses épaules la voûte du ciel. Ovide semble avoir imaginé le récit de la métamorphose du Géant en montagne par Persée. Aujourd’hui, l’Atlas est un ensemble montagneux d’Afrique du nord, formé de plusieurs chaînes, s’étendant du Maroc à l’Algérie.

Lucifer (4, 629). C’est l’Étoile du matin qui annonce l’Aurore (Phosphoros ou Héosphoros). Cfr 2, 114-115 et aussi 4, 665.

fruits d’or (4, 638). Ovide s’éloigne quelque peu de la célèbre légende du jardin des Hespérides : Gaia avait offert en présent de mariage à Héra des pommes d’or, que cette dernière avait plantées dans son jardin, au pied du mont Atlas, et qu’elle protégea des pillages en faisant garder le pommier merveilleux par un dragon redoutable et les trois nymphes Hespérides. Un des travaux imposés à Héraclès-Hercule par Eurysthée fut de s’emparer de ces fruits d’or.

Thémis la Parnassienne (4, 643). Prophétesse qui rendait des oracles dans la région du Parnasse. Voir 1, 321 et 369 à 380. La teneur de l’oracle, thème récurrent s’il en est, ne semble pas appliqué ailleurs à Atlas.

Atlas devint un mont (4, 657). Comparer la description d’Ovide avec celle de Virgile, Én., 4, 246ss.

fils d’Hippotès (4, 663). Éole, le roi des vents. Voir Mét., 1, 262 ; Fast., 2, 456, et surtout Virgile, Én., 1, 52-80 et note.

Lucifer (4, 665). L’étoile du matin.

arme au crochet (4, 666). C’est la harpè, l’arme traditionnelle de Persée, très bien décrite dans le Dictionnaire des antiquités de A. Rich (Paris, 1873, p. 312) : « Espèce particulière d’épée ou de poignard avec un crochet pareil à une épine (hamus) en saillie sur la lame à une certaine distance au-dessous de la pointe (mucro). Selon la fable, ceux qui se servirent de cette arme furent Jupiter, Hercule, et plus particulièrement Mercure et Persée ; elle est attribuée plus universellement à ce dernier, comme une arme caractéristique, par les artistes anciens, dans leurs sculptures, peintures et pierres gravées ». Pour une illustration, cfr 1, 717. Il est aussi question de cette arme en 4, 720 et 727, ainsi qu’en 5, 69 et en 5, 176.

ailes... talonnières (4, 665-667). Les talonnières sont des sandales munies d’ailes sur les côtés, près de la cheville, permettant au dieu qui les porte de se déplacer à travers l’espace. C’étaient des attributs d’Hermès (cfr Virgile, Énéide, 4, 239) et d’Athéna (Cicéron, De la nature des dieux, 3, 23, 59), qui en ont fait cadeau à Persée lorsqu’il dut affronter Méduse.

En guise d’illustration, on trouvera ci-contre le détail d’une peinture pompéienne, où les talonnières sont très clairement visibles. La peinture représentait Persée, vainqueur de Méduse. Un autre détail de la même peinture, en l’espèce la harpè du dieu, figure dans la note à 1, 717.

Éthiopie (4, 669). Les Anciens proposaient différentes localisations pour les Éthiopiens, généralement en Afrique du Nord, et leurs préférences allaient pour la région du Haut Nil, dans le sud de l’Égypte. Homère (Odyssée, I, 23) les voit comme « les plus lointains des hommes » et Diodore de Sicile (II, 2, 1) comme « les plus anciens des hommes ». Cfr aussi 2, 235 avec la note.

Céphée... Andromède (4, 669-671). Père d’Andromède et époux de Cassiopée (citée en 4, 738), Céphée était le roi des Céphènes (ou Céphiens), un peuple qu’Ovide situe donc en Éthiopie. La reine Cassiopée aurait provoqué la colère des Néréides, en prétendant qu’elle-même (ou sa fille Andromède) les surpassait en beauté. Ces dernières se plaignirent auprès de Poseidon-Neptune, qui fit surgir des flots le monstre marin.

