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Niobé, comblée sous tous rapports, tire un orgueil démesuré de sa nombreuse progéniture. Sans être impressionnée par le châtiment d’Arachné, elle est la seule parmi les Thébaines à refuser de se plier à l’ordre transmis par la prophétesse Mantô, stipulant d’honorer la déesse Latone (Léto) et ses enfants Apollon et Diane (Artémis). Bien plus, Niobé pousse même les Thébaines à ne pas se soumettre à cette injonction, les engageant à lui rendre à elle, Niobé, un culte comme à une déesse. (6, 146-164)
Dans un plaidoyer où elle s’attarde longuement sur ses propres mérites, son ascendance divine, son pouvoir (elle est l’épouse du roi de Thèbes), sa richesse, sa beauté, et surtout ses quatorze enfants, elle insulte gravement Latone, rappelant les avatars rencontrés par cette déesse au moment de la naissance de ses deux enfants à Délos, et lui faisant grief de leur nombre réduit. (6, 165-203)
146
La Lydie entière frémit ; dans les villes de Phrygie se répand cette rumeur
qui occupe ensuite les conversations dans le vaste monde.
Avant son mariage, Niobé avait connu Arachné,
quand, jeune fille encore, elle habitait la Méonie et le Sipyle.
150
Pourtant, le châtiment de sa compatriote Arachné ne l’incita
ni à s’effacer devant les dieux ni à avoir le verbe moins haut.
Maintes raisons excitaient son orgueil ; mais, ni le talent de son époux,
ni leur naissance à tous deux, ni la puissance de leur vaste royaume,
si plaisants soient tous ces avantages, ne la comblaient autant
155
que sa propre progéniture ; et Niobé aurait été citée comme la mère
la plus heureuse de toutes, n’en eût-elle été persuadée elle-même.
Or, Mantô, la fille de Tirésias, qui avait la prescience de l’avenir,
poussée par une inspiration divine, avait prophétisé par les rues :
« Isménides, allez en foule présenter de pieuses offrandes
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à Latone et aux deux enfants de Latone, de l’encens et des prières,
et entrelacez dans vos cheveux des feuilles de laurier :
Latone vous l’ordonne par ma bouche. » On obéit à cet ordre,
toutes les Thébaines ornent leurs fronts du feuillage prescrit
et en priant font des offrandes d’encens sur les flammes sacrées.
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Voici venir Niobé, très entourée par la foule de ses compagnes,
attirant les regards dans sa tenue phrygienne brodée d’or,
et belle, autant que le permet la colère. Remuant sa tête parée,
et en même temps ses cheveux déployés sur ses épaules,
elle s’arrêta et, portant autour d’elle ses regards orgueilleux,
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déclara, hautaine : « Quelle folie de préférer des dieux
dont on parle à des dieux que l’on voit ? Pourquoi honorer Latone
sur les autels et priver ma divinité d’encens ? Mon père, Tantale,
est le seul qui eut la faveur de s’asseoir à la table des dieux ;
ma mère est une sœur des Pléiades ; mon aïeul est le grand Atlas,
175
qui porte sur sa nuque l’axe du ciel ; mon autre aïeul,
c’est Jupiter, que je m’honore aussi d’avoir pour beau-père.
Les peuples de Phrygie me respectent, le palais de Cadmos
m’a pour maîtresse, et nous régnons en souverains sur les murs
élevés au son de la lyre de mon époux et sur leurs populations.
180
Dans ma demeure, je puis tourner mes regards n’importe où,
j’y contemple d’immenses richesses ; à cela s’ajoute encore
ma beauté, digne d’une déesse ; en plus de cela, sept filles
et autant de jeunes gens, et bientôt des gendres et des brus !
Cherchez maintenant quelle est la cause de notre orgueil,
185
et osez me préférer une Titanide, née de je ne sais quel Céus,
cette Latone à qui jadis la terre, si grande pourtant,
a refusé un petit endroit, quand elle était près de s’accoucher !
Votre déesse ne fut accueillie ni au ciel, ni sur terre ni sur les ondes :
elle fut exclue du monde, jusqu’à ce que, apitoyée par la vagabonde,
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Délos lui dit : “ Nous errons en étrangères, toi, sur terre, moi sur l’eau ”,
et elle lui donna un endroit mouvant. Latone mit au monde deux enfants :
ce n’est que la septième partie de ce qu’ont porté mes entrailles.
Je suis comblée – qui en effet pourrait le nier ? – et comblée je resterai
– de cela aussi qui douterait ? – : l’abondance m’a donné la sécurité.
195
Je suis trop grande pour que la Fortune puisse me nuire,
et dût-elle m’enlever beaucoup, elle me laissera bien davantage.
Les biens qui sont miens désormais sont au-delà de toute crainte.
Imaginez qu’on puisse m’enlever une partie de mes nombreux enfants :
même dépouillée, je ne serai pas réduite à n’en avoir que deux,
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comme Latone ; quelle différence entre elle et une mère sans enfants ?
Arrêtez ce sacrifice, hâtez-vous, et ôtez le laurier de vos cheveux ! »
Les Thébaines obéissent et laissent le sacrifice inachevé ; et tout bas,
chose qui reste possible, elles murmurent des hommages à la divinité.
