]> Ovide, Métamorphoses, 8, 260-546

Légendes étoliennes : autour de Méléagre (8, 260-546)

 

De Crète en Grèce continentale (8, 260-272)

Dédale trouve refuge chez le roi Cocalos, en Sicile, tandis qu’Athènes bénit les dieux de l’avoir délivrée de son tribut à Minos, grâce à la vaillance de Thésée. Ce héros, célébré désormais dans toute la Grèce comme un recours dans tous les dangers, a été sollicité par les habitants de Calydon, pour participer à la chasse contre un sanglier dévastant la contrée.

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Désormais le pays de l’Etna hébergeait un homme fatigué,

Dédale, et Cocalos, qui avait pris les armes en faveur du suppliant,

passait pour un homme de paix. Désormais Athènes avait cessé,

grâce au mérite de Thésée, de payer son lamentable tribut.

On orne les temples de couronnes, on invoque Minerve la Guerrière

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et Jupiter et les autres dieux, que l’on vénère avec le sang des victimes

qui avait été promis, avec des offrandes et des boîtes d’encens.

À travers les villes d’Argolide, une rumeur avait couru

répandant le nom de Thésée, et les peuples de la riche Achaïe

imploraient son aide quand ils couraient de grands dangers.

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Le pays de Calydon, où pourtant vivait Méléagre,

implora son aide avec des supplications et des prières angoissées ;

la raison en était un sanglier, serviteur et vengeur de l’acharnée Diane.

 

Le sanglier de Calydon mobilise une bande de chasseurs autour de Méléagre (8, 273-328)

Oenée, roi de Calydon, avait mécontenté Diane en négligeant de lui offrir comme aux autres divinités les prémices de ses récoltes. En représailles, la déesse avait envoyé dans les champs d’Oenée un animal féroce, sanglier énorme qui semait la terreur, dévastant récoltes et troupeaux sur son passage. (8, 273-297)

Tandis que la population s’est terrée derrière les remparts de la cité, une troupe de jeunes héros grecs, avides de gloire, se groupe autour de Méléagre pour terrasser la bête : parmi eux, se trouvent notamment Castor et Pollux, Jason, Thésée et Pirithoüs, les fils de Thestius, et bien d’autres encore plus ou moins connus. (8, 298-316)

La plus singulière personne de cette bande est sûrement Atalante. Ovide ne la nomme pas ; venue de Tégée, en Arcadie, avec son allure androgyne et sa simple tenue de chasseresse, elle éveille d’emblée chez Méléagre un intérêt passionné, qu’il prend soin de taire cependant, absorbé qu’il est par une tâche plus pressante. (8, 317-328)

 

En effet, dit-on, Oenée, en une année de récoltes abondantes,

avait offert à Cérès les prémices des moissons, à Lyaeus le vin

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qui lui appartient, et à la blonde Minerve la liqueur de Pallas.

Rendu d’abord aux dieux des campagnes, cet hommage recherché

était parvenu à tous les dieux ; seuls, dit-on, furent délaissés

et privés d’encens, les autels de la fille de Latone, qu’il avait oubliée.

La colère aussi atteint les dieux. « Je ne supporterai pas cela sans sévir,

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et on ne dira pas que, sans honneurs, je suis aussi sans vengeance », dit-elle.

Pour se venger de ce mépris, elle envoie dans les champs d’Oenée

un sanglier, grand comme les taureaux de l’Épire herbeuse,

mais plus grand que ceux des campagnes siciliennes.

Ses yeux étincellent de sang et de feu, son cou farouche se raidit,

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et ses poils se hérissent, comparables à des javelines rigides ;

[Et les poils se dressent comme un rempart, comme de hautes javelines.]

En un grognement rauque, il laisse couler sur ses membres puissants

une bave brûlante ; ses dents sont longues comme celles d’un éléphant,

sa gueule crache la foudre et son haleine embrase les feuilles.

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Tantôt il piétine les pousses naissantes, encore en herbe,

tantôt il anéantit les espoirs mûris du paysan au bord des larmes

et il saccage les épis de Cérès. C’est en vain que l’aire de battage,

en vain que les greniers attendent les moissons promises.

De lourdes grappes et de longs sarments jonchent le sol,

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tout comme les baies et les branches de l’olivier toujours vert.

La bête sévit aussi contre les moutons ; ni berger ni chien

ni farouches taureaux ne peuvent défendre le bétail, petit et gros.


Les gens fuient de tous côtés, ne se considérant en sécurité

que derrière les remparts de la ville, jusqu’au jour où Méléagre

300

et une bande de jeunes héros se réunissent, avides de gloire.

Il y a les Tyndarides, jumeaux admirables, l’un, au ceste,

l’autre, comme cavalier ; Jason, le constructeur du premier bateau,

ainsi que Thésée avec Pirithoüs, unis en une heureuse entente ;

les deux Thestiades, et les fils d’Apharée, Lyncée et le véloce Idas ;

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il y a aussi Cénée, qui désormais n’était plus une femme,

Leucippe l’impétueux et Acaste, remarquable lanceur de javelot,

Hippothoüs et Dryas, et Phénix, le descendant d’Amyntor,

et les deux fils jumeaux d’Actor, et Phylée, envoyé d’Élide.

Ne manquaient à l’appel ni Télamon, ni le père du grand Achille,

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ni, accompagnant le fils de Phérès et Iolaüs d’Hyantie,

l’infatigable Eurytion, ni Échion, invincible à la course,

ni Lélex de Naryx, ni Panopée, et Hyléus, et Hippase le hardi,

ni Nestor, encore dans ses jeunes années à l’époque,

ni les héros qu’Hippocoon avait envoyés de l’antique Amyclées,

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ni le beau-père de Pénélope, avec Ancée de Parrhasie, ni le sage

fils d’Ampyx, ni le fils d’Oeclès, que ne menaçait pas encore son épouse.


Il y a avait aussi la Tégéenne, la perle des bois du Lycée.

