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Quittant la Sicile où il vient de se heurter à l’indifférence de Scylla, le dieu-marin Glaucus se rend sur la côte Tyrrhénienne, chez la magicienne Circé et, lui faisant part de sa passion malheureuse, lui demande de recourir à la magie pour amener Scylla à partager son amour. Circé, qui s’est immédiatement éprise de Glaucus, lui conseille d’oublier Scylla et de se tourner vers elle, mais ses avances à elle aussi sont vaines. (14, 1-39)
Pleine de colère à l’égard de sa rivale, Circé se dirige vers le détroit de Messine et, usant d’herbes et d’incantations, elle contamine l’endroit de repos de la nymphe Scylla. L’effet ne se fait pas attendre : Scylla, au contact des eaux empoisonnées voit une ceinture de chiens hurlants entourer le bas de son ventre et devient un monstre enragé, dont le premier méfait est de provoquer la perte des compagnons d’Ulysse. Bientôt, la nymphe est transformée en un écueil, redouté des marins. (14, 40-74)
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Et déjà l’Etna, qui repose sur la gorge d’un Géant,
et les champs des Cyclopes, qui ignorent l’usage de la herse
et la charrue et qui ne doivent rien à des attelages de bœufs,
avaient été délaissés par l’Eubéen, hôte des eaux gonflées par la houle.
Délaissés aussi étaient Zanclé, et les murailles de Rhégium lui faisant face,
ainsi que le détroit briseur de navires, serré entre deux rivages
et touchant aux confins des terres d’Ausonie et de Sicile.
De là, Glaucus, fendant de sa large main les flots Tyrrhéniens,
rejoint les collines herbeuses et le palais de la fille du Soleil,
Circé, dont les cours regorgent de bêtes sauvages variées.
Dès qu’il la vit, après un échange de salutations, il dit :
« Déesse, je t’en prie, aie pitié d’un dieu ; car toi seule,
tu peux soulager mon amour, si du moins je t’en parais digne.
Personne, ô fille du Titan, ne sait mieux que moi combien grande
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est la puissance des herbes, car elles m’ont métamorphosé.
Pour que tu n’ignores pas la cause de ma fureur,
sache que sur le rivage d’Italie, face aux remparts de Messine,
Scylla m’est apparue ; je rougis de rappeler mes promesses
et mes prières, et les flatteries et les paroles qu’elle a dédaignées.
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Toi donc, s’il existe une incantation au pouvoir souverain,
prononce-la de ta bouche sacrée ; ou s’il est une herbe plus active,
utilise les vertus éprouvées de cette plante efficace.
Je ne te demande pas de me guérir ni de soigner ma blessure,
nul besoin d’y mettre fin ; puisse cette nymphe partager ma flamme. »
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Alors Circé – nulle autre n’a un tempérament plus enclin
à s’enflammer de la sorte, que cette passion lui soit propre
ou vienne de Vénus offensée d’avoir été dénoncée par son père, –
lui répond ceci : « Tu ferais mieux de rechercher une amie consentante,
qui partage tes souhaits, et soit prisonnière de la même passion.
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Tu méritais et tu aurais pu, c’est sûr, être imploré le premier ;
et, si tu le laisses espérer, crois-moi, tu seras imploré.
Ne doute pas de toi, et sois confiant en ta beauté.
Moi par exemple, qui suis déesse et fille du Soleil éclatant,
si puissante par mes plantes et mes incantations,
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mon vœu est d’être à toi. Méprise celle qui te méprise, poursuis
qui te poursuit et, te vengeant de l’une, du même coup venge l’autre. »
À de telles tentatives de Circé, Glaucus répondit :
« Des feuillages pousseront sur la mer et des algues sur les monts
avant que mes amours ne changent d’objet, tant que vivra Scylla. »
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La déesse est indignée, et comme elle aimait Glaucus et ne pouvait
ni ne voulait le blesser, elle tourne sa colère contre la rivale
qui lui a été préférée. Offensée de voir son amour repoussé,
elle broie aussitôt des herbes infectes aux sucs effroyables,
et joint à la mixture obtenue des incantations à Hécate.
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Elle s’enveloppe de voiles bleu sombre et traversant les rangs
des fauves qui l’adulent, elle sort du milieu de la cour,
et gagnant Rhégium qui fait face à la rocheuse Zanclé,
elle s’avance sur les eaux qui bouillonnent sous la houle.
Elle y pose les pieds comme sur de la terre ferme
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et gardant les pieds secs court à la surface des flots.