Latone indignée appelle ses enfants Apollon et Artémis-Diane, qui se rendent aussitôt à Thèbes, pour la venger. (6, 204-217)
Apollon, le dieu archer surprend les sept fils de Niobé en train de faire courir leurs chevaux ou de s’exercer dans la palestre ; il les extermine tous, l’un après l’autre : l’aîné Isménus et Sipyle sont des cavaliers, frappés en pleine action ; Phédimus et Tantale s’affrontent à la lutte, et meurent transpercés par une même flèche ; Alphénor tombe en voulant porter secours à ses frères ; Damasichton, encore enfant, est atteint par deux flèches ; Ilionée, touchant et naïf au point d’apitoyer Apollon, meurt pourtant lui aussi. (6, 218-266)
204
La déesse fut indignée et, tout en haut du Cynthe,
205
elle parla en ces termes avec ses deux enfants :
« Voici que moi, votre mère, fière de vous avoir mis au monde,
et qui ne m’effacerais devant aucune autre déesse que Junon,
je vois ma divinité mise en doute et, sans votre secours, mes enfants,
je suis écartée des autels où j’ai été vénérée tout au long des siècles.
Et ce n’est pas là ma seule douleur ; à cet acte abominable,
la Tantalide a ajouté l’insulte, elle a osé nous placer, vous et moi,
derrière ses enfants, et – que cela retombe sur elle ! – elle m’a traitée
de mère sans enfant, la scélérate, qui a bien la langue de son père ».
Latone allait ajouter à ses paroles des prières, mais Phébus dit :
215
« Arrête ! Se plaindre longuement retarde le moment de sévir ! »
Phébé dit la même chose, et, glissant rapidement à travers les airs,
enveloppés de nuages, ils avaient rejoint la citadelle de Cadmos.
Il y avait près des murailles une plaine unie, largement ouverte,
sans cesse foulée par les chevaux, et dont le sol était ameubli
220
par les passages répétés des roues de chars et des durs sabots.
Là certains des sept fils d’Amphion montent des chevaux vigoureux ;
fermement installés sur les échines parées de rouge pourpre tyrienne,
ils les maîtrisent avec des rênes alourdies par les dorures.
Parmi eux, Isménus, le premier à avoir pesé jadis dans le ventre
225
de sa mère, fait effectuer à son cheval un virage précis,
retenant sa course et maîtrisant sa bouche écumante,
quand il s’écrie : « Malheur à moi ! ». Il reçoit un trait qui s’est fiché
en plein dans sa poitrine, et tandis que sa main mourante lâche les rênes,
il glisse du flanc droit de sa monture et s’écroule lentement de côté.
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Tout proche, lorsqu’il entendit dans l’air un bruit de carquois,
Sipyle relâchait la bride, comme un pilote, pressentant l’orage
à la vue d’un nuage, laisse pendre toutes ses voiles
pour ne pas laisser se perdre le moindre souffle de vent.
Mais il a beau lâcher la bride, un trait imparable l’atteint :
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une flèche vint en vibrant se ficher en haut de sa nuque,
tandis que le fer nu ressortait de sa gorge. Penché en avant,
tel qu’il était, il roule empêtré dans la crinière et les pattes
de son cheval débridé, et son sang tout chaud souille la terre.
Le malheureux Phédimus et l’héritier du nom de son aïeul,
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Tantale, ayant terminé leurs tâches habituelles, étaient passés
aux exercices de la palestre luisante, chers à la jeunesse.
En une lutte serrée, torse contre torse, ils s’étaient déjà affrontés,
lorsqu’une seule flèche, lancée par la corde tendue d’un arc,
les transperça ensemble, tels qu’ils étaient, unis l’un à l’autre.
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Ils gémirent en même temps, en même temps étendirent sur le sol
leurs membres tordus de douleur ; ensemble, gisant à terre,
ils tournèrent leurs derniers regards, et ensemble, ils rendirent l’âme.
Alphénor les aperçoit. Se lacérant et se frappant la poitrine,
il vole vers eux, prêt à soulever dans ses bras leurs membres glacés,
250
mais il tombe en accomplissant ce pieux devoir : le dieu Délien,
d’un trait funeste, lui avait brisé la poitrine en profondeur.
En retirant le trait, on arracha une partie du poumon accroché au fer
et avec le souffle du garçon son sang se répandit dans l’air.
Mais ce n’est pas une simple blessure qui atteignit Damasichton,
255
aux longs cheveux : il avait été frappé à la naissance de la jambe,
et où le jarret nerveux forme une souple jointure
Et tandis que sa main tente d’extraire le trait mortel,
dans son cou s’enfonce une seconde flèche, jusqu’à l’empenne.
Le sang la rejette et, projeté lui aussi en hauteur,
260
il jaillit et s’élance au loin dans l’air où il fraie sa voie.
Le dernier, Ilionée, avait levé les bras, en suppliant, geste inutile,
et avait dit : « Ô dieux, vous que j’invoque tous ensemble »,
– il ignorait que tous ne devaient pas être sollicités –
« épargnez-moi ! » L’archer avait été ému, au moment où déjà
265
il ne pouvait plus rappeler son trait ; mais le coup qu’il asséna
était très atténué, sa flèche n’avait pas percuté profondément le cœur.
