]> Ovide, Métamorphoses, 10, 1-142

Orphée et Eurydice (10, 1-142)

 

Eurydice perdue, retrouvée et reperdue (10, 1-63)

Quittant la Crète, Hyménée se rend en Thrace à l’appel d’Orphée qui vient d’épouser Eurydice, mais des présages peu rassurants seront bientôt confirmés par la mort d’Eurydice, mordue par un serpent. (10, 1-10)

Après avoir beaucoup pleuré, Orphée ose descendre aux Enfers, pour obtenir de Pluton et Proserpine la permission de ramener Eurydice sur terre. En un plaidoyer direct et précis, s’accompagnant de sa lyre, il expose sa requête au nom de l’Amour, dieu bien connu des souverains infernaux, tout en précisant qu’il ne demande pour Eurydice qu’un répit et non la possibilité d’échapper définitivement à la mort, sort naturel de tous les humains. (10, 11-39)

Le chant déchirant d’Orphée attendrit tous les occupants des Enfers, et surtout leurs souverains, qui permirent à Eurydice de suivre son époux, mais à la condition que celui-ci ne se retournât pas avant leur arrivée sur terre. Juste avant de toucher au but, Orphée céda à la curiosité et perdit une seconde fois son épouse bien-aimée. (10, 40-63)

1  

S’éloignant de là, enveloppé d’un voile couleur de safran,

Hyménée traverse l’immense éther et gagne les rives des Cicones,

tandis que l’appelle, bien inutilement, la voix d’Orphée.

Il y est venu, sans doute, mais sans y apporter

5  

formules solennelles, visage réjoui ou présage heureux.

Et même la torche qu’il tenait ne cessa de grésiller et de fumer

à tirer des larmes : il l’agitait sans en faire jaillir aucune flamme.

La suite du présage fut pire ; en effet, tandis que dans l’herbe

se promène la jeune épousée avec son escorte de Naïades,

10  

elle meurt, mordue au talon par la dent d’un serpent.


Le poète du Rhodope, après l’avoir beaucoup pleurée ici-bas,

n’hésita même pas à aller explorer le monde des Ombres,

et osa descendre vers le Styx par la porte du Ténare.

Traversant foules inconsistantes et fantômes honorés de sépulture,

15  

il rejoint Perséphone et le maître du lugubre royaume des Ombres.

Alors, accompagnant son chant des accords de sa lyre, il dit ainsi :

« Ô puissances divines du monde placé sous la terre,

où tous nous retombons, mortelles créatures que nous sommes ;

si je puis négliger les détours d’un discours hypocrite,

20  

si vous me permettez de parler vrai, je ne suis pas descendu ici

pour visiter l’obscur Tartare ni pour enchaîner le monstre

de la race de Méduse, avec sa triple gorge hérissée de serpents ;

la raison de ma venue, c’est ma femme : elle a mis le pied

sur une vipère qui lui a insufflé son venin, la privant de sa jeunesse.

25  

J’ai cru pouvoir supporter ce deuil, j’ai essayé, je ne le nierai pas,

mais l’Amour l’a emporté. Il est un dieu bien connu, là haut, sur terre.

L’est-il aussi ici ? Je ne sais ; pourtant, je présume qu’il l’est ici aussi.

Si le récit d’un rapt ancien n’est pas une fable mensongère,

vous aussi, l’Amour vous a unis. Par ces lieux d’épouvante,

30  

par cet immense Chaos et ce vaste royaume du silence, je vous en prie,

tissez un nouveau destin à Eurydice, qui connut une fin prématurée.

Tout doit vous revenir, et même si nous nous attardons un peu,

plus tard ou plus tôt, nous nous hâtons vers cet unique séjour.

C’est ici que tous nous tendons, c’est ici notre dernière demeure,

35  

et vous détenez bien la souveraineté la plus longue sur le genre humain.

Elle aussi, lorsque elle aura vieilli et vécu un juste nombre d’années,

elle sera sous vos lois ; je ne réclame pas un don, mais un usufruit.

