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Minerve quitte Persée et se rend sur l’Hélicon, où l’attire le renom de la source de Pégase. Les neuf Muses, et singulièrement Uranie, l’accueillent avec admiration. L’une d’elles se met à raconter comment Pyrénée, décrit comme un impie, voulut les violer au cours de leur voyage vers le mont Parnasse, et comment elles s’envolèrent pour lui échapper, en provoquant indirectement la mort de l’hypocrite. (5, 250-293)
Ensuite, une muse, dont le nom n’est pas cité, apprend à Minerve que les pies, dont le bavardage intrigue la déesse, étaient antérieurement les neuf filles de Piérus. Ces Piérides, fières et sûres d’elles, étaient venues défier les Muses en leur proposant un concours de chant arbitré par des nymphes, concours dont l’enjeu était la possession des sources de l’Hélicon et des plaines de l’Émathie. (5, 294-314)
Jusqu’alors la Tritonienne avait accompagné son frère
né d’une pluie d’or ; maintenant, au creux d’un nuage qui l’entoure,
laissant sur sa droite Cythnos et Gyaros, elle quitte Sériphos,
et, par-dessus la mer, par la voie qu’elle juge la plus courte,
gagne Thèbes et l’Hélicon, séjour des Vierges. Arrivée sur ce mont,
elle s’y arrêta et s’adressa en ces termes aux doctes sœurs :
« Le renom d’une source nouvelle est parvenue à mes oreilles,
source que fit jaillir le dur sabot du rapide coursier né de Méduse.
C’est la raison de mon voyage ; j’ai voulu voir ce fait miraculeux ;
j’ai vu naître Pégase en personne du sang de sa mère. »
260
Uranie l’interrompit : « Quel que soit le motif qui te pousse
à visiter notre demeure, ô déesse, tu emplis notre cœur de gratitude.
Mais l’histoire est vraie, et à l’origine de cette fontaine, il y a Pégase » ;
et elle conduisit Pallas près des ondes sacrées. Longtemps
la déesse admira les ondes nées des coups frappés par un sabot,
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puis, examinant autour d’elle les bois sacrés de l’antique forêt
et ses grottes et ses plantes variées aux innombrables fleurs,
elle proclame heureuses tant pour leur ardeur que pour leur séjour
les filles de Mémoire. L’une d’elles lui adressa ainsi la parole :
« Si ta valeur ne t’avait portée à des travaux plus grandioses,
ô Tritonienne, tu serais venue faire partie de notre chœur,
tu dis vrai, et tu as raison de louer nos arts et ce lieu ;
et, pourvu que nous soyons protégées, notre sort est agréable.
Mais le crime ne recule devant rien, et à des esprits de jeunes filles,
tout fait peur ; le sinistre Pyrénée, toujours présent sous mes yeux,
275
m’obsède et je n’ai pas encore repris tous mes esprits.
Ce prince cruel s’était emparé avec son armée thrace
de Daulis et des champs de Phocide, où il régnait en usurpateur.
Nous rejoignions nos demeures du Parnasse ; il nous vit
au passage et, célébrant hypocritement notre divinité, il dit :
“ Filles de Mémoire ” - il nous avait reconnues -, “ arrêtez-vous,
je vous prie, n’hésitez pas à chercher sous mon toit un abri contre la pluie
- il pleuvait - et l’accablant soleil ; souvent, de grands dieux ont pénétré
dans des maisons plus petites. ” À ces mots et vu le mauvais temps,
nous acceptons et franchissons le seuil de son palais.
285
La pluie avait cessé, et l’Aquilon avait vaincu l’Auster,
les nuages sombres fuyaient le ciel nettoyé. Notre désir était de partir ;
Pyrénée ferme ses portes, se prépare à nous faire violence,
mais nous prenons nos ailes et nous nous échappons.
Lui, dressé en haut de sa citadelle, comme pour nous suivre, dit :
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“ La voie que vous prenez sera la aussi la mienne ” ;
et, dans sa folie, il se jette du sommet d’une tour,
tombe face en avant et, les os du visage fracassés,
mourant, il heurte le sol qui se teinte de son sang criminel. »
La muse parlait ; on entendit dans les airs des battements d’ailes,
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et du haut des branches parvenaient des voix qui adressaient des saluts.
La fille de Jupiter lève les yeux, cherche quelles langues rendent
des sons si clairs, pense avoir entendu parler un être humain.
C’était un oiseau. Au nombre de neuf, déplorant leurs destins,
des pies, universelles imitatrices, s’étaient posées sur les branches.
300
À la déesse étonnée, l’autre déesse explique : « Récemment,
vaincues lors d’un concours, ces dernières accrurent la gent ailée.
Le riche Piérus les avait engendrées dans les campagnes de Pella ;
leur mère était Evippé de Péonie ; celle-ci, à neuf reprises
sur le point d’accoucher, invoqua neuf fois la puissante Lucina.