Niobé irritée du pouvoir démesuré des dieux s’étonne d’abord de leur audace. Dans un premier temps, elle perd de son arrogance (d’autant que son époux Amphion s’est suicidé de désespoir), et devient pour tous un objet de pitié. Après avoir une dernière fois embrassé les cadavres de ses fils, elle crie sa douleur à Latone, dont elle reconnaît le triomphe, mais très vite son insolence refait surface et, forte des sept filles qui lui restent, elle clame à nouveau sa supériorité sur son ennemie. (6, 267-285)
Aussitôt des flèches atteignent successivement six des filles de Niobé, pendant qu’elles sont en train de pleurer leurs frères ou de soutenir leur mère. Celle-ci renonce définitivement à sa hargne et à son orgueil, supplie Latone de lui laisser sa dernière fille, la plus petite. (6, 286-300)
Sa prière reste vaine. Niobé, seule désormais, accablée de malheurs, subit une métamorphose. Pétrifiée, elle est devenue une statue immobile qui verse des pleurs, et un vent violent la transporte au sommet d’une montagne de sa patrie, où elle continue à pleurer. (6, 301-312)
267
Le bruit de ce malheur, la douleur du peuple et les larmes
de ses proches avertirent la mère de ce désastre si soudain ;
étonnée que cela fût possible, elle s’irritait contre les dieux,
270
qui avaient eu cette audace, qui avaient des droits si étendus.
Quant à Amphion, le père, s’enfonçant une épée dans le cœur,
il avait, par sa mort, mis fin à ses jours comme à sa douleur.
Hélas ! Quelle distance séparait cette Niobé de l’autre Niobé,
celle qui naguère avait écarté le peuple des autels de Latone
275
et, hautaine et enviée par ses proches, avait porté ses pas
à travers la ville ; elle était à présent pitoyable, même pour un ennemi !
Elle se couche sur les corps déjà glacés de ses fils et sans suivre
aucun ordre, leur dispense à tous ses derniers baisers.
Après cela, elle lève vers le ciel ses bras livides :
280
« Cruelle Latone, repais-toi de notre douleur, repais-toi
et rassasie-toi de mes pleurs ! Rassasie ton cœur cruel »,
dit-elle. « Leurs sept convois funèbres m’emportent au bûcher.
Réjouis-toi et savoure ton triomphe, en ennemie victorieuse !
Mais, pourquoi victorieuse ? Dans mon malheur je garde plus de biens
285
que toi, en pleine félicité ; même après tant de deuils, je suis gagnante ! »
Elle venait de parler, et l’on entendit se détendre la corde d’un arc ;
cela effraya tout le monde, à l’exception de la seule Niobé :
le malheur la rend audacieuse. Debout, en vêtements sombres,
les sœurs se tenaient, cheveux défaits, devant les lits de leurs frères.
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L’une d’elles, retirant de ses entrailles un trait qui s’y est fiché,
s’affaisse mourante, le visage posé sur le cadavre de son frère.
Une autre, qui tentait de consoler sa malheureuse mère,
se tut soudain, pliée en deux suite à une blessure invisible.
[Elle ne ferma la bouche qu’après avoir rendu son dernier souffle.]
295
Celle-ci s’écroule, tentant en vain de fuir, celle-là meurt sur sa sœur ;
celle-ci se cache, cette autre, on pouvait la voir trembler.
Six étaient mortes, frappées de coups divers. Restait la dernière.
Sa mère la protégeait de tout son corps, de tous ses vêtements,
et criait : « Laisse m’en une, la plus petite ! De toutes,
300
je ne t’en demande qu’une seule, la plus petite. »
Pendant qu’elle supplie, celle pour qui elle prie, tombe. Esseulée,
Niobé reste assise parmi ses fils et ses filles et son époux sans vie.
Elle se figea dans ses malheurs. Le vent n’agite aucun de ses cheveux,
le sang ne colore plus son visage ; au-dessus de ses joues tristes,
305
ses yeux sont immobiles, rien de vivant n’anime plus son image.
Sa langue même se glace, à l’intérieur de son palais durci,
et ses veines ont cessé de pouvoir bouger ;
sa nuque ne peut plus se fléchir, ni ses bras faire un mouvement,
ni ses pieds marcher ; à l’intérieur aussi ses organes sont pétrifiés.
Pourtant, elle pleure. Enveloppée d’un fort tourbillon de vent,
elle est enlevée vers sa patrie. Là, fixée au sommet d’une montagne,
elle fond en eau, et maintenant encore le marbre verse des larmes.
Le narrateur dit avoir entendu de la bouche d’un témoin une anecdote gravitant autour de la déesse Latone qui, offensée par des paysans lyciens, les châtia. (6, 313-318)
Ce témoin à son tour raconte comment, au cours d’un voyage en Lycie en compagnie d’un guide local, il découvrit, au milieu d’un petit lac, un ancien autel, qui suscita chez son compagnon une sorte de crainte religieuse. Il apprend bientôt que cet autel est dédié à Latone. La malheureuse, enceinte des œuvres de Jupiter, était poursuivie par la hargne jalouse de Junon et, après avoir été accueillie à Délos juste le temps nécessaire pour donner naissance à Apollon et Diane, elle avait à nouveau dû fuir avec ses nourrissons (6, 319-338)
Son errance l’amena épuisée en Lycie, où elle s’approcha d’un petit lac pour se désaltérer, mais les habitants du lieu l’en écartèrent. Alors, en un plaidoyer émouvant, elle fait valoir que l’eau est à tout le monde, qu’elle se présente en suppliante, ne demandant que peu de chose, mais ces cœurs impitoyables la chassent brutalement. (6, 339-365)
La patience de la déesse a des limites : elle maudit ces paysans, qu’elle transforme en grenouilles. (6, 366-381)
313
Dès lors, hommes et femmes redoutent la colère divine,
si manifeste, et tous dépensent plus de zèle pour rendre
315
un culte à la toute puissance de la déesse, mère des jumeaux.