Si les destins refusent cette faveur à mon épouse, je ne veux pas,

c’est certain, m’en retourner ; jouissez de notre mort à tous deux. »


40  

Tandis qu’il parlait, s’accompagnant des accords de sa lyre,

il arrachait des larmes aux âmes exsangues ; Tantale cessa

de saisir l’onde toujours fuyante et la roue d’Ixion s’immobilisa,

les vautours ne rongèrent plus leur foie, les Bélides laissèrent

leurs urnes, et toi, Sisyphe, tu t’assis sur ton rocher.

45  

Ce fut la première fois, dit la tradition, que se mouillèrent de larmes

les joues des Euménides, vaincues par son chant ; l’épouse du roi,

ni non plus le roi des Enfers, n’ont le cœur de repousser sa prière.

Ils appellent Eurydice. Elle se trouvait parmi les Ombres arrivées

récemment, et elle s’avança d’un pas ralenti par sa blessure.

50  

Le héros du Rhodope obtient de la reprendre, à une condition :

celle de ne pas tourner ses regards en arrière, avant d’être sorti

des vallées de l’Averne ; sinon, la faveur sera annulée.

Dans un silence total, ils s’engagent sur un sentier en pente,

abrupt, obscur, plongé dans un brouillard dense et opaque.

55  

Ils étaient tout près d’aborder la surface de la terre.

Orphée eut peur qu’Eurydice ne l’abandonnât et, avide de la voir,

amoureux, il tourna les yeux. Aussitôt elle tomba en arrière,

tendant les bras, luttant pour être saisie et pour le saisir,

mais la malheureuse n’attrape que l’air qui se dérobe.

60  

Et, mourant à nouveau, elle ne reprocha rien à son époux

– de quoi d’ailleurs se serait-elle plainte, sinon d’avoir été aimée ?

Elle lui fit un suprême « adieu », qu’il n’entendrait plus qu’à peine,

puis elle retourna sur ses pas à l’endroit d’où elle venait.

 

Douleur d’Orphée et magie de son chant sur la nature (10, 64-105)

Après cette seconde disparition, Orphée fit une nouvelle tentative mais fut repoussé par le nocher des enfers. Il resta sur la rive, comme pétrifié, durant sept jours, puis se retira sur les montagnes de Thrace, où il vécut durant trois années, se gardant de tout commerce amoureux avec les femmes, engageant même les peuples de Thrace à la pédérastie. (10, 64-85)

Un jour qu’il jouait de la lyre en plein soleil, une foule d’arbres, charmés par son chant, se rassemblèrent autour de lui, le protégeant de leur ombre. C’est l’occasion pour Ovide d’une énumération érudite, émaillée d’allusions diverses, tant à la mythologie qu’à des métamorphoses. (10, 86-105)

 

Après cette seconde mort, Orphée resta tout aussi interdit

65  

que l’homme qui fut effrayé en voyant le chien à trois têtes,

dont celle du milieu portait des chaînes : la peur ne le quitta

qu’avec sa nature première, quand son corps fut pétrifié.

Il resta figé comme Olénos qui prit sur lui la faute d’autrui

et voulut paraître coupable ; toi aussi, si confiante en ta beauté,

70  

infortunée Léthéa, jadis vous étiez des cœurs très unis,

maintenant, vous êtes des rochers sur l’humide Ida.

Malgré ses prières et son vain désir de faire une seconde traversée,

Orphée fut écarté par le nocher des enfers ; alors, sept jours durant,

il resta assis sur la rive, négligé, sans recourir aux dons de Cérès :

75  

pour nourriture il avait son souci, sa souffrance et ses larmes.

Après s’être plaint de la cruauté des dieux de l’Érèbe, il se retira

au sommet du Rhodope et sur l’Hémus battu par les Aquilons.

Par trois fois, Titan avait terminé l’année qui se clôt avec les Poissons,

habitants des mers, et Orphée avait fui toute relation féminine

80  

inspirée par Vénus, soit parce que son amour avait mal fini pour lui

soit par fidélité à la parole donnée. Beaucoup de femmes pourtant

brûlaient de s’unir au poète ; beaucoup souffrirent un rejet.