Ammon (4, 671). Ammon (ou Amon ou Hamon) était un dieu égyptien, parfois représenté sous la forme d’un bélier (d’où les cornes qu’il a en 5, 327). Il possédait dans l’oasis de Siwa (désert de Libye) un oracle aussi célèbre que ceux de Delphes et de Dodone et qu’Alexandre le Grand lui-même alla consulter. Connu en Grèce dès le 4ème siècle avant J.-C. au moins, le dieu égyptien y était assimilé à Zeus. Il est aussi mentionné en Mét., 5, 17 et 5, 107. L’oracle d’Ammon, interrogé par Céphée, avait prédit que l’Éthiopie ne serait délivrée du monstre que si Andromède était exposée comme victime expiatoire. Céphée fut contraint par ses sujets d’enchaîner sa fille à un rocher. On reconnaîtra dans cette histoire une variation sur le thème, bien attesté dans la mythologie et le folklore, du jeune homme (ou de la jeune fille) qui, pour sauver son peuple, doit être sacrifié(e) à une divinité ou à un monstre. Heureusement il arrive que la victime échappe par miracle à son sort fatal. On songera - rien que dans le monde grec - aux Athéniennes et aux Athéniens livrés au Minotaure, à Iphigénie, à Callirrhoé, à Alcyonée.

Abantiade (4, 673). Persée est un descendant d’Abas. Ce dernier, fils de Lyncée et Hypermnestre, était le père d’Acrisios et le grand-père de Danaé. Voir 4, 607 avec la note.

Gorgone (4, 699). La victoire de Persée sur la Gorgone sera racontée plus loin, en 4, 770-804.

fronde baléare (4, 710). Les frondeurs des Îles Baléares étaient réputés pour leur habileté (cfr 2, 727).

l’oiseau de Jupiter (4, 714). L’aigle est l’oiseau lié à Jupiter. Cfr 4, 362-364, pour une autre comparaison impliquant un aigle et un serpent.

Phébus (4, 715). Employé ici pour désigner la lumière du soleil.

descendant d’Inachos (4, 719-720). Il s’agit évidemment ici de Persée, mais l’expression n’est pas à prendre au sens généalogique, car il n’existe aucun rapport de descendance entre le héros et Inachos, dieu-fleuve d’Argolide, père d’Io et roi d’Argos. Le seul lien entre les deux personnages étant Argos, le terme latin Inachides doit avoir simplement le sens de l’ « homme d’Argos ».

crochet (4, 720). Sur l’arme de Persée, cfr la note à 4, 665-667 et l’illustration de la note à 1, 717.

Cassiopée et Céphée (4, 736-738). Voir note à 4, 669-671.

Méduse, fille de Phorcys (4, 743). Phorcys, le « Vieillard de la mer » (Homère, Odyssée, 13, 345), est le fils de Pontos et de Gaia : de son épouse et sœur Céto, il conçut plusieurs monstres, dont les trois Gorgones, Sthéno, Euryalé et Méduse. Seule Méduse était mortelle, et souvent elle est considérée comme la Gorgone par excellence. Ces monstres, dont la tête était entourée de serpents, avaient un regard perçant qui pétrifiait tout ce qu’il regardait. On retrouvera les Gorgones en général et Méduse en particulier dans le récit que fera Persée plus loin en 4, 772-803.

des semences venant de ces tiges (4, 749). Le corail était bien connu dans l’antiquité, mais Ovide semble être le seul à faire allusion à une métamorphose d’algues en coraux, sous l’effet du sang de la Gorgone.

trois dieux (4, 753-756). Il s’agit d’une part de Jupiter, le roi des dieux, et d’autre part de Mercure et de Minerve, les deux dieux qui avaient aidé Persée à se déplacer dans les airs et à vaincre Méduse (cfr note à 4, 665-667).

immole (4, 755). Les Romains veillaient régulièrement à faire correspondre le sexe des victimes à celui des divinités, les Grecs s’en préoccupaient beaucoup moins.

la dot (4, 758). Le royaume de Céphée, que ce dernier avait proposé à Persée (voir 4, 705).

rejeton de Lyncée (4, 767). Il s’agit de Persée, qui était le petit-fils d’Acrisios, l’arrière petit-fils d’Abas et l’arrière-arrière-petit-fils de Lyncée. (Voir note à 4, 607-612).