Et, chose courante, un fait récent suscite des récits de faits passés.
L’un des assistants dit : « Dans la Lycie aux champs fertiles aussi,
de vieux paysans ont méprisé la déesse, et ils ont été punis.
L’histoire sans doute est peu connue, vu l’obscurité de leur condition,
320
mais elle est étonnante : j’ai vu sur place l’étang et le lieu que le prodige
a rendus célèbres. Mon père en effet, déjà assez avancé en âge
et incapable de faire le voyage, m’avait chargé de ramener
de là-bas des bœufs de choix et, au moment où je partais
il m’avait lui-même confié à un guide du pays. Avec lui, je parcourais
325
les pâturages, quand, au milieu d’un lac, parmi les roseaux frémissants,
nous voyons se dresser un vieil autel noirci par la cendre des sacrifices.
Mon guide s’arrêta et, saisi d’effroi, murmura : “ Sois-moi favorable ! ”,
et moi, murmurant de même, je dis : “ Sois favorable ! ”
Cependant, comme je demandais si l’autel était consacré aux Naïades,
à Faunus ou bien à un dieu indigène, mon hôte me répondit :
“ Non, jeune homme, nulle divinité montagnarde n’occupe cet autel ;
la déesse qui le revendique est celle à qui l’épouse du roi des dieux
interdit jadis l’univers et qui, suppliant l’errante Délos, eut peine
à recevoir son hospitalité, quand l’île légère nageait sur les flots.
335
Là, prenant appui sur un palmier et un arbre consacré à Pallas,
Latone mit au monde des jumeaux, au grand dépit de leur marâtre.
On raconte que de cet endroit aussi la jeune mère dut fuir Junon,
emportant sur son sein les nouveau-nés, deux dieux.
Au pays de la Chimère, en terre de Lycie, sous un soleil pesant
340
qui brûlait les campagnes, la déesse, épuisée par un long effort
et déshydratée par une chaleur de plomb, se sentit assoiffée ;
ses nourrissons avides avaient épuisé le sein qui les allaitait.
Par hasard elle aperçoit un petit lac à l’eau peu abondante
au fond d’une vallée ; des paysans cueillaient là des brins d’osier
345
garnis de pousses, des joncs et des herbes aimées des marais.
La fille du Titan s’approcha et, à genoux, pesa sur la terre
pour puiser l’eau fraîche qu’elle s’apprêtait à boire.
La bande de paysans l’arrête ; la déesse s’adresse ainsi à eux :
“ Pourquoi m’interdisez-vous l’eau ? L’usage de l’eau est un bien commun.
350
La nature n’a pas fait du soleil un bien propre, ni non plus de l’air
ni des ondes claires : je suis venue vers un don fait à tous,
et pourtant c’est en vous suppliant que je le demande. Pour ma part,
je ne voulais baigner ici ni mon corps ni mes membres épuisés,
mais étancher ma soif. La bouche qui vous parle manque de salive,
355
ma gorge est sèche, et ma voix a du mal à s’y frayer un passage.
Une gorgée d’eau me sera un nectar et, en la recevant, je dirai
que j’ai reçu la vie ; avec cette eau vous aurez donné la vie.
Puissent-ils eux aussi, qui sur mon sein tendent leurs petits bras,
vous émouvoir ”. Car justement les petits tendaient leurs bras.
Qui aurait pu ne pas être ému par les douces paroles de la déesse ?
Les rustres pourtant persistent à écarter ses prières, profèrent
des menaces, si elle ne s’éloigne pas, et ils ajoutent des insultes.
Mais ce n’est pas assez : des mains et des pieds
ils troublent les eaux et ils font remonter la vase molle
365
du fond du lac en sautant méchamment de-ci de-là.
La colère lui fit oublier sa soif. Désormais en effet, la fille de Céus
ne supplie plus des gens indignes et n’accepte plus de tenir
des propos indignes d’une déesse. Les mains levées
vers les astres, elle dit : “ Vivez à jamais dans votre étang ! ”
370
Les désirs de la déesse se réalisent : les paysans se plaisent sous l’eau,
tantôt ils plongent tous leurs membres au creux de l’eau dormante,
tantôt ils sortent la tête, et tantôt nagent à la surface ;
souvent ils s’installent sur le bord de l’étang, souvent aussi
ils replongent dans les eaux fraîches ; mais, maintenant encore
375
ils usent leurs vilaines langues en disputes et, sans pudeur,
même sous l’eau, ils s’essaient sous l’eau à proférer des malédictions.
Leur voix aussi est rauque désormais, leur cou empli d’air est enflé,
et leurs invectives mêmes dilatent leur bouche béante.
Leur dos touche leur tête, leur cou semble avoir disparu,
380
leur échine verdit, leur ventre, partie majeure de leur corps, blanchit,
et ces grenouilles nouvelles bondissent dans un tourbillon fangeux. »
Un autre narrateur évoque ensuite le châtiment infligé par Apollon au satyre Marsyas, écorché vif pour avoir osé prétendre surpasser l’art du dieu en jouant de la flûte, inventée par Minerve. Le satyre fut pleuré par tous ses compagnons, les divinités rustiques, dont les larmes donnèrent naissance à un fleuve de Phrygie, qui s’appelle Marsyas. (6, 382-400)
Pour clore l’histoire de Niobé, Ovide évoque brièvement la légende de son frère Pélops, le seul à avoir pleuré sur les malheurs de sa sœur. (401-411)
Dès qu’un conteur dont j’ignore le nom eut rapporté le sort funeste
des habitants de Lycie, un autre conteur rappelle l’histoire du satyre,
et le châtiment que lui infligea le fils de Latone après l’avoir vaincu
385
à la flûte Tritonienne. « Pourquoi m’arraches-tu à moi-même ? » dit-il,
« Ah ! Comme je regrette ! Une flûte ne vaut pas un tel prix », criait-il.