Il initia même les peuples de Thrace à reporter leur amour

sur de jeunes garçons, et à cueillir, avant leur jeunesse,

85  

le bref printemps de leur âge et leurs premières fleurs.


Il était une colline, et sur la colline, une plaine très ouverte,

surface toute verdoyante grâce au gazon qui la couvrait.

Le lieu manquait d’ombre. Aussitôt que le poète né des dieux

s’y fut assis et eut touché les cordes de sa lyre,

90  

l’ombre survint : l’arbre de Chaonie était là,

et le bois des Héliades, et le chêne vert aux hautes frondaisons,

et les tendres tilleuls, et le hêtre, et le laurier toujours vierge,

et les frêles coudriers, et le frêne dont on fait les lances,

et le sapin lisse, et la yeuse qui ploie sous ses glands,

95  

et le platane des jours de fête, et l’érable aux tons contrastés,

et les saules poussant près des rivières, et le lotus aquatique,

et le buis toujours vert, et les graciles tamaris,

et le myrte bicolore, et le laurier-tin aux baies foncées.

Vous aussi, vous êtes venus, lierres flexibles et rampants,

100

avec les pampres de vignes, et les ormeaux mariés aux vignes,

les ornes et les épicéas et l’arbousier chargé de fruits rouges,

et les souples palmiers, récompenses du vainqueur,

et le pin ceinturé de feuilles, avec sa cime hérissée,

cher à la mère des dieux, puisque Attis, aimé de Cybèle,

105

a délaissé en lui sa forme d’homme et s’est endurci dans ce tronc.

 

La métamorphose de Cyparissus (10, 106-142)

Le cyprès vint se joindre à la foule des arbres charmés par le chant douloureux d’Orphée. Le cyprès avait jadis été un enfant, Cyparissus, qui était le plus beau de l’île de Céos et dont s’était épris le dieu Phébus-Apollon. Cyparissus était particulièrement attaché à un cerf sacré, qui lui était devenu très familier et partageait ses jeux. (10, 106-125)

Un jour, par mégarde, l’enfant blessa mortellement son animal préféré. Inconsolable, il voulut mourir, demandant la faveur de pleurer éternellement. Apollon, ne parvenant pas à le consoler, le métamorphosa en cyprès, arbre devenu un symbole funèbre. (10, 26-142)

 

À cette foule se joignit le cyprès, évoquant les bornes du cirque :

arbre aujourd’hui, il était jadis un enfant aimé de ce dieu fameux

qui manie les cordes de sa lyre comme celles de son arc.

Il existait là en effet, consacré aux nymphes du pays de Carthéa,

110

un cerf gigantesque aux cornes largement déployées

qui offraient à sa propre tête une ombre épaisse.

Ses cornes rutilaient d’or, et des colliers de perles,

suspendus autour de son cou, retombaient sur ses épaules.

Sur son front s’agitait, depuis sa naissance, une bulle d’argent

115

tenue par de petites lanières ; pendues à ses deux oreilles

des perles brillaient, de part et d’autre de ses tempes creuses.

Ce cerf, sans nulle crainte, oubliant sa timidité naturelle,

fréquentait les maisons et, sans retenue, il avait l’habitude

de tendre son cou aux caresses de mains inconnues.

120

Mais pourtant, c’est à toi plus qu’à quiconque, qu’il était cher,

Cyparissus, toi, le plus bel enfant de Céos ; c’est toi qui le menais

vers de nouvelles pâtures, vers l’onde claire d’une source.

Tantôt tu entrelaçais entre ses cornes des fleurs de toutes couleurs,

tantôt, cavalier monté sur son dos, tu allais joyeusement

125

ici et là, retenant son mufle délicat avec des rênes de pourpre.


C’était l’été, au milieu du jour, et la chaleur du soleil

brûlait les bras courbes du Cancer, ami du rivage.

Fatigué, le cerf s’était étendu sur la terre gazonneuse

et cherchait la fraîcheur à l’ombre d’un arbre.