Une fibule discrète agrafait le haut de son vêtement,

sa chevelure sans apprêt était retenue par un simple nœud.

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Un carquois d’ivoire résonnait, pendu à son épaule gauche

et contenant ses flèches ; en sa main droite elle tenait un arc.

Telle était sa parure ; son visage, on pourrait vraiment le décrire :

visage de fille chez un garçon ou de garçon chez une fille.

Dès l’instant où le héros de Calydon la vit, il la désira,

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malgré l’opposition divine ; Méléagre refoula ces flammes secrètes

en son cœur et dit : « Heureux celui qu’elle jugera digne

d’être son époux ! » Mais les circonstances et sa pudeur l’empêchent

d’en dire plus ; la tâche plus grande d’un grand combat le presse.

 

Les débuts de la chasse (8, 329-390)

La bête est débusquée de la vallée où elle s’était cachée, se déchaîne face à ses assaillants et met en fuite la meute des chiens. (8, 329-344)

Tour à tour, les chasseurs cherchent à l’atteindre : Échion, puis Jason ratent leur cible, et le trait de Mopsos, rendu inoffensif par Diane, ne fait qu’accentuer la fureur de l’animal, qui renverse deux chasseurs et en tue un troisième. Nestor réussit à lui échapper et le fils d’Eurytus est transpercé d’un coup de défense, tandis que Castor et Pollux voient s’échapper devant eux le sanglier ; Télamon qui le poursuit heurte une souche et est secouru par Pélée. Par contre la jeune Atalante fait mouche, faisant même saigner l’animal ; Méléagre, admiratif, promet de lui décerner le prix de la vaillance, provoquant ainsi le dépit des participants masculins, plus excités que jamais à montrer leur supériorité. (8, 345-390)

 

Une épaisse forêt d’arbres, jamais exploitée à aucune époque,

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part de la plaine et, se prolongeant en pente, domine les campagnes.

Quand les héros sont parvenus à cet endroit, les uns tendent les filets,

d’autres détachent les chiens, d’autres suivent les traces de pattes,

animés du désir de rencontrer un danger à affronter.

Une vallée s’était creusée, où ruisselantes venaient se déverser

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les eaux de pluie ; le fond de ce ravin est couvert

de saule flexible, d’algues légères, d’herbes des marais,

d’osiers et de petits joncs poussant au pied de longs roseaux.

Débusqué de là, entouré d’ennemis, le sanglier a la violence

de la foudre jaillissant de nuages qui s’entrechoquent.

340

En heurtant les arbres, il les renverse, et la forêt abattue

retentit avec fracas ; les jeunes gens crient, en brandissant

dans leur main vigoureuse d’étincelants épieux à large lame.

L’animal fonce, disperse les chiens qui font obstacle à sa rage

et, par un coup asséné de côté, met en fuite leur meute hurlante.


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Un premier trait lancé par le bras d’Échion resta sans effet,

ne provoquant qu’une légère blessure à un tronc d’érable.

Le trait suivant, s’il n’avait pas été lancé avec une force excessive,

eût été bien près, apparemment, de se planter sur l’échine visée ;

il alla trop loin : c’était Jason de Pagasa qui l’avait lancé.

350

« Ô Phébus », dit le fils d’Ampyx, « si je fus de tes fidèles,

et le suis toujours, accorde à mon trait sûr d’atteindre sa cible ! »

Dans la mesure où il le put, le dieu accéda à ses prières ;

le sanglier fut frappé, mais resta indemme ; durant le vol du javelot,

Diane en avait enlevé le fer, et le bois parvint au but sans sa pointe.

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La fureur du fauve fut ravivée et son ardeur valait celle la foudre ;

de ses yeux jaillissent des flammes, et sa poitrine souffle le feu.

De même que s’envole une masse lancée par la corde tendue,

quand elle se dirige vers des murs ou des tours pleines de soldats,

ainsi, d’un même élan sûr, le sanglier meurtrier est entraîné

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vers les jeunes gens. Il renverse Hippalmos et Pélagon,

qui surveillaient le flanc droit. Jetés à terre, ils sont enlevés

par leurs compagnons. Mais, Énésime, fils d’Hippocoon,

n’échappa pas à un coup mortel ; tandis qu’il allait tourner le dos,

tremblant de peur, il eut le jarret coupé et sa vigueur le quitta.

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Peut-être l’homme de Pylos aurait-il péri avant le temps de Troie,

mais il avait placé son javelot de manière à prendre son élan

et avait sauté sur les branches d’un arbre qui se trouvait là.

Une fois en lieu sûr, il regarda de haut l’ennemi qui l’avait fait fuir.

La bête intrépide, qui avait aiguisé ses crocs sur un tronc de chêne,

370

menace de répandre la mort ; se fiant à ses armes nouvelles,

elle enfonce sa défense recourbée dans la cuisse du noble fils d’Eurytos.

Les frères jumeaux, eux, qui n’étaient pas encore astres du ciel,

au centre des regards, montaient tous deux des chevaux

plus blancs que neige ; tous deux, d’un geste tremblant,

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agitaient dans l’air les pointes brandies de leurs javelots.

Ils l’auraient frappé, si l’animal couvert de soies n’avait fui

dans des taillis épais, inaccessibles aux traits et aux chevaux.

Télamon le poursuit et, son ardeur à foncer le rendant imprudent,

il tomba tête en avant, arrêté par la racine d’un arbre.

380

Tandis que Pélée le relève, la Tégéenne posa une flèche rapide

sur la corde de son arme et la lança avec son arc souple.

La flèche, qui s’est fichée sous l’oreille de la bête sauvage,

lui effleure le haut du corps, rougissant les poils d’un peu de sang.

La jeune fille pourtant fort heureuse de son propre succès

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ne l’était pas autant que Méléagre ; il fut le premier, dit-on, à voir le sang,

le premier aussi, à montrer à ses compagnons le sang qu’il avait vu,

et il dit : « Tu mériteras d’emporter le prix de la vaillance. »

Les jeunes gens rouges de honte, s’exhortent, s’encouragent

à grands cris, lancent dans tous les sens une multitude de traits,

390

ce qui gêne la trajectoire des flèches et empêche les coups de porter.