Une petite grotte, aux voûtes arrondies en arcs, offrait à Scylla
un havre agréable, où elle s’abritait des ardeurs de la mer et du ciel,
lorsque le soleil, au milieu de sa course, était le plus ardent,
et du haut du ciel réduisait presque à rien les ombres.
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La déesse se met à souiller et à infecter de poisons maléfiques
cet endroit ; elle l’asperge des sucs pressés d’une racine toxique.
Puis sa voix de magicienne murmure une formule obscure,
salmigondis de termes inconnus, répétés neuf fois à trois reprises.
Arriva Scylla. Elle était descendue dans l’eau jusqu’à la taille
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quand elle remarqua ses aines défigurées par d’horribles monstres hurlants.
Sans croire d’abord qu’ils faisaient partie de son corps,
elle recule et chasse ces chiens à la gueule menaçante
qui lui font peur ; mais elle entraîne avec elle ce qu’elle fuit,
et en cherchant sur son corps, ses cuisses, ses jambes et ses pieds,
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elle trouve à leur place des gueules béantes de Cerbères.
Elle tient debout grâce à ces chiens enragés, et les aines mutilées,
les flancs proéminents, elle domine les échines soumises des bêtes.
Glaucus, qui l’aimait, pleura et se déroba à l’union avec Circé
qui avait usé des vertus des plantes avec trop d’hostilité.
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Scylla resta sur place, et dès que s’en présenta l’occasion,
elle priva Ulysse de ses compagnons par haine pour Circé.
Bientôt elle aurait englouti les vaisseaux des Troyens,
si elle n’avait été transformée en un rocher, qui se dresse
de nos jours encore. Même rocher, Scylla rebute les marins.
Avant d’aborder en Italie, Énée, qui avait échappé à Charybde et à Scylla, fut repoussé par la tempête vers la Libye. Ovide évoque très rapidement divers épisodes du périple d’Énée, d’après Virgile (Carthage, Aceste et l’hommage à Anchise, incendie des vaisseaux, les îles d’Éole et des Sirènes, etc.), avant de terminer son énumération par la mention de l’île de Pithécuses, et la description de la métamorphose de ses habitants en singes. (14, 75-100)
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Dès que les vaisseaux troyens furent venus à bout de cet écueil
et de l’insatiable Charybde, quand ils étaient déjà tout près
du rivage d’Ausonie, ils sont repoussés par le vent vers la côte libyenne.
C’est là, dans son cœur et dans sa demeure, que la reine accueille Énée,
elle qui n’allait pas supporter la séparation d’avec son époux phrygien,
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la Sidonnienne qui, en imaginant un sacrifice, fit dresser un bûcher,
se coucha sur une épée et, trompée elle-même, trompa tout le monde.
À nouveau en fuite, loin des nouveaux murs de cette terre sableuse,
Énée est ramené au siège d’Éryx, chez le fidèle Aceste,
où il offre un sacrifice en hommage au tombeau de son père.
Ensuite, il détacha les navires qu’Iris, messagère de Junon,
avait presque brûlés, et laissa derrière lui le royaume
du fils d’Hippotès et les terres fumantes de soufre brûlant
et les rochers des Sirènes, filles d’Acheloüs. Privé de pilote,
son bateau longe Inarimé et Prochyté, ainsi que Pithécuses
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sur sa colline aride, ainsi appelée d’après le nom de ses occupants.
En effet, le père des dieux avait autrefois pris en haine la duplicité,
les parjures et les forfaits de cette perfide race des Cercopes.
Il les transforma en animaux difformes, pour qu’ils puissent
paraître à la fois semblables à des hommes et différents d’eux :
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il contracta leurs membres, leur aplatit le nez qu’il retroussa
à partir du front, sillonna leurs visages de rides de vieille femme,
couvrit entièrement leurs corps de poils de couleur fauve,
et les envoya occuper ces lieux. Avant cela, il leur avait enlevé aussi
l’usage de la parole et de leur langue, née pour l’odieux parjure,
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ne leur laissant qu’un cri rauque et strident pour se plaindre.