130

Par mégarde, le jeune Cyparissus le transperça d’un trait acéré

et quand il le vit mourant d’une cruelle blessure, il décida

qu’il voulait mourir lui aussi. Que de paroles de consolation

prononça Phébus, l’engageant à pleurer avec mesure

et de façon proportionnée ! L’enfant continua pourtant à gémir,

135

demandant aux dieux la faveur suprême de pleurer sans fin.

Déjà son sang s’était vidé en torrents de pleurs,

ses membres commencèrent à prendre une teinte verte,

et ses cheveux qui naguère pendaient sur son front de neige

se transformèrent en une chevelure hérissée, se raidirent

140

en une cime gracile et se mirent à regarder le ciel étoilé.

Le dieu gémit et, plein de tristesse, déclara : « Je te pleurerai,

et toi tu pleureras les autres et tu les assisteras dans leurs deuils. »

 

Table des matières

 

Notes

Orphée et Eurydice. L’intégralité du livre 10 et le début du livre 11 (1-84) se rattachent plus ou moins directement au personnage d’Orphée. Ce mythe est l’un des plus obscurs et les plus chargés de symbolisme que connaisse la mythologie grecque : il a en effet évolué en une véritable théologie, qui a suscité une littérature abondante et, dans une large mesure, ésotérique (cfr P. Grimal). Orphée est un poète-musicien, un enchanteur-magicien, sans doute le plus célèbre des temps mythiques, ainsi que le fondateur de différents mystères.

Né en Thrace au pays des Muses, fils du roi Oeagre et d’une muse (Calliope ou Polhymnie) selon les versions les plus connues de sa légende, ce chanteur-musicien-poète par excellence joue de la lyre et de la cithare, qu’il aurait inventée ou améliorée. Ses chants étaient si envoûtants que tous les êtres (arbres, plantes, animaux, humains...) subissaient son charme. Il participa à l’expédition des Argonautes, où son chant aida les participants en diverses circonstances, mais l’épisode le plus connu de sa légende est sa descente aux Enfers pour y récupérer son épouse Eurydice ; l’échec de sa tentative le laissa inconsolable (10, 1-85). Sa mort a été rapportée différemment selon les récits (11, 1-84). On peut comparer au texte des Métamorphoses l’évocation du mythe d’Orphée et d’Eurydice chez Virgile, Géorgiques, 4, 453-527, dont Ovide s’est visiblement inspiré.

Hyménée (10, 2). Les trois premiers vers assurent la transition avec la fin du livre 9 qui relatait une histoire située en Crète, celle des noces heureuses d’Iphis et de Ianthé (9, 666-797). Elles étaient rehaussées par la présence de divinités du mariage, dont Hyménée (voir 9, 795-797, et la n. à 9, 762).

Cicones (10, 1). Les Cicones étaient un peuple de Thrace, à l’embouchure de l’Hèbre. Ovide transporte le lecteur en Thrace, où la légende, apparemment inconnue d’Homère et d’Hésiode, fait naître Orphée.

Il y est venu (10, 4-7). Contraste avec la fin du livre 9. Le dieu Hyménée est bien présent lors des noces, mais il n’est porteur que de mauvais présages. Aux noces de Procnè et Térée (6, 429), il était absent.

jeune épousée (10, 9). Eurydice, qui dès l’époque hellénistique semble appartenir au monde des nymphes, ici les Naïades (pour Virgile, Géorg., 4, 460, les Dryades).

Rhodope (10, 11). Une montagne de Thrace, pays d’Orphée. Voir 6, 87-88 et 589, ainsi que 2, 222.

Styx... Ténare (10, 13). Le Styx est un fleuve des Enfers (cfr notamment 1, 139-140 et surtout 1, 189 avec la note ; cfr aussi Virgile, Én., 6, 132-134, 252, 323). Le Ténare est un promontoire de Laconie, à l’extrémité sud du Péloponnèse, où l’on plaçait une porte d’entrée vers le royaume des ombres (cfr 2, 247 ; Fast., 4, 612), Pour une description d’une visite au royaume des Ombres, voir aussi 4, 432-463.

honorés de sépulture (10, 14). Peut-être une réminiscence virgilienne (cfr Én., 6, 156-182, pour Misène ; 6, 295-383, pour Palinure).