Et tandis qu’il crie, de haut en bas de ses membres on l’écorche,
il n’est plus qu’une plaie ; le sang suinte de partout,
ses nerfs sont découverts et mis à nu, sans aucune peau,
390
ses veines tremblent et battent ; on pourrait compter les entrailles
qui palpitent et les organes qui transparaissent dans sa poitrine.
Sur lui pleurèrent les Faunes rustiques, divinités des forêts, et ses frères
les Satyres, et Olympos, cher à son cœur même à ce moment,
et les nymphes, et tous ceux qui, dans ces montagnes,
395
faisaient paître des moutons laineux et des troupeaux de bœufs.
La terre fertile, mouillée et détrempée, reçut en son sein
ces larmes qui tombaient et les absorba au fond de ses veines ;
elle les transforma en eau, qu’elle renvoya dans l’air libre.
C’est la source du cours rapide gagnant la mer entre des rives en pente,
400
et qui a pour nom Marsya, le fleuve le plus limpide de Phrygie.
Après de tels récits, le public revient aussitôt au présent
et pleure la mort d’Amphion et de sa descendance.
La mère est prise en haine : un seul être alors, dit-on,
a pleuré sur elle, c’est Pélops. Après avoir dégagé son torse
405
de ses vêtements, il aurait montré l’ivoire de son épaule gauche.
À sa naissance, cette épaule était comme la droite,
de même teinte et faite de chair. Peu après, dit-on, ses membres,
découpés par les mains paternelles, furent rassemblés par les dieux.
Tous furent retrouvés, sauf la partie qui se trouvait entre la gorge
410
et le haut du bras. Pour remplacer le morceau qui avait disparu,
on plaça une pièce d’ivoire, et cela fait, Pélops redevint entier.
Lydie entière (6, 146). Après l’impiété d’Arachné contre Minerve (6, 1-145), Ovide va raconter d’une manière détaillée celle de Niobé à l’encontre de Latone (6, 146-321). L’histoire d’Arachné se déroulait en Lydie, appelée aussi Méonie (cfr 6, 5, ainsi que 3, 583 ; 4, 423). Il est donc normal que ce soit d’abord dans cette région qu’on en parle.
Phrygie (6, 147). Mais le récit du sort réservé à Arachné se répand vite. La Phrygie étant située à l’est de la Lydie, il a donc déjà débordé des limites de sa région d’origine. Ovide va d’ailleurs préciser immédiatement qu’on en parle aussi dans le monde entier. Si les termes géographiques de Lydie et de Phrygie ne sont pas toujours utilisés au sens propre par les auteurs anciens, surtout les poètes, ce n’est pas le cas ici. Le récit est géographiquement cohérent.
Avant son mariage (6, 148). Thèbes, où se déroule l’histoire de Niobé, est très loin de la Lydie, théâtre de l’histoire d’Arachné. Ovide, éprouvant le besoin de lier les deux régions, écrit que les deux femmes se seraient connues en Asie Mineure, avant que Niobé ne devienne l’épouse du roi de Thèbes. La légende faisait de Niobé la fille de Tantale, lequel était précisément roi en Lydie (appelée aussi Méonie). Comme la Lydienne Arachné (6, 5), Niobé provient donc d’Asie mineure.
Niobé (6, 148-312). Fille de Tantale et donc sœur de Pélops, dont on reparlera (6, 404), Niobé épousa Amphion, roi de Thèbes, dont elle eut sept fils et sept filles, le nombre et les noms des enfants variant d’ailleurs selon les versions. Niobé était très orgueilleuse de sa nombreuse progéniture, se déclarant supérieure à Latone, qui n’avait que deux enfants, Apollon et Artémis-Diane. Ceux-ci vengèrent leur mère en tuant tous les enfants de Niobé, Apollon s’occupant des fils, et Artémis des filles. Une version de la légende, évoquée par Ovide (6, 310-312), raconte que Niobé, au comble de la douleur, serait retournée dans sa patrie en Lydie, où l’on montrait, sur un des contreforts du mont Sipyle, le rocher dans lequel elle aurait été tranformée.
Méonie (6, 149). Ancien nom de la Lydie. Cfr 6, 5, ainsi que 3, 583 ; 4, 423.
Sipyle (6, 149). Le Sipyle est un mont de Lydie, au nord de Smyrne, sur la rive gauche de l’Hermos.
son époux (6, 152). Il s’agit du roi de Thèbes Amphion, fils de Zeus-Jupiter et d’Antiopé, fille de Nyctée (« la belle Nyctéide » de 6, 110-111). Son frère jumeau Zéthos et lui furent exposés à leur naisssance par leur grand-oncle Lycos, recueillis et élevés par des bergers. Amphion avait reçu une lyre de la part d’Hermès et s’adonnait à la musique. Devenus grands, les jumeaux vengèrent leur mère, maltraitée par Lycos et Dircé, et régnèrent sur Thèbes qu’ils entourèrent de murailles. Amphion contribua à dresser les murs de Thèbes, en attirant au son de sa lyre les pierres qui s’assemblaient toutes seules. Épouse d’Amphion, Niobé était devenue reine de Thèbes. L’action décrite par Ovide a passé d’Asie Mineure en Grèce.