 

La mise à mort du sanglier et des fils de Thestius par Méléagre (8, 391-444)

En vain, d’autres héros affrontent le monstre : l’Arcadien Ancée gonflé d’orgueil et d’assurance périt, affreusement déchiré ; Thésée, qui veut protéger son compagnon Pirithoüs, lance un trait, lui aussi sans succès, de même que Jason qui abat involontairement un autre chasseur. Méléagre a la main plus heureuse et, après avoir fiché une pique dans le dos de l’animal, il achève la bête d’un coup d’épieu dans l’épaule, tel un matador dans l’arène. (8, 391-419)

Au milieu de la liesse générale, Méléagre offre en hommage à Atalante ravie la peau et la hure du sanglier, mécontentant ainsi les participants à la chasse. Les Thestiades, qui s’opposent violemment à cet hommage, sont immédiatement mis à mort par leur neveu Méléagre. (8, 420-444)

391

Voici plein de fureur l’Arcadien à la double hache, provoquant son destin :

« Apprenez combien l’emportent sur ceux des femmes, ô jeunes gens,

les traits portés par les hommes et laissez-moi ce travail ! » dit-il.

« La fille de Latone a beau de ses armes protéger cet animal,

395

il périra pourtant de ma main, malgré la volonté de Diane. »

Gonflé d’orgueil, il avait prononcé ces paroles grandiloquentes,

et soulevant des deux mains sa hache à double tranchant,

il s’était dressé sur ses orteils, en suspens sur ses pointes.

La bête sauvage devance l’audacieux, et lui plante ses défenses

400

en haut de l’aine, là où la voie vers la mort est la plus directe.

Ancée s’affaisse ; ses viscères noyées dans un flot de sang

glissent et se répandent, et la terre en est tout imprégnée.

Pirithoüs, descendant d’Ixion, marchait sus à l’ennemi,

brandissant un épieu dans sa puissante main.

405

Le fils d’Égée lui dit : « Éloigne-toi, toi que j’aime plus que moi-même,

toi, une part de mon âme, arrête ! On peut être courageux de loin ;

Ancée a pâti de sa vaillance téméraire. » Il finit de parler

et brandit un lourd javelot de cornouiller à la pointe d’airain ;

ce trait bien balancé, et qui aurait dû réaliser son vœu,

410

bute sur une branche feuillue provenant d’un arbre abattu.

Alors le fils d’Éson envoya un trait, que le hasard détourna de la bête

contre Céladon, qui ne méritait pas ce destin ; le fer pénétra

dans ses entrailles et les traversant se planta dans la terre.

La main du fils d’Oenée est autrement efficace : il lança deux traits,

415

le premier se ficha en terre, le second en pleine échine de la bête.

Aussitôt, tandis que, pleine de rage, elle tourne en rond

et répand en grinçant des dents sa bave mêlée de sang frais,

l’auteur de la blessure s’approche de son adversaire,

excite sa colère et enfonce dans son épaule une pique luisante.


420

Ses compagnons manifestent leur bonheur avec des cris joyeux ;

ils cherchent à serrer dans la leur la main victorieuse,

s’étonnent en voyant le large espace où gît l’immense cadavre,

et, en pensant qu’il n’est pas encore prudent de le toucher,

tous pourtant trempent leurs piques dans son sang.

425

Méléagre pressa de son pied la tête maudite, disant :

« Fille de Nonacris, accepte cette dépouille, qui de droit

m’appartient, et que ma gloire soit partagée avec toi. »

Aussitôt il lui fait don, en guise de trophée, de la peau hérissée

de poils raides et de la tête aux défenses impressionnantes.

430

Et tout autant que du présent, elle est heureuse de son auteur.

Les autres en conçurent de l’envie et un murmure gagna toute la troupe.

Parmi eux, les Thestiades, tendant les bras, crient d’une voix forte :

« Allons, pose cela, femme, et ne nous prive pas des titres de gloire

qui nous reviennent. Que ta confiance en ta beauté ne t’abuse pas,

435

de peur que l’amoureux qui t’a fait ce don ne soit éloigné de toi. »

À elle, ils refusent le présent, à lui, le droit de l’offrir.

Le descendant de Mars ne supporta pas l’affront et, gonflé de colère,

grinçant des dents, il dit : « Ravisseurs de l’honneur d’autrui,

apprenez quelle distance sépare les faits et les menaces. »

440

Et de son arme funeste, il transperça le cœur de Plexippus

qui ne s’y attendait pas. Toxeus ne savait que faire, voulant

à la fois venger son frère et redoutant de subir le même sort.

Le héros ne le laisse pas hésiter longtemps et, dans le sang fraternel

réchauffe son javelot encore chaud du meurtre précédent.

 

Althée décide de venger la mort de ses frères (8, 445-514)

Althée, qui fêtait l’exploit de son fils Méléagre, ne songe plus qu’à le punir quand elle apprend le meurtre de ses propres frères. Elle se souvint alors de la souche de bois, qu’elle avait sauvegardée et dont dépendait la vie de Méléagre. Les Parques en effet avaient annoncé, lors de sa naissance, qu’elles accordaient à l’enfant la même durée de vie qu’à ce morceau de bois. (8, 445-459)

Se sentant tenue de venger ce meurtre et partagée entre son amour pour ses frères et son amour maternel, elle fait préparer un feu, dans lequel elle hésite longtemps à faire disparaître la souche fatidique. (8, 460-474)

Finalement, la sœur en elle l’emporte : bien consciente de commettre une abomination, elle décide non sans déchirement de sacrifier la vie de son fils en invoquant les déesses de la vengeance, sûre ainsi d’accomplir un devoir sacré à l’égard de ceux de son sang. Désespérée, elle jette le tison dans le feu, maudissant sa famille et désirant rejoindre ses frères dans la mort. (8, 475-514)

445

Althée apportait des offrandes dans les temples des dieux pour fêter

l’exploit de son fils, quand elle voit ramener les cadavres de ses frères.