Perséphone... maître (10, 15-16). Le roi et la reine des Enfers sont Pluton/Dis et Perséphone/Proserpine, à qui Ovide a consacré un long passage (5, 362-571).

Tartare (10, 21). Le mot désigne les Enfers. En fait, « dans les poèmes homériques, et dans la théogonie hésiodique, le Tartare apparaît comme la région du monde la plus profonde, placée au-dessous des Enfers eux-mêmes, [mais peu à peu] le Tartare fut confondu avec les Enfers proprement dits dans la notion de monde souterrain, et on y plaça le lieu où étaient suppliciés les grands criminels » (P. Grimal) . Le Tartare est souvent cité dans l’Én. de Virgile (4, 243 ; 4, 446 ; 5, 734 ; 6, 295 ; 6, 395 ; 6, 543 ; 6, 551 ; 7, 327 ; 7, 514 ; 8, 563 ; 8, 667 ; 9, 496 ; 11, 397 ; 12, 14 ; 12, 205) et chez Ovide (1, 113 ; 2, 260 ; 5, 371 et 423 ; 6, 676 ; 12, 523 ; Fast., 4, 605).

de la race de Méduse (10, 22). Il s’agit de Cerbère, le chien d’Hadès à triple gueule, gardien des Enfers (cfr 4, 450 et 501 ; 7, 408 ; Virg., Én., 6, 395-396 et 417). Il passe pour être le fils d’Échidna, un monstre au corps de femme terminé par une queue de serpent, en guise de jambes, et c’est bien cette filiation qu’adopte Ovide (7, 408). Hésiode (Théogonie, 304-332) donne une liste des enfants monstrueux issus d’Echidna. Mais chez lui, Méduse, une des trois Gorgones, est la fille de Phorcys et de Céto, et n’a rien à voir ni avec Echidna ni avec Cerbère, sinon peut-être par son aspect monstrueux. Il est dès lors difficile de traduire l’adjectif latin Medusaeus par « issu de Méduse  », à moins de supposer une erreur d’Ovide. Nous avons repris la traduction de J. Chamonard « de la race de Méduse ». Quoi qu’il en soit, Orphée se souvient ici de la descente d’Hercule aux Enfers pour enlever Cerbère (9, 185 ; cfr aussi Virgile, Én., 6, 417 avec la note à 6, 395-396 ; et Virgile, Én., 8, 296.)

rapt ancien (10, 28-29). Allusion à l’enlèvement de Proserpine/Perséphone par Pluton/Dis, longuement développé par Ovide en 5, 362-424.

Tissez... (10, 31). Évocation du rôle des Parques (les Moires en Grèce), maîtresses des destins des humains, à savoir Clotho, Lachésis et Atropos, les déesses fileuses qui réglaient la destinée de chaque mortel, de sa naissance à sa mort. Cfr 2, 654, et Fast., 6, 757-758.

la plus longue (10, 35). Elle dure éternellement.

usufruit (10, 37). Orphée recourt à des arguments juridiques.

Tantale (10, 41). Tantale est également mentionné en 4, 458 ; 6, 172-174. Avec lui commence le topos des suppliciés des Enfers (cfr par exemple 4, 456-463 ; Virg., Én., 6, 580-607 ; Lucrèce, 3, 978-1023).

Ixion (10, 42). Ixion, qui avait séduit Héra, fut attaché à une roue enflammée, qui devait tourner éternellement (cfr 4, 461-465 ; Virg., Én., 6, 601-607).

vautours (10, 43). Tityos, qui avait outragé Latone et dont le foie sans cesse renaissant était rongé par les vautours (cfr 4, 457 ; Virg., Én., 6, 595-600).

Bélides (10, 44). Ce sont les Danaïdes, petites-filles de Bélus, d’où leur nom de Bélides (cfr 4, 463).