Les sœurs s’enorgueillirent stupidement de leur famille nombreuse,
traversèrent d’innombrables villes d’Hémonie et d’Achaïe,
et arrivèrent ici, où elles nous provoquèrent en ces termes :
“ Cessez d’abuser la masse inculte avec des chants doucereux et vides ;
mesurez-vous à nous, si vous avez quelque confiance en vous,
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déesses de Thespies. Ni votre voix, ni votre talent ne triompheront,
et nous vous égalons en nombre. Si vous êtes vaincues, vous cédez
les sources du fils de Méduse et d’Aganippè des Hyantes,
sinon, nous vous céderons les plaines d’Émathie, jusqu’à la Péonie
aux champs enneigés ! Que les nymphes départagent les concurrentes ! ”
La muse rapporte ensuite la prestation de la porte-parole des Piérides, laquelle chante la mise en fuite des dieux du ciel par le Géant Typhée et leur arrivée en Égypte, où diverses métamorphoses leur avaient permis d’échapper à leur agresseur. (5, 315-331)
Après une brève transition, la narratrice retrace la contribution de Calliope, représentante des Muses. Après un hommage à Cérès, déesse de l’agriculture, Calliope transporte le lecteur en Sicile : l’île écrase sous sa masse le Géant Typhée, dont les soubresauts inquiètent et attirent sur terre le roi des enfers. (5, 332-361)
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Certes, c’était une honte de lutter, mais céder nous parut pire ;
les nymphes désignées jurent par les fleuves et occupent
des sièges faits de pierre vive. Alors, sans tirage au sort,
la première des Piérides, qui se déclara prête à concourir,
chante les guerres des dieux d’en haut, attribuant aux Géants
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une gloire fallacieuse et rabaissant les exploits des grands dieux.
Selon elle, Typhée s’élança des profondeurs de la terre
et terrorisa les dieux célestes, qui tous tournèrent le dos
et s’enfuirent, jusqu’à ce que, épuisés, ils soient recueillis
par la terre d’Égypte et le Nil, qui se répartit en sept embouchures.
325
Elle raconte que Typhée, né de la terre, arriva lui aussi en ce lieu,
et que les dieux se cachèrent sous des figures trompeuses :
“ Jupiter, dit-elle, devint un chef de troupeau ; c’est pourquoi,
maintenant encore, Ammon de Libye porte des cornes recourbées ;
Le Délien se mua en corbeau ; le fils de Sémélè, en bouc,
330
la sœur de Phébus, en chatte, la Saturnienne, en vache neigeuse ;
Vénus se déguisa en poisson, le dieu du Cyllène sous des ailes d’ibis. ”
Ainsi avait chanté la Piéride, accompagnant sa voix à la cithare.
À notre tour, filles d’Aonie, de concourir ; mais peut-être le temps
te manque-t-il et n’es-tu pas libre de prêter l’oreille à nos chants. »
- « Rassure-toi et rapporte-moi votre chant, du début à la fin ! »,
dit Pallas, en prenant place à l’ombre agréable d’un arbre.
La muse reprend : « Nous confions à une seule de nous
l’ensemble du concours. Les cheveux resserrés par une tige de lierre,
Calliope se lève, effleure d’abord du pouce les cordes plaintives
puis elle les frappe pour accompagner le chant que voici :
« Cérès la première remua la glèbe à l’aide d’une charrue recourbée,
la première, elle donna à la terre des moissons et une nourriture douce,
la première, elle donna des lois ; tout est don de Cérès ;
c’est elle que je dois chanter. Puissé-je au moins chanter des poèmes
345
dignes de la déesse ! Car, c’est une déesse digne d’être chantée.
Une île immense a été jetée sur les membres d’un géant,
la Trinacrie : de sa masse énorme elle presse et écrase
Typhée, qui eut l’audace d’espérer le séjour céleste.
Il fait bien des efforts et souvent tente de se relever,
350
mais sa main droite est placée sous le Péloros Ausonien,
la gauche, sous ton poids, ô Pachynos ; Lilybée écrase ses jambes,
sur sa tête repose l’Etna, sous lequel il est couché à la renverse,
le cruel Typhée, à la bouche crachant du sable et vomissant le feu.
Souvent il lutte, cherche à déplacer de lourdes masses de terre,
355
à faire s’écrouler les cités et les hautes montagnes pesant sur son corps.
Cela fait trembler la terre, et même le roi des morts silencieux
craint de voir le sol s’ouvrir et un large trou mettre tout à nu :
ainsi le jour s’introduirait et terroriserait les ombres tremblantes.
Dans la crainte de ce désastre, le souverain avait quitté
360
son séjour ténébreux et, porté sur son char attelé de noirs chevaux,
il faisait le tour de la terre sicilienne, surveillant ses fondements.
Dis, le souverain des enfers, s’attardant en Sicile, éveille