Mantô (6, 157). Fille du devin Tirésias (3, 316-338), Mantô était une prophétesse célèbre de Delphes. Elle joue dans l’histoire de l’impiété de Niobé un rôle comparable à celui de Tirésias dans l’impiété de Penthée (3, 511-527). Elle prophétise dans les rues, comme une Sibylle.
Isménides (6, 159). Synonyme de Thébaines, l’Isménus étant un fleuve voisin de Thèbes (3, 169 et 3, 733).
Latone... (6, 159-160). Ou Léto en grec. Fille du Titan Coéus, elle conçut de Zeus deux jumeaux, les futurs Apollon et Artémis. Aucun lieu de la terre n’ayant le droit, sur ordre de la jalouse Héra, de l’accueillir pour mettre ses enfants au monde, l’île de Délos (appelée d’abord Ortygie), une île flottante et stérile, dont Héra ne se préoccupait guère, fut la seule à l’accepter et c’est là que naquirent Apollon et Artémis. L’île fut récompensée pour son hospitalité : elle devint stable, maintenue au fond de la mer par quatre colonnes, et changea son nom d’Ortygie en Délos, c’est-à-dire la « Brillante », en l’honneur d’Apollon, le dieu de la lumière. – Latone se plaignit à ses enfants de l’outrage que lui avait infligé Niobé et ils la vengèrent cruellement, comme le racontera Ovide dans la suite de l’épisode. On retrouvera Latone plus loin encore dans l’épisode des paysans lyciens (6, 313- 381).
Tantale (172-173). Fils de Zeus, régnant en Lydie sur le mont Sipyle, père de Niobé et de Pélops (6, 404-411), Tantale est surtout célèbre par le supplice de la privation qu’il subit dans les enfers, pour des raisons qui divergent selon les versions légendaires. Entre autres crimes, il aurait révélé aux hommes des secrets divins, appris lorsqu’il avait été admis à la table des dieux. Voir aussi 4, 458 ; 6, 211.3, 105-106
sœur des Pléiades (6, 174). Dans la version suivie ici, la mère de Niobé était Dioné, non pas une des Pléiades comme telles, mais une sœur des Pléiades. Sur les Pléiades, cfr par exemple Fastes, 3, 105-106 et les notes.
Atlas (6, 174). En tant que sœur des Pléiades, Dioné était donc une petite-fille d’Atlas. Sur Atlas, voir 2, 296 ; 2, 742 ; 4, 627-662.
Jupiter (6, 176). Comme père de Tantale, Jupiter est l’aïeul de Niobé ; comme père d’Amphion, Jupiter est le beau-père de Niobé.
Les peuples de Phrygie me respectent... (6, 177-179). Ces éléments biographiques ont déjà été donnés plus haut dans les notes aux vers 148 et 152. Rappelons que Niobé était la fille de Tantale, roi de Lydie (ou de Phrygie), que par son mariage avec Amphion, elle était devenue la reine de Thèbes, fondée par Cadmos (cfr 3, 1-137) et que Amphion avait contribué à dresser les murailles de Thèbes, en attirant au son de sa lyre les pierres qui s’assemblaient toutes seules.
Titanide... Coéus (6, 185). Latone est la fille du Titan Coéus. Voir note 6, 159-160.
Délos (6, 190). Sur cet épisode de Délos, seul endroit au monde à accueillir Latone qui allait accoucher, et île encore flottante à l’époque, voir note 6, 159-160.
comme Latone... (6, 200-203). Le texte et l’ordre des vers des manuscrits ne paraissant pas clair, ce passage a donné lieu à de nombreuses conjectures. Nous suivons le texte adopté par G. Lafaye chez Budé.
Cynthe (6, 204). Montagne de l’île de Délos, d’où ses liens avec Artémis et Apollon, parfois nommés respectivement « déesse du Cynthe » et « dieu du Cynthe ». Voir 2, 221.
Tantalide (6, 211). Niobé, fille de Tantale. Voir note 6, 172-173.
la langue de son père (6, 213). Pour l’allusion au fait que Tantale ne peut retenir sa langue, cfr note 6, 172-173.
Phébé (6, 216). Autre nom d’Artémis-Diane, sœur d’Apollon-Phébus. Voir 1, 11 et 476 ainsi que 2, 415 et 723.
citadelle de Cadmos (6, 217). C’est-à-dire Thèbes, fondée par Cadmos (voir 3, 1-137). C’est à Thèbes que se situe l’histoire de Niobé, même si, dans le récit d’Ovide, le personnage provient de Lydie et y retourne.
sept fils d’Amphion (6, 221-266). La version la plus courante de la légende attribuait à Niobé et Amphion sept fils et sept filles. Toutefois, on l’a déjà dit plus haut (note à 148-312), les auteurs ne s’accordent ni sur le nombre exact ni sur les noms de ces enfants. Ovide, en décrivant leur massacre successif sous les flèches d’Apollon, nous fournit une liste complète des sept fils : l’aîné, Isménus (224) et Sipyle (231), Phédimus (239) et Tantale (240), Alphénor (248), Damasichton (254), Ilionée (261). Cette liste ne correspond pas complètement à celles transmises notamment par Hygin, Fabulae, 11, ou par Apollodore, Bibliotheca, 3, 5, 6. Peu importe pour nous.