Sisyphe (10, 44). Sisyphe, fils d’Éole, condamné par Zeus à rouler éternellement un énorme rocher en remontant une pente. Dès que le rocher était arrivé au sommet, il retombait sous son propre poids, et il fallait recommencer le travail (cfr 4, 460-467).

Euménides (10, 46). Les Érinyes, déesses de la vengeance, qui sont parfois appelées les Euménides, ou Bienveillantes (cfr 6, 430-432).

Averne (10, 51-52). Le lac Averne, en Campanie, était voisin d’une porte des Enfers, par où Énée et la Sibylle seraient entrés (Én., 6, 236-242). Orphée, lui, était entré dans les Enfers par la grotte du Ténare, dans le Péloponnèse (cfr 5, 540 et 10, 13).

le chien à trois têtes (10, 65). L’état de choc qui frappe Orphée est d’abord comparé, de façon peu explicite, à un être qui aurait été pétrifié en voyant enchaîné le chien à trois têtes. La légende n’est pas autrement connue. On a supposé que le chien enchaîné était Cerbère, qui avait été emmené des enfers par Hercule (voir note à 9, 185) et qui aurait pétrifié ceux qui le regardaient. C’est en tout cas une métamorphose de plus dans le catalogue ovidien.

Olénos (10, 68). Seconde comparaison, rapportant une légende inconnue par ailleurs et qui mettait en scène Olénos et Léthéa (au vers 70) qui auraient été mari et femme.

Léthéa (10, 70). On peut supposer que la beauté de Léthéa aurait offensé une divinité, que son époux Olénos aurait pris sur lui la faute, et que l’affaire se serait terminée par une double métamorphose en rochers.

Ida (10, 71). L’Ida est le nom de deux massifs montagneux, l’un dans la région de Troie, l’autre en Crète. Peut-être deux rochers de l’Ida portaient-ils ces noms, et peut-être l’histoire d’Olénos et de Léthéa était-elle une légende étiologique destinée à les expliquer.

nocher (10, 73). Charon, dont la barque permettait aux âmes de passer, à travers les marais de l’Achéron, sur l’autre rive du fleuve des morts.

dons de Cérès (10, 74). Ici la nourriture, Cérès étant la déesse romaine correspondant à Déméter, déesse des moissons.

Érèbe (10, 76). Autre nom pour désigner les Enfers, du nom d’un dieu primitif, Érèbe (cfr 5, 543).

Rhodope... Hémus (10, 77). Deux montagnes de Thrace (cfr 6, 87). Orphée a été désigné plus haut (en 10, 11 et 10, 50) comme le poète du Rhodope.

Titan (10, 78). Le Titan est le Soleil. Le tour, plutôt alambiqué, signifie que trois ans avaient passé, que Titan, c’est-à-dire le Soleil, avait parcouru trois fois le Zodiaque.

Poissons (10, 78). Les Poissons constituaient la douzième constellation du Zodiaque, cette bande circulaire où se meuvent le soleil, la lune et des planètes. La première des constellations zodiacales était le Bélier, par laquelle commençait, avec l’équinoxe de printemps, l’année solaire.

relation féminine (10, 79). Le thème de la misogynie d’Orphée suggéré ici sert à annoncer sa mort tragique sous les coups des Bacchantes (cfr 11, 1-43).

jeunes garçons (10, 83). Selon Ovide, Orphée aurait - par ses chants - introduit la pédérastie en Thrace. Elle était bien connue ailleurs, comme l’illustreront dans la suite du chant 10, les légendes de Cyparissus (10, 106-142), de Ganymède (10, 143-161) et de Hyacinthe (10, 162-219).

arbre de Chaonie (10, 90). Avec le chêne, un arbre très répandu en Chaonie, une région de l’Épire, sur la mer Ionienne, commence le catalogue des arbres charmés par le chant d’Orphée. L’évocation poétique est alourdie par l’érudition.

bois des Héliades (10, 91). Inconsolables après la fin tragique de Phaéton, ses sœurs, les Héliades, avaient été métamorphosées en peupliers (2, 340-366).