Elle se frappa la poitrine, emplit la ville de ses cris douleureux

et changea ses vêtements tissés d’or pour une tenue sombre.

Mais dès l’instant où l’on cite le nom du meurtrier, elle quitte son deuil

450

et arrête ses larmes, toute à son désir de punir le coupable.

Lors des couches de la fille de Thestius, les trois sœurs

avaient déposé une bûche sur les flammes du foyer.

Tout en filant et pressant du pouce le fil du destin de l’enfant,

elles avaient dit : « Nous te donnons à toi, qui viens de naître,

455

la même durée de vie qu’à ce bois. » Suite à cette prophétie,

après le départ des déesses, la mère aussitôt retira du feu

le tison brûlant et elle l’aspergea abondamment d’eau claire.

Ce bois longtemps caché en un endroit très retiré de la demeure,

et ainsi conservé, il t’avait aussi conservé en vie, jeune homme.


460

Althée apporte cette souche, fait entasser des bûches de pin

et des débris de bois, puis elle y boute un feu ravageur.

Alors, quatre fois, elle tenta de poser la souche sur les flammes,

quatre fois, elle se retint ; la mère et la sœur en elle sont en lutte,

et entre ces deux noms un seul cœur est tiraillé en des sens opposés.

465

Souvent la peur du crime qu’elle allait commettre la rendait livide,

souvent aussi une colère brûlante lui rougissait les yeux,

parfois son visage menaçant annonçait je ne sais quel acte cruel,

parfois, on aurait pu croire qu’elle était pleine de compassion.

Et quand l’ardeur sauvage de son cœur avait épuisé ses larmes,

470

elle retrouvait pourtant encore des larmes. De même qu’un navire,

soulevé par le vent et par une vague contraire à ce vent,

subit ces deux forces et, incertain, obéit aux deux,

ainsi la Thestiade va et vient, animée de sentiments indécis :

tour à tour, sa colère s’apaise, puis renaît, après s’être apaisée.


475

Cependant, la sœur en elle commence à l’emporter sur la mère

et, pour apaiser par le sang les ombres de son sang, elle est pieuse,

en étant impie. En effet, quand se fut embrasé le feu destructeur,

elle dit : « Que ce bûcher consume le fruit de mes entrailles ».

Et, tenant dans sa main cruelle le brandon fatal,

480

la malheureuse, debout devant les autels funèbres,

dit : « Triples déesses des châtiments, tournez vos visages,

ô Euménides, vers ces rites destinés à apaiser vos fureurs !

Je venge l’impiété, en commettant une impiété ; la mort doit s’expier

par la mort, le crime s’ajouter au crime, les funérailles aux funérailles ;

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que notre maison impie périsse sous les deuils accumulés !

Oenée aura-t-il le bonheur de jouir de la victoire de son fils,

quand Thestius sera privé des siens ? Pleurez plutôt tous les deux !

Vous du moins, Mânes de mes frères, ombres toutes récentes,

appréciez le devoir accompli et acceptez ces offrandes funèbres

490

qui me coûtent si cher, malheureux gage sorti de mes flancs !

Hélas ! Où suis-je emportée ? Mes frères, pardonnez à une mère !

Mes mains défaillent devant ce projet ; Méléagre a mérité de périr,

je le reconnais. C’est une horreur d’être l’auteur de sa mort.

Mais il acceptera donc impunément d’être vivant et victorieux,

495

et, tout gonflé de son succès même, il régnera sur Calydon,

tandis que vous serez étendus, petit tas de cendres et ombres glacées ?

Non, je ne le supporterai pas ; qu’il périsse souillé d’un meurtre,

qu’il entraîne avec lui l’espoir et le trône de son père et la ruine de sa patrie !

Mais où est ton amour maternel ? Où sont les devoirs sacrés des parents

500

envers les enfants et ces dix mois éprouvants que j’ai endurés ?

Ô que n’as-tu pas, tout nouveau-né, brûlé dans ce premier feu,

et que n’ai-je laissé cela se faire ! Tu as vécu grâce à mon geste.

Maintenant, tu mourras par ta faute ! Reçois le prix de ton acte.

Deux fois je t’ai donné la vie, d’abord à ta naissance, puis en retirant le tison ;

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rends ton dernier souffle, ou ajoute le mien aux tombeaux de mes frères !

Mais, je veux agir et ne le puis. Que faire ? Tantôt, mes yeux voient

les blessures de mes frères et le spectacle d’un si horrible carnage,

maintenant, la piété et mon titre de mère brisent mon courage.

Que je suis malheureuse ! Pour mon malheur vous vaincrez, mes frères,

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mais triomphez, pourvu que moi aussi je vous suive, vous

et la réparation que je vous aurai offerte ! » Sur ce, dos tourné,

elle jeta d’une main tremblante dans les flammes le tison funèbre.

Le bout de bois a poussé ou semble avoir poussé des gémissements

et il s’est consumé, saisi par des flammes bien réticentes.

 

La fin de l’histoire de Méléagre et la métamorphose des Méléagrides (8, 515-546)

Loin du foyer mais parallèlement à la bûche qui se consume, Méléagre, sans rien y comprendre et appelant vainement tous les siens à l’aide, sent sa vie se consumer, puis il disparaît. Cette mort plonge tous les habitants de la ville de Calydon dans le deuil, et, en particulier son père Oenée qui maudit sa propre vie, et sa mère Althée qui se suicide. (8, 515-532)

Les sœurs de Méléagre en particulier semblent inconsolables et honorent les cendres de leur frère de marques de tendresse jusqu’au moment où Diane apitoyée, s’estimant enfin vengée de la négligence d’Oenée par la disparition presque complète de sa maison, les métamorphose en oiseaux. (8, 533-546)

515

Inconscient et éloigné, Méléagre se consume à ce foyer

et sent ses entrailles brûler sous l’effet d’un feu invisible.