pourpre tyrienne (6, 222). Voir 6, 9, où la pourpre est rattachée à Phocée, et aussi 6, 61.
tâches habituelles (6, 240). Ils avaient fini les exercices d’équitation.
palestre luisante (6, 241). La palestre était l’endroit où se pratiquaient les exercices de lutte et de gymnastique. Le lieu (couvert ?) est qualifié ici de luisant, à cause peut-être de l’huile dont se frottaient les athlètes.
aux longs cheveux (6, 250-251). Trait caractéristique d’un garçon très jeune, encore proche de l’enfance.
et où le jarret nerveux... (6, 256). Traduction reprise à G. Lafaye.
tous ne devaient pas être sollicités (6, 263). Il ignorait sans doute que le meurtrier n’était autre qu’Apollon, le seul qu’il aurait dû implorer.
L’archer avait été ému... (6, 264-266). La compassion d’Apollon paraît quelque peu discutable, assez comparable à celle de Minerve à l’égard d’Arachné (6, 135ss). Selon G. Lafaye, ce trait sentimental semble avoir été ajouté par Ovide à la tradition venue des poètes grecs, de Sophocle aux Alexandrins.
Amphion (6, 271). Voir 6, 152. Toutes les versions de sa mort ne parlent pas d’un suicide de désespoir, comme le fait ici Ovide, qui d’ailleurs ne laisse à Amphion pratiquement aucun rôle dans tout son récit.
les sœurs (6, 289). Ovide consacre très peu de vers à décrire le massacre des sept sœurs, ne prenant la peine de citer ni leurs noms, ni même l’auteur du massacre. En se bornant au texte d’Ovide, on pourrait penser que c’est Apollon qui poursuit son œuvre de justicier, mais selon d’autres sources, plus explicites (par exemple Hygin, Fabulae, 11, ou Apollodore, Bibliotheca, 3, 5, 6), les filles auraient été frappées par Artémis-Diane, et l’une d’elles aurait même échappé à la mort. Visiblement, ici encore Ovide n’hésite pas à prendre ses distances vis-à-vis de la tradition, peut-être pour nous livrer une image tout-à-fait poignante de Niobé, devenue l’incarnation même du malheur absolu pour une mère.
Elle ne ferma... (6, 294). Vers considéré comme interpolé par la plupart des éditeurs.
Elle se figea... (6, 303-312). Ces vers décrivent la métamorphose de Niobé en statue de pierre, ce qui ne constitue pas son châtiment. Son insolence vis-à-vis de Latone et son hybris avaient été déjà punies par la mort de tous les siens. Le récit d’Ovide se situait à Thèbes, et comme, à son époque, on montrait en Lycie un rocher du mont Sipyle dont la forme évoquait l’image d’une femme en pleurs qu’on appelait Niobé, le poète a imaginé que la statue avait été transportée à travers les airs (6, 310-312).
Dans la Lycie... (6, 317-381). La Lycie est une région du sud de l’Asie mineure. L’histoire de la métamorphose des paysans lyciens montre une autre vengeance de la déesse, offensée par l’impiété d’êtres humains, ce qui rappelle à la fois les épisodes de Niobé et d’Arachné. Ce récit se retrouve aussi, avec certaines variantes, chez Antoninus Liberalis, 35, selon qui la déesse, repoussée de la source Mélité par des bouviers, les aurait métamorphosés en grenouilles, puis, escortée par des loups, aurait poursuivi sa route jusqu’au Xanthe, où elle s’était désaltérée et avait baigné ses enfants. C’est elle qui aurait appelé le pays « Lycie », du nom de lykos « loup » en grec. Mais ni Hygin (Fabulae, 55 et 140), ni Apollodore (Bibl.,1, 4, 21) ne semblent évoquer ce voyage de Latone en Asie Mineure, après la naissance de ses enfants à Délos (voir notes à 6, 332 et 333).
Chose courante... (6, 313-318). Le long épisode de Niobé qui vient de s’achever se situait principalement en Béotie et montrait la vengeance cruelle de Latone, mère d’Apollon et Diane (v. 315) à l’égard de celle qui l’avait outragée. Ovide introduit habilement un nouvel épisode qui se serait passé en Lycie (v. 317), région d’Asie Mineure qui rappelle la Lydie d’Arachné (6, 1-25) et de Niobé. Il faut noter ici l’inventivité d’Ovide qui place tout le récit dans la bouche d’un membre anonyme de l’assistance (vers 316). Il en sera de même dans la présentation de l’histoire du satyre Marsyas, un peu plus loin (vers 382).
guide (6, 324). Sans doute un « hôte » lycien du père du narrateur (hospes, v. 330), qui allait aider et renseigner le jeune homme durant son séjour en Lycie. Artifice d’Ovide pour « garantir » ses sources, et varier ses présentations !
Naïades, Faunus... (6, 329-330). Sur les Naïades, des divinités rustiques et secondaires, voir Fastes, 1, 405 ; 1, 512. Sur Faunus, voir Fastes, 2, 193-194 ; 2, 268.
la déesse... (6, 332). Latone. Cfr note à 6, 159-160.
l’errante Délos (6, 333). Voir 6, 185-191 et note à 6, 159-160. Voir aussi Mét., 1, 694 avec la note, ainsi que 5, 499 et 640.
arbre consacré à Pallas (6, 335). L’olivier, qui rappelle l’histoire d’Arachné, en particulier 6, 101-102.
marâtre (6, 336). Junon, réputée pour sa hargne à poursuivre les rejetons des maîtresses, consentantes ou non, de Jupiter.