chêne vert (10, 91). L’aesculus latin est une variété de chêne, consacrée à Jupiter et qui n’est pas identifiée avec certitude.

tilleuls (10, 92). La masure de Philémon et Baucis était voisine d’un chêne et d’un tilleul, et l’on peut imaginer que les deux arbres voisins qu’ils sont devenus après leur métamorphose étaient précisément un chêne et un tilleul (8, 620 et 8, 720).

laurier toujours vierge (10, 92). Évocation de la légende de la nymphe Daphné, métamorphosée en laurier pour échapper à la poursuite d’Apollon (1, 452-567).

platane des jours de fête (10, 95). L’expression platanus genialis pose un problème de traduction, d’une part parce que cet arbre est très répandu dans les pays méditerranéens et fort apprécié pour l’ombre qu’il dispense, et d’autre part parce que le mot genialis, lié à genius, peut avoir des sens assez différents. Nous l’avons traduite en nous inspirant de la formule de G. Lafaye : « abri des jours de liesse ».

lotus aquatique (10, 96). Peut-être le jujubier (voir 9, 340-341).

pin (10, 103). L’avant dernier cité dans le catalogue est le pin, qui avait été consacré à Attis et qui jouait un rôle dans les cérémonies de son culte. Ovide le présente comme une métamorphose d’Attis, ce qui primitivement n’était pas le cas.

Attis... Cybèle... (10, 104). Ovide a longuement évoqué ailleurs la légende de ce jeune berger phrygien, si beau, que Cybèle s’en éprit et en fit le gardien de son temple, en exigeant de lui qu’il restât chaste. Comme il ne respecta pas cet ordre, la déesse le châtia en le frappant de folie, ce qui le poussa à s’émasculer. Voir Fast., 4, 221-246 et les notes, surtout au v. 223.

cyprès (10, 106). Pour clore son catalogue des arbres, Ovide raconte la légende étiologique qui valut son nom au cyprès, celle de Cyparissus, un enfant qui fut aimé d’Apollon. Cet arbre a une forme conique, rappelant les groupes de trois bornes, de part et d’autre de la spina, que devaient contourner les chars lors des courses.

dieu fameux (10, 108). Apollon, dieu habile archer et musicien, connut aussi d’innombrables aventures amoureuses, pas exclusivement féminines d’ailleurs, et qu’il serait fastidieux d’énumérer.

Carthaea (10, 109). Ville de l’île de Céos, une des Cyclades, où se situerait la légende de Cyparissus et où le culte d’Apollon était important.

un cerf... bulle d’argent (10, 110). La description d’un cerf sacré n’est pas sans rappeller, avec plus d’emphase épique, le cerf de la jeune Silvia dans l’Énéide (7, 487-504). Sa parure est même agrémentée d’un détail typiquement romain, la bulle d’argent. À Rome, une bulle (d’argent ou d’or) était suspendue par un cordon au cou des enfants de grandes familles, symbole en quelque sorte de leur haute naissance. Ils la portaient jusqu’au moment où ils atteignaient l’âge de la puberté.

Cyparissus (10, 121). Ovide ne cite qu’ici le personnage central du récit, habitant de l’île de Céos.

Cancer (10, 127). Autre tournure recherchée pour marquer le temps. Le Cancer, un des signes du Zodiaque, représenté sous forme de crabe, marquait le solstice d’été, correspondant au début de la période de fortes chaleurs. Lors de la lutte d’Héraclès/Hercule contre l’Hydre de Lerne, le héros avait été pincé au pied par un crabe envoyé par Héra, son ennemie, et le crabe piétiné et écrasé avait finalement été changé en constellation par Héra, qui avait fait de lui un signe du Zodiaque. L’épithète litoreus peut paraître un peu gratuite.

tu pleureras les autres (10, 142). Pour les anciens, le cyprès, souvent arbre d’ornement, est aussi un symbole funéraire, que l’on plantait près des tombeaux. De nos jours encore, on le rencontre dans les cimetières.