Le descendant d’Abas (4, 767b). Les éditeurs soupçonnent généralement un problème de transmission textuelle pour les deux vers qui suivent (en italiques). Le « descendant d’Abas » du vers 767b désigne aussi Persée, mais le « descendant de Lyncée » du vers suivant pourrait être le résultat d’une confusion. La question est secondaire à nos yeux.

descendant d’Agénor (4, 772). Incontestablement, Ovide veut désigner Persée, mais il n’est pas facile pour nous de préciser le rapport généalogique entre le héros et l’Agénor que nous avons rencontré comme père de Cadmos et d’Europe en 2, 858 et en 3, 51, en 3, 97 et 3, 257.

filles de Phorcus (4, 774-777). Il s’agit ici, non pas des Gorgones engendrées par le « Vieillard de la mer » Phorcys et sa sœur Céto (note à 4, 743), mais d’autres personnages monstrueux nés du même couple et appelés Phorcides ou Grées. Il s’agissait de deux (ou trois) sœurs, nées vieilles, et n’ayant qu’un œil, qu’elles se prêtaient à tour de rôle : elles vivaient dans l’extrême Occident, au pied de l’Atlas (4, 772) et n’interviennent que dans le mythe de Persée. Ovide ne dit pas ici pourquoi Persée s’était emparé de l’œil des Grées. Selon certains récits, Persée voulait faire pression sur elles, car en échange de leur œil, elles pourraient lui indiquer l’adresse de nymphes susceptibles de lui procurer des moyens d’aborder les Gorgones avec succès (sandales ailées, besace, et casque d’Hadès, rendant invisible).

reflétée (4, 783). Ainsi, il avait évité le regard pétrifiant de Méduse.

Pégase... son frère (4, 786). Ovide ne fait qu’une simple allusion au fait que du cou tranché de la Gorgone naquirent Pégase, le cheval ailé qu’on retrouvera plus loin (5, 256-265), et son frère Chrysaor, qui, à sa naissance, brandissait une épée d’or. Ces deux enfants sont censés être le produit de l’union de Méduse et de Poséidon, dont il sera question quelques vers plus loin (4, 798-799). Signalons que ce Chrysaor, uni à la fille d’Océan Callirhoé, engendra Géryon, le géant à trois corps, et Échidna.

demandant pourquoi... (4, 791). L’étiologie qui suit et qui porte sur l’origine de la chevelure en serpents de Méduse ne semble pas connue avant Ovide.

maître de la mer (4, 798). L’union de Poséidon et de Méduse est déjà mentionnée chez Hésiode (Théogonie, 278ss.). C’est d’elle que seraient nés Pégase et Chrysaor (4, 786).

égide (4, 799). L’égide est étymologiquement une peau de chèvre ou un bouclier recouvert d’une peau de chèvre. C’est l’attribut traditionnel de Zeus et d’Athéna. Zeus avait ajouté la peau de la chèvre Amalthée, qui l’avait allaité enfant, au bouclier avec lequel il rassemblait les nuages. Un jour, il offrit l’égide à Athéna. Lorsque la déesse eut recueilli la tête de Méduse tranchée par Persée, elle la fit placer sur son égide par les cyclopes de l’Etna. Voir Virgile, Én., 8, 435-436 et note ; Ovide, Fastes, 3, 848. Pour plus de détails et des illustrations sur le sujet, cfr le Dictionnaire des Antiquités de A. Rich, 3e éd., Paris, 1893.