Tout en dominant avec courage d’immenses souffrances,

il déplore cependant de succomber à une mort lâche,

sans verser de sang, enviant les heureuses blessures d’Ancée.

520

Prononçant ses dernières paroles, il appelle en gémissant

son vieux père et ses frères, ses sœurs fidèles et son épouse,

et peut-être même sa mère. Flammes et souffrances s’accroissent,

puis se calment à nouveau . Elles se sont éteintes en même temps,

et peu à peu l’esprit du héros s’en est allé dans l’air léger

525

tandis que peu à peu une cendre blanche recouvre la braise.

La fière Calydon est terrassée ; jeunes gens et vieillards sont en deuil ;

le peuple et les notables gémissent ; s’étant arraché les cheveux,

les matrones de Calydon et de l’Événos se frappent la poitrine.

Le père de Méléagre, couché à même le sol, souille de poussière

530

ses cheveux blancs et sa face de vieillard ; il maudit sa longue vie.

Quant à la mère en effet, consciente de son abominable crime

elle s’est châtiée de sa main, s’enfonçant une lame dans le ventre.


Non, un dieu m’eût-il donné cent bouches et cent langues sonores,

et un génie aussi vaste que l’Hélicon tout entier, je ne pourrais

535

rapporter les tristes plaintes de ses malheureuses sœurs.

Oubliant leur beauté, elles frappent leurs poitrines, les couvrant de bleus ;

et tant que le cadavre reste là, elles le réchauffent et le caressent,

lui donnent des baisers et le baisent encore, quand il est posé sur le bûcher.

Après l’incinération, elles recueillent les cendres qu’elles pressent

540

sur leur cœur, puis elles s’affaissent, gisantes sur son tombeau,

embrassent son nom gravé dans la pierre en l’arrosant de leurs larmes.

La fille de Latone, que le désastre de la maison de Parthaon,

– mises à part Gorgé et la bru de la noble Alcmène –

avait enfin assouvie, fait naître des plumes sur leurs corps

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les soulève, les dote de longues ailes en guise de bras,

d’une bouche en corne et les envoie dans les airs, métamorphosées.

 

Table des matières

 

Notes

Vers 8, 260-272. Ces vers servent de transition entre l’histoire de Dédale, qui se déroulait en Crète, et les épisodes suivants, liés à la Grèce continentale et notamment à Thésée. Ce dernier tantôt prend part à l’action (histoire de Méléagre, 8, 273-546), tantôt est un simple auditeur (récits d’Acheloüs, 8, 547-884, et 9, 1ss). Le carmen perpetuum qu’annonçait Ovide en Mét., 1, 4, paraît donc assuré ici par la présence du personnage de Thésée, même si ce dernier n’est pas le centre des histoires évoquées.

Etna... Cocalos... (8, 260-262). Ovide résume en trois vers la suite de la légende de Dédale, qui, fuyant le roi Minos, s’était réfugié en Sicile (terre de l’Etna), auprès de Cocalos, roi de Camicos, une ville de la région d’Agrigente, déjà disparue à l’époque de Strabon (VI, 2, 6). Minos finit par le localiser, se rend à Camicos pour réclamer le fugitif, mais Cocalos refuse de le lui livrer. Minos sera finalement assassiné à Camicos, par Cocalos lui-même ou par les filles du roi (cfr un récit assez détaillé chez Apollodore, Bibliotheca. Epitome, 1, 13-15, plus bref chez Hérodote, 7, 169-170). Dédale reste en Sicile, au service du roi Cocalos, et fait profiter l’île de son immense talent artistique et technique. Il édifie ainsi diverses constructions pour son nouveau maître, dont une citadelle pour abriter son trésor ; plusieurs de ses réalisations sont liées au sanctuaire d’Aphrodite sur le Mont Éryx, parmi lesquelles un bélier en or extraordinairement ressemblant (cfr Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 78, 1-5) ; on lui attribue aussi les thermes de Sciacca, non loin d’Agrigente, parmi les plus anciens de la Sicile, voire d’Italie.

mérite de Thésée (8, 263). Thésée avait réussi à tuer le Minotaure, libérant ainsi les Athéniens du tribut humain qu’ils devaient verser à Minos (cfr 8, 170 et ss, avec les notes).

Argolide... Achaïe... (8, 267-268). Deux régions du Péloponnèse, dont les noms, en poésie, désignent souvent la Grèce en général. Ovide veut dire ici que la renommée acquise en Crète par l’Athénien Thésée s’est répandue dans toute la Grèce.

Calydon (8, 270). Calydon est une ancienne ville d’Étolie, située sur la rive nord à l’extrémité occidentale du golfe de Corinthe, sur le fleuve Événos (anciennement Lycormas).

Méléagre (8, 272). Méléagre, sur qui est centré le présent récit (8, 270-546), est le fils d’Oenée, roi de Calydon, et d’Althée. Sa légende, déjà évoquée par Homère (Iliade, 9, 529-599), est souvent rapportée dans les textes, entre autres chez les Tragiques. Comme d’habitude, les variantes ne manquent pas ; dans celles-ci Ovide a choisi les détails qui l’intéressaient, pour obtenir un récit cohérent et attrayant. Sur la légende de Méléagre, descendant de Thestius par sa mère, voir Ovide, Fast., 5, 305-306 et la note.

Oenée (8, 273). À ce roi de Calydon, Dionysos aurait fait don du premier pied de vigne planté en Grèce. (Il faut dire que le nom Oenée rappelle celui de oinos, le vin, en grec.) Il passe pour l’arrière-petit fils de Pleuron, le petit-fils d’Agénor, et le fils de Parthaon (8, 542) (appelé parfois Porthaon ou Porthée). En première noce, il épousa Althée, une fille de Thestius, qui lui donna plusieurs enfants, dont Toxée, Méléagre, Gorgé (8, 543) et Déjanire (cfr aussi la n. à 535-546).