De l’île des Singes, Énée se rend à Cumes, où sa réputation d’homme valeureux lui vaut la faveur de la Sibylle à qui il a demandé de pouvoir visiter dans l’Averne les mânes de son père. La Sibylle lui fait couper un rameau d’or, lui permettant l’accès au royaume des morts et la possibilité d’apprendre de la bouche d’Anchise les lois de l’au-delà et d’autres révélations sur les dangers qui l’attendent encore sur terre. Après quoi, il quitte le monde souterrain en compagnie de la prêtresse. (14, 101-121)
Chemin faisant, il promet à la Sibylle de lui élever un temple pour lui montrer sa reconnaissance. Précisant qu’elle n’est pas une divinité, la Sibylle lui raconte son histoire : elle inspira un jour une vive passion à Apollon qui, pour la séduire, lui proposa d’accomplir le vœu qu’elle choisirait ; elle souhaita vivre autant d’années qu’il y avait de grains de poussière dans une poignée de sable, sans spécifier qu’il s’agissait d’années de jeunesse. Le dieu, qui n’était pas arrivé à la séduire, tint pourtant sa promesse. C’est ainsi que la Sibylle, âgée de sept siècles déjà, toujours solitaire et vierge, doit encore vivre trois cents années avant de n’être plus qu’une voix. (14, 122-153)
Après avoir dépassé ces îles et laissé sur sa droite les remparts
de Parthénope et sur sa gauche le tombeau de l’Éolide à la voix sonore,
ainsi que des lieux pleins d’eaux marécageuses, il pénètre
sur le rivage de Cumes, dans l’antre de la Sibylle chargée d’ans,
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et demande à se rendre par l’Averne auprès des mânes de son père.
Mais elle garda longtemps son regard fixé vers la terre, le leva,
et finalement après avoir reçu le dieu, saisie par une transe, elle dit :
« C’est beaucoup demander, ô héros magnifié par tes exploits :
ton bras a illustré ton épée, les flammes ont démontré ta piété.
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Mais, cesse d’avoir peur, Troyen ; ta requête sera satisfaite
et sous ma conduite, tu connaîtras les demeures de l’Élysée,
le dernier royaume de l’univers et l’ombre chérie de ton père.
À la vertu, nulle route n’est inaccessible. » Elle se tut,
montra dans la forêt consacrée à la Junon de l’Averne
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un rameau aux brillants reflets d’or, et lui ordonna de l’arracher
au tronc qui le portait. Énée obéit et du redoutable Orcus
il vit la puissance ; il vit aussi ses ancêtres et l’ombre
du vieux et magnanime Anchise ; il apprit aussi les lois de ces lieux
et tous les périls qu’il devrait affronter dans de nouvelles guerres.
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Ensuite, portant ses pas fatigués sur le sentier qui lui faisait face,
il trompe la fatigue en conversant avec sa guide cuméenne.
Tout en suivant une route effrayante, dans une obscurité épaisse, il dit :
« Que tu sois une vraie déesse, ou une personne bénie des dieux,
pour moi tu seras toujours comme une divinité. Je proclamerai
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ma dette envers toi, qui m’as conduit au royaume de la mort,
et qui, après ma visite, as bien voulu que je m’en échappe.
Pour ces bienfaits, une fois rentré dans les espaces où l’on respire,
je t’érigerai un temple et t’offrirai de l’encens pour t’honorer. »
La prêtresse se retourna vers lui, poussa de profonds soupirs, disant :
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« Je ne suis pas déesse, et ne va pas juger une simple mortelle
digne d’offrandes d’encens. Pour t’éviter une erreur, sache toutefois
que la lumière éternelle, qui n’aura pas de fin, m’aurait été accordée,
si j’avais offert ma virginité à Phébus, qui s’était épris de moi.
Tandis qu’il espérait me déflorer et cherchait par des présents d’abord
à me séduire, il dit : “ Vierge de Cumes, fais le vœu que tu souhaites ;
il sera exaucé. ” Alors, j’ai ramassé une poignée de poussière
la lui ai montrée et, futile que j’étais, j’ai demandé à vivre
autant d’années que mon poing comptait de grains de poussière ;
j’ai oublié de demander aussitôt que ce soit des années de jeunesse.
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Pourtant il me les donnait, ces années et l’éternelle jeunesse,
si je subissais son amour, mais j’ai dédaigné le présent de Phébus,
et je continue à rester vierge. Maintenant l’âge heureux
m’a tourné le dos et, de son pas tremblant, arrive l’amère vieillesse
bien longue à supporter. J’ai déjà vécu sept siècles, tu le vois ;
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il me reste, pour égaler le nombre des grains de poussière,
à voir trois cent moissons, à vivre trois cent vendanges.
Le temps viendra où, toute grande que je sois, je rapetisserai
au fil des jours, et où mes membres usés par la vieillesse
pèseront un poids infime. Nul ne croira que j’ai été aimée
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par un dieu, à qui j’ai plu. Peut-être Phébus lui-même
ne me reconnaîtra-t-il plus, ou niera-t-il m’avoir aimée,
tant j’aurai changé. Invisible pour tous, je ne serai
reconnue que par ma voix ; ma voix, les destins me la laisseront. »
Etna... Géant... Cyclopes... (14, 1-2). L’Etna est censé peser de toute sa masse sur la tête du Géant Typhée ou Encélade (cfr Mét., 5, 346-355 et Én., 3, 578). Sur les Cyclopes et l’Etna qui servent ici à désigner la Sicile, on pourra se reporter à Virg., Én., 3, 554-587, avec les notes.
Eubéen (14, 4). C’est Glaucus, un pêcheur venu d’Eubée, dont Ovide a traité dans le livre précédent (13, 898-968, avec note à 905-906). Il avait été métamorphosé en divinité marine, avant de s’éprendre de la nymphe Scylla. Quittant la Sicile, il va se rendre chez la magicienne Circé, en vue d’obtenir son aide pour conquérir l’amour de Scylla.
Zanclé... Rhegium (14, 5). Zanclé, l’ancien nom de Messine, est en Sicile, et Rhegium, de l’autre côté du détroit, en Italie, appelée ici Ausonie. C’est dans le détroit de Messine que se trouvent les écueils redoutés de Charybde et Scylla.
Ausonie (14, 7). C’est l’Italie.
Circé (14, 10). Célèbre magicienne, fille du Soleil, fils du Titan Hypérion, qui s’est établie dans l’île d’Éa (Aea), près du promontoire de Circéi, sur la côte tyrrhénienne. Cfr n. à 13, 968. Elle avait notamment le pouvoir de transformer les hommes en bêtes (cfr Homère, Od., 10, 210ss).
Scylla (14, 18). Avant de devenir l’écueil redouté, Scylla était la nymphe dont s’était épris Glaucus (13, 898-968).
Vénus offensée (14, 27). Allusion à la rancune de Vénus à l’égard du Soleil/Hélios/Hypérion, père de Circé. C’est en effet le Soleil qui avait dénoncé les amours coupables de Vénus/Aphrodite avec Mars/Arès. Cfr Mét., 4, 169-189.
du même coup... (14, 36). Fais d’une pierre deux coups, en punissant Scylla de son dédain et en vengeant Circé.
Hécate (14, 44). Divinité liée à la magie et aux enchantements. Cfr par exemple Mét., 7, 74 et 7, 94.
gagnant Rhégium (14, 47). Dans le détroit de Messine, en face de Zanclé. Cfr 14, 5.
Arriva Scylla... (14, 59-67). Le résumé de Hygin, Fab., 199, sur la métamorphose de Scylla, est en accord avec la version retenue ici par Ovide. Mais selon d’autres versions, cette métamorphose serait l’œuvre d’Amphitrite, jalouse de l’intérêt que Scylla avait inspiré à Poséidon.
elle priva Ulysse... (14, 71). Cfr Homère, Od., 12, 245-259.
Dès que les vaisseaux troyens... (14, 75-81). Ces quelques vers évoquent des passages de l’Énéide. Dans le chant I, Virgile relate l’arrivée d’Énée (= l’époux phrygien, c.à.d. troyen, du v. 79) à Carthage (= les côtes libyennes du v. 77), et dans le chant IV, il raconte les amours d’Énée avec la reine Didon provenant de Sidon, en Phénicie (= la Sidonnienne du v. 80), laquelle s’était suicidée de désespoir en se jetant sur une épée, lorsque le héros l’avait quittée.
Éryx... Aceste (14, 83). Chez Virgile, Énée, en quittant Carthage, s’arrête de nouveau en Sicile, où il est accueilli par Aceste, non loin du mont Éryx. Cfr Én., 5, 21-41, avec les notes.
Iris... Junon (14, 85-86). Allusion au célèbre épisode de l’incendie des vaisseaux par les femmes troyennes, inspirées par Junon, qui leur avait suggéré ce geste par l’intermédiaire d’Iris, sa fidèle messagère (cfr Én., 5, 604-663, avec les notes).
fils d’Hippotès (14, 86). Le fils d’Hippotès est Éole, le roi des vents, qui règne sur les îles Lipari (cfr Mét., 4, 663, avec d’autres liens, et aussi Mét., 11, 431).
Sirènes... (14, 86). Les Sirènes, filles d’Acheloüs, étaient censées habiter dans un groupe d’îlots voisins de Capri. Sur les Sirènes, cfr Mét., 5, 556 et Én., 5, 864.
terres fumantes (14, 87). Allusion aux solfatares de la côte campanienne voisine de Cumes.
privé de son pilote (14, 88). Palinure, le pilote d’Énée, mourut par la volonté du dieu Sommeil (cfr Én., 5, 827-871).
Inarimé et Prochyté (14, 89). Respectivement les îles actuelles d’Ischia et de Procida, citées par Virgile, Én., 9, 715-716, dans le contexte de la geste de Turnus.
Pithécuses... (14, 90). Les Grecs donnaient ce nom à une île en face de Naples, et à la ville qui se dressait au sommet d’une colline. Le mot grec pithèkos veut dire « singe », et il ne serait pas exclu que des singes aient été apportés dans l’île depuis la côte nord de la Tunisie (P. Ruby, dans Dictionnaire de l’Antiquité de J. Leclant, Paris, 2005, p. 1737). Pour Ovide, l’île devrait son nom à la métamorphose de ses habitants en singes. On rencontre aussi l’orthographe Pithécusses.
Cercopes... (14, 93). L’histoire des Cercopes ne manque pas de sel. Ce sont deux frères, nés de l’Océanide Théia qui les avait mis en garde contre un être « aux fesses noires ». Brigands, ils détroussaient et mettaient à mort les passants. Un jour ils voulurent s’en prendre à Héraclès endormi au bord d’une route, mais le héros se réveilla, les maîtrisa et les attacha tous les deux par les pieds aux extrémités d’un long bâton qu’il transporta sur ses épaules. Au fil du trajet, les deux frères n’arrêtèrent pas de rire. « Leur position leur permettant de voir ce qu’il y a sous la peau de lion [qui habille Héraclès], les deux frères trouvent très drôle que les fesses d’Héraclès soient noires, complètement brunies par le soleil. Ils se rappellent alors l’avertissement de leur mère. L’enjouement des gnomes est contagieux, et Héraclès les relâche - comme quoi, la mise en garde maternelle n’était pas fondée » (J.-Cl. Belfiore). Leur vie de rapines et de brigandage, ainsi que leurs incessantes facéties, indisposèrent Zeus/Jupiter, qui les métamorphosa en singes. Selon les auteurs, on les trouverait dans la région des Thermopyles (Hérodote), ou en Lydie (Apollodore), ou encore - c’est la version d’Ovide - sur une des îles du Golfe de Naples. En tout cas, il n’est question de Cercopes ni chez Homère ni chez Virgile.
Parthénope (14, 101-102). C’est-à-dire Naples, ainsi nommée d’après la Sirène Parthénopé, dont le corps avait échoué sur le rivage napolitain, où s’éleva plus tard la ville de Naples.
l’Éolide (14, 102). C’est Misène, fils d’Éole, dieu des vents (ou fils d’un Troyen nommé Éolus). Trompette d’Énée, il périt pour avoir défié Triton. Énée dut se purifier de la mort de Misène pour pouvoir accéder au monde des morts ; le tumulus que lui aurait dressé Énée aurait donné son nom au cap Misène. (Virgile, Én., 6, 149-235, avec les notes).
Cumes... la Sibylle... (14, 104-153). Dans tout ce passage, Ovide a comme fil conducteur Én., 6, 1-263, à quoi on se reportera pour comparer l’apport d’Ovide à la version de Virgile qu’il considère à juste titre comme ultra-connue. Cfr en particulier la note à Én., 6, 2.
Averne... Mânes de son père (14, 105). La descente d’Énée aux enfers (Én., 6, 268-901) est très brièvement résumée par Ovide. Sur le lac Averne, considéré comme une entrée vers les enfers, cfr Én., 6, 118 (avec d’autres liens). Énée désirait consulter son père Anchise, mort en Sicile, et dont il espérait rencontrer les Mânes.
bras... flammes (14, 109). Énée a combattu vaillamment lors de la chute de Troie. Il est sorti indemne de l’incendie, manifestant d’une façon éclatante sa piété en sauvant son fils, son père et les pénates de la ville. Cfr Mét., 15, 441.
Junon de l’Averne... rameau... (14, 114-116). C’est-à-dire Perséphone/Proserpine, l’épouse d’Hadès/Pluton, qui règne sur les Enfers, « le dernier royaume de l’univers » (v. 111). Sur le rameau d’or, cfr Én., 6, 185-211.
Orcus (14, 116). Autre nom de Hadès/Pluton. Cfr Én., 6, 273.
un temple (14, 128). Il n’existe pas à Rome de temple dédié comme tel à la Sibylle. Ovide, comme Virgile (Én., 6, 69ss) fait allusion au temple d’Apollon élevé sur le Palatin par Auguste. Les livres Sibyllins avaient été placés dans le piédestal de la statue du dieu.
sache... (14, 132-153). Cette légende concernant Phébus et la Sibylle n’est pas présente chez Virgile. Mais le commentaire de Servius (ad Aen., 6, 321) y fait allusion.