On raconte que de cet endroit aussi... (6, 337). La version la plus courante de la légende rapporte qu’après la naissance des enfants, Latone se rendit à Delphes, où Apollon exécuta le serpent Python, qui selon une prédiction devait périr d’un fils de Latone (Hygin, Fab., 140). Ovide suit ici une autre version, qui conduit Latone en Asie Mineure, après la naissance de ses enfants.
la Chimère (6, 339-340). La Chimère est un animal fabuleux, à tête de lion, corps de chèvre et arrière-train de serpent, ou à plusieurs têtes, et qui crachait des flammes. Elle serait née de Typhon et Échidna. Ce monstre fut tué par Bellérophon, aidé du cheval Pégase, sur ordre du roi de Lycie, Iobatès (d’après Grimal).
fille du Titan (6, 346). Latone, fille de Céus (v. 6, 185 et 6, 366).
L’histoire de Marsyas (6, 382-400). L’histoire du satyre Marsyas fait intervenir Minerve (Pallas-Athéna), Phébus-Apollon ainsi que la flûte. La double flûte en effet passe pour être une invention d’Athéna. Mais Héra et Aphrodite s’étaient moquées de la déesse quand elles l’avaient vue jouer, et Athéna elle-même avait pu constater, en voyant son reflet dans une fontaine du mont Ida, combien le jeu de cet instrument lui déformait les joues. Aussi l’avait-elle jeté en vouant au pire supplice celui qui le ramasserait. Le satyre Marsyas l’avait pourtant ramassée, et il était même devenu si habile à en jouer qu’il osa défier Apollon dans un concours de flûte et de cithare. Il était convenu entre eux que le vainqueur ferait subir au vaincu le sort qu’il voulait. Apollon joua de la cithare en la tenant à l’envers, puis enjoignit Marsyas d’en faire autant, ce qu’il ne parvint pas à faire. Apollon, décrété vainqueur par les Muses, pendit Marsyas à un pin très haut, lui retira la peau et le fit mourir ainsi. Ovide, dans les Fastes (6, 693-710), raconte assez longuement la version qu’il retient de la légende, tandis que le présent passage des Métamorphoses est beaucoup plus allusif, insistant sur le châtiment infligé par Apollon à Marsyas pour son audace à le défier. Voir aussi notamment Hygin, Fab., 165, et Apollodore, Bib., 1, 4, 2 (21). L’histoire a donné naissance à plusieurs représentations iconographiques, anciennes et modernes : est notamment célèbre un marbre grec d’époque hellénistique au Louvre.
conteur anonyme (6, 382). Tout comme en 6, 317ss, pour l’histoire de la métamorphose en grenouilles des paysans lyciens.
satyre (6, 382). Le nom de Marsya(s) n’apparaît qu’à la fin de l’épisode (vers 400).
fils de Latone (6, 384). Apollon bien sûr. Cette dernière désignation est un rappel de l’épisode de Niobé, où c’est également Latone, la déesse offensée, qui se venge. Le vers 400, en situant l’action en Phrygie, est un autre rappel de l’histoire de Niobé.
Tritonienne (6, 385). Manière de désigner Minerve, pour des raisons discutées (voir 2, 783 et 2, 794).
Olympos (6, 393). Pour plusieurs sources, Olympos est un Phrygien, élève et bien-aimé de Marsyas. Par contre Apollodore, Bib., 1, 4, 2 (21), le présente comme le père de Marsyas.
Marsya (6, 400). Forme latine du nom, il s’agit d’un affluent du Méandre, en Carie, qui, contrairement à ce que dit Ovide, ne se jette pas directement dans la mer, en Phrygie. Les approximations géographiques du poète ne sont pas rares.
Amphion (6, 402). C’est le roi de Thèbes, époux de Niobé et père des enfants massacrés, qui se serait suicidé (6, 152 et 6, 271-272).
la mère (6, 403). La foule rend donc Niobé responsable du drame.
Pélops (6, 404). Niobé était sa sœur. Originaire lui aussi d’Asie Mineure, Pélops serait venu en Grèce où il passe pour l’initiateur des jeux olympiques, mais c’est une tout autre histoire qui retient ici l’attention d’Ovide. Les mythographes racontent en effet que son père Tantale, soit par piété – offrir son fils en victime aux dieux pour remédier à la disette de son peuple –, soit par impiété – pour mettre à l’épreuve la clairvoyance des dieux –, aurait immolé Pélops, découpé en morceaux et offert en repas aux dieux, qu’il recevait à sa table. Les dieux toutefois ne furent pas abusés, sauf Déméter-Cérès, qui, affamée, avait mangé l’épaule gauche du jeune homme, sans s’apercevoir de rien. Ils rendirent la vie à Pélops, et remplacèrent l’épaule manquante par une prothèse d’ivoire. Les différents aspects de la légende de Pélops sont évoqués plus en détail dans la première Olympique de Pindare. – La mythologie connaît plusieurs cas de victimes humaines offertes en repas : notamment l’histoire de l’impie Lycaon et de son esclave molosse en 1, 226-229 ; celle du jeune Itys servi à Térée par Procné et Philomèle, en 6, 637-674, et celle d’Atrée servant à son frère Thyeste les enfants de celui-ci, en 15, 462.