Cérès (8, 274). Cérès/Démèter était la déesse des moissons (3, 437 ; surtout 5, 341 [qui renvoie à Fast., 4, 393-416] et passim la suite du chant 5 des Métamorphoses jusqu’au vers 661).

Lyaeus (8, 274). Lyaeus, « celui qui délie », est un des surnoms de Dionysos/Bacchus, le dieu du vin (cfr Mét., 4, 11). - L’usage était d’offrir aux dieux les prémices des récoltes (cfr par exemple Fast., 2, 520, pour l’épeautre offert en prémices à Cérès).

la liqueur de Pallas (8, 274). L’huile d’olive, l’olivier étant l’arbre de Pallas/Athéna/Minerve (cfr p. ex. 6, 70-82 et 101-102).

fille de Latone (8, 278). Diane/Artémis. Latone/Léto, qui appartient à la première génération divine, est en effet la mère d’Apollon et d’Artémis.

et les poils... (8, 286). Ce vers est considéré par la plupart des éditeurs comme une répétition du vers précédent.

celles d’un éléphant (8, 288). Ovide dit simplement des « dents venant de l’Inde ».

Tyndarides (8, 301). Ici commence la longue liste des « chasseurs » réunis autour de Méléagre, un catalogue que l’on pourra comparer par exemple avec deux autres listes parvenues jusqu’à nous (Hygin, Fab., 173, et Apollodore, Bibl., 1, 8 = 67-68). Les Tyndarides sont les Dioscures, présentés ici, Castor comme le cavalier, et Pollux comme le pugiliste. Ils sont les fils de Tyndare et de Léda, et donc les frères de Clytemnestre et d’Hélène. Castor et Pollux participèrent aussi à l’expédition des Argonautes et enlevèrent les filles du roi Leucippe, les Leucippides (cfr 8, 306). Sur la légende des Dioscures ou Gémeaux, cfr Fastes, 5, 693-720 et les notes, surtout celle du vers 5, 699.

Jason (8, 302). Fils d’Éson, Jason est le célèbre héros parti à la conquête de la Toison d’or. Sur Jason et Médée, cfr Mét., 7, 1-349 et les notes. Ovide présente ici Jason comme le constructeur du premier navire, Argo. Il interviendra dans la chasse en 8, 347-349 et 8, 411-413.

Thésée avec Pirithoüs  (8, 303). Dès Homère, Pirithoüs est un roi des Lapithes, fils d’Ixion (8, 567), époux d’Hippodamie, et vainqueur des Centaures. Il est étroitement lié à Thésée, et tous deux illustrent la fidélité en amitié, dans diverses légendes où ils accomplissent ensemble nombre d’exploits. Cfr Virg., Én., 6, 601-607 et la note ; Ovide, Mét., 12, 210-458. Dans la chasse au sanglier de Calydon, leur amitié se manifestera en 8, 403-406 et 8, 567.

Thestiades (8, 304). Deux des fils de Thestius, roi de Pleuron, en Étolie. Ils sont les frères d’Althée et donc oncles de Méléagre. Dans la suite du récit, ils vont contester à leur neveu le droit de disposer de la dépouille du sanglier, et Méléagre les mettra à mort (8, 432-444). Ovide donne leurs noms, Plexippus et Toxéus, en 8, 440-441.

fils d’Apharée, Lyncée... Idas (8, 304). Apharée, roi de Messénie, est le père des jumeaux Idas et Lyncée. Ces derniers combattirent contre les Dioscures, qui leur avaient enlevé leurs fiancées, Phoibé et Hilaeira, filles de Leucippe. Cfr Fast., 5, 699-714 et les notes.

Cénée (8, 305). D’abord femme, née d’un Lapithe, elle avait obtenu de Poséidon qui l’avait violée d’être transformée en homme. En tant qu’homme, elle participera à la lutte contre les Centaures. Cfr Mét., 12, 169-209 et 12, 459-531 et Virg., Én., 6, 448.

Leucippe (8, 306). Héros messénien, connu comme le père des Leucippides, Phoibé et Hilaeira, les fiancées d’Idas et de Lyncée (304).

Acaste (8, 306). Un des Argonautes, fils de Pélias, l’oncle de Jason. Pélias, on s’en souvient (7, 297-349), avait été victime de Médée, qui avait promis de le rajeunir.

Hippothoüs... Dryas... Phénix (8, 307). Hippothoüs, fils de Cercyon, est un roi d’Arcadie. Dryas est un nom porté par plusieurs personnages. Phoenix eut les yeux crevés par son père Amyntor, dont il avait, à la demande de sa mère jalouse, débauché la concubine ; il trouva refuge chez le centaure Chiron qui lui rendit la vue, et devint le conseiller d’Achille qu’il accompagna à Troie.

jumeaux d’Actor (8, 308). L’Argonaute Actor eut deux fils, Ctéatos et Eurytos. Eurytos apparaît en Mét., 5, 79 parmi les héros opposés en combats singuliers à Persée. On ne sait pas trop si l’Eurytion (du vers 311) ne serait pas le même personnage qu’Eurytos.

Phylée (8, 308). Fils d’Augias d’Élide, héros homérique (Iliade, 2, 628 notamment).

Télamon... père d’Achille (8, 309). Télamon et Pélée (le père d’Achille) sont deux des fils d’Éaque. Ils sont mentionnés à plusieurs reprises dans le livre 7, 453ss à l’occasion de l’ambassade de Céphale auprès d’Éaque à Égine.

fils de Phérès (8, 310). Le fils de Phérès le Thessalien est Admète, connu aussi comme époux d’Alceste.

Iolaüs d’Hyantie (8, 310). Il sera davantage question d’Iolaüs en 9, 394-401, et 9, 430-432, mais Ovide ne dira rien du rôle qu’il aurait joué dans la chasse. L’Hyantie est un autre nom de la Béotie, en souvenir d’Hyas, le héros éponyme de la région (Mét., 3, 147).

Eurytion et Échion (8, 311). Eurytion est peut-être confondu avec Eurytos, fils d’Actor (cfr vers 308). Échion, qui participe à l’expédition des Argonautes, lance en vain son javelot sur le sanglier aux vers 8, 345-346.

Lélex de Naryx (8, 312). Lélex passe pour le héros éponyme des Lélèges, une population prégrecque mythique que les mythographes anciens localisent dans diverses régions. En 7, 443, un Lélex est lié à Mégare ; en 8, 567-568, un Lélex est lié à Trézène ; ici, Naryx est une ville de Locride.

Panopée et Hyléus et Hippase (8, 312-313). Des héros peu connus par ailleurs. On retrouvera Hippase plus loin en 8, 371, comme « fils d’Eurytos ».

Nestor (8, 313). Héros de l’Iliade, Nestor, roi de Pylos, incarne le type du vieillard sage. Sa longue vie lui a permis de participer, longtemps avant Troie, à l’expédition des Argonautes (selon certaines versions), au combat des Centaures et des Lapithes, à la chasse de Calydon, etc.

Hippocoon d’Amyclées (8, 314). Originaire de Sparte, ce demi-frère de Tyndare et d’Icarios s’était emparé par la force du trône de Sparte. Amyclées est une ville de Laconie. Hippocoon avait de nombreux fils (dix, voire vingt selon les versions), les Hippocoontides, aussi violents que lui. Ovide ne précise pas combien d’entre eux avaient participé à la chasse au sanglier ; il n’en citera qu’un au vers 362, Énésime, qui sera tué par l’animal.

beau-père de Pénélope (8, 315). Laerte, père d’Ulysse, qui fut aussi un des Argonautes.

Ancée (8, 315). Ancée (Ankaios, en grec) est un descendant d’Arcas, un Arcadien donc (cfr la note suivante). Frère de Iasos, et donc oncle d’Atalante, il sera, au cours de la chasse vue par Ovide, mortellement blessé à l’aine par une charge du sanglier (8, 391-402).

Parrhasie (8, 315). Parrhasie est une ville d’Arcadie, et Parrhasien est souvent synonyme d’Arcadien (cfr 2, 460).

fils d’Ampyx (8, 316). Il s’agit du Lapithe Mopsos, devin des Argonautes. Ampyx sera cité dans le combat des Lapithes et des Centaures, en 12, 450.

fils d’Oeclès... (8, 316-317). Il s’agit d’Amphiaraos d’Argos, fils d’Oeclès et d’Hypermestre. Ce devin protégé par Zeus et Apollon avait prédit la mort de tous les Argiens qui participeraient à l’expédition contre Thèbes. Mais son épouse, Ériphyle, l’obligea à prendre part à cette expédition, car elle avait été séduite par Polynice, qui lui avait offert le collier d’Harmonie, épouse de Cadmos. Amphiaraos périt donc à cause de son épouse, non sans avoir fait promettre à ses fils de le venger, et d’organiser une seconde expédition contre Thèbes, qui elle sera victorieuse. D’après l’allusion d’Ovide, la trahison d’Ériphyle et les expéditions contre Thèbes se situent après la chasse de Calydon.

Tégéenne... Lycée (8, 317). Le catalogue des participants se termine par le portrait d’Atalante, jeune chasseresse vêtue comme les vierges adeptes de Diane/Artémis. Ovide ne la nomme pas, sa légende étant sans doute bien connue de ses lecteurs. Elle apparaît ici comme originaire d’Arcadie, car Tégée est une ville d’Arcadie et le Lycée une montagne de la même région. Son père était Iasos, un frère d’Ancée (315) et descendant d’Arcas. Déçu qu’elle ne fût pas un garçon, Iasos l’avait exposée sur le mont Parthénion, où elle avait été allaitée par une ourse, puis recueillie et élevée par des chasseurs. Mais d’autres versions rattachaient Atalante au cycle des légendes béotiennes (fille de Schoenée, fils d’Athamas et de Thémisto). Les amours de Méléagre et d’Atalante, qui selon Ovide restèrent très réservées, ne semblent pas connues d’Homère, et ont dû être traitées par les auteurs tragiques athéniens. En tout cas, l’histoire d’Atalante est également racontée par Apollodore, 1, 8, et un autre aspect de sa légende est traité par Ovide en Mét., 10, 560-707.

Lycée (8, 317). Une montagne d’Arcadie dédiée à Pan (Mét., 1, 217 et 1, 698). La mention de cette montagne, comme celle de la ville de Tégée, au même vers, signalent l’origine arcadienne d’Atalante.

héros de Calydon (8, 324). Méléagre.

opposition divine (8, 325). Sans doute parce que Atalante, une adepte de Diane/Artémis, était vouée à la virginité.

Échion (8, 345-346). Cfr 8, 311.

Jason de Pagasa (8, 349). Pagasa, port de Thessalie, d’où appareilla Jason avec le navire Argo (cfr 7, 1 et 8, 302).

fils d’Ampyx (8, 350). Mopsus, devin. Cfr 8, 316.

Hippalmos et Pélagon (8, 360). Deux personnages pas très bien identifiés, le premier faisant d’ailleurs l’objet de variations dans la tradition manuscrite.

Énésime (8, 362-363). Le seul des fils d’Hippocoon cité par son nom (cfr 8, 314).

l’homme de Pylos (8, 365). Nestor (cfr 8, 313).

fils d’Eurytos (8, 371). C’est « Hippase le hardi », nommé sans autre précision au vers 313 (cfr aussi la note au vers 308).

frères jumeaux (8, 372). Castor et Pollux (cfr la mention des Tyntarides en 8, 301-802)

Télamon (8, 378-380). Télamon et Pélée sont deux des fils d’Éaque (cfr n. à 8, 309).

Pélée (8, 380). Pélée et Télamon sont deux des fils d’Éaque (cfr n. à 8, 309).

Tégéenne (8, 380). Atalante (cfr 8, 317-323).

l’Arcadien (8, 391). Ancée (Ankaios en grec), dont il est question en 8, 315.

double hache (8, 391). La hache à double tranchant (« la double hache ») est une arme fort ancienne, dont on retrouve fréquemment l’image dans les restes de palais minoéens en Crète. Il en a été question plus haut (n. à 8, 168) à propos du labyrinthe de Cnossos. On y voit aujourd’hui un symbole royal ou religieux. Ovide, au livre 4, 22, l’a placée dans les mains de Lycurgue, l’ancêtre d’Ancée.

fille de Latone (8, 394). Diane/Artémis. Cfr 8, 278.

Pirithoüs... fils d’Égée (8, 403-410). Pirithoüs et Thésée dont l’amitié est soulignée ici. Cfr n. à 8, 303.

le fils d’Éson (8, 411-413). Jason (cfr 8, 302 et 347-349).

Céladon (8, 412). Nous adoptons dans la traduction la lecture, discutée, de G. Lafaye. Plusieurs personnages portent bien le nom de Céladon, mais il n’apparaît dans aucune des listes conservées des participants à la chasse de Calydon.

fils d’Oenée (8, 414). Méléagre (cfr 8, 273).

Fille de Nonacris (8, 426). Le Nonacris étant une montagne d’Arcadie, l’expression désigne Atalante, l’Arcadienne (cfr au vers 8, 317, la tournure la « Tégéenne, la perle des bois du Lycée » utilisée pour la caractériser). L’adjectif Nonacrinus a été appliqué en 2, 409 à Callisto et en 1, 690 à la nymphe Syrinx.

Thestiades (8, 432). Les oncles de Méléagre, Plexippus et Toxeus (cfr 8, 304 et 8, 440-441).

descendant de Mars (8, 437). Méléagre, généralement désigné comme fils d’Oenée (8, 273 et 414), l’est parfois aussi comme fils de Mars/Arès (par exemple chez Apollodore, 1, 8, 2).

Plexippus et Toxeus (8, 440-441). Les oncles de Méléagre, appelés aussi Thestiades (8, 304 et 8, 432).

Althée (8, 445). Fille de Thestius, épouse d’Oenée, mère de Méléagre (cfr 8, 273 note). Le texte d’Ovide (8, 445ss.) raconte l’essentiel de ce qui est conservé de sa légende (l’histoire du tison). Il se serait inspiré d’une tragédie, non conservée, d’Euripide, intitulée Méléagre, tant pour les faits que pour le monologue intérieur prêté à la mère tiraillée entre son devoir et son amour maternel.

trois sœurs (8, 451-452). Les Moires (en Grèce), les Parques (à Rome), à savoir Clotho, Lachésis et Atropos, les déesses fileuses qui réglaient la destinée de chaque mortel, de sa naissance à sa mort. Cfr Mét., 2, 654, et Fast., 6, 757-758.

la Thestiade (8, 473). Althée (voir 8, 451-452 ; 8, 304, et notes à 8, 272-273).

Euménides (8, 481-482). Les « Euménides » ou « Bienveillantes », désignent par euphémisme les « Érinyes » ou « Furies », déesses de la vengeance, à savoir Tisiphone, Mégère et Allecto. Cfr Mét.,1, 241 ; 4, 474 ; 6, 430, ainsi que Virg., Én., 2, 337-338, 4, 469 et 4, 610 ; 8, 701.

Oenée... Thestius (8, 486-487). Le gendre et le beau-père. Cfr n. à 8, 273.

heureuses blessures d’Ancée (8, 519). Ancée est mort noblement, en affrontant le sanglier, 8, 391-402.

père... frères... sœurs... épouse... mère (8, 521-522). Toute la famille de Méléagre est citée : son père Oenée et sa mère Althée, importants dans le récit, vont respectivement se maudire et se suicider (529-532) ; ses nombreux frères, connus par ailleurs, ne jouent aucun rôle dans ce récit, pas plus que son épouse Cléopâtre, fille de Idas et Marpessa ; certaines de ses sœurs, les Méléagrides, par contre sont évoquées en 535-546.

Événos (8, 528). Nom d’un roi d’Étolie, qui donna son nom au fleuve Lycormas, lequel arrose la ville de Calydon.

un dieu m’eut-il donné... (8, 533-535). Intervention un peu emphatique et assez convenue de l’auteur dans son récit (cfr Fast., 2, 119-120).

Hélicon (8, 535). L’Hélicon est une montagne de Béotie, connue comme le séjour des Muses (cfr 5, 254).

malheureuses sœurs... (8, 535-546). Les sœurs de Méléagre (les Méléagrides) furent métamorphosées en oiseaux (en fait des pintades, ce qu’Ovide ne précise pas), par Diane quand la déesse estima avoir assouvi sa vengeance, et puis transportées dans l’île de Léros. Nous connaissons leurs noms : entre autres Gorgé, Eurymédé, Déjanire, Mélanippé. Selon Apollodore, 1, 8, 1 et 2, Méléagre et Déjanire passent pour être nés respectivement d’Arès/Mars et de Dionysos plutôt que d’Oenée (sans doute Althée avait-elle reçu la nuit de ses noces des visites surnaturelles !). ― La douleur des sœurs de Méléagre et leur métamorphose rappellent les Héliades pleurant leur frère Phaéton (2, 340-366).

Fille de Latone (8, 542). Diane/Artémis, qu’Oenée avait offensée (8, 277-282). Elle est souvent désignée ainsi (cfr par exemple en 8, 278 ; 8, 394).

Parthaon (8, 542). Rappelons (cfr n. à 8, 273) qu’Oenée était le fils de Parthaon (appelé parfois Porthaon et Porthée), le petit-fils d’Agénor et l’arrière-petit fils de Pleuron.

Gorgé et la bru d’Alcmène (8, 543-544). Cfr note à 535-546. Déjanire, fille d’Oenée (ou de Dionysos, dans certaines versions) et d’Althée, avait épousé Héraclès/Hercule, né d’Alcmène et de Jupiter (ou d’Amphitryon, Mét., 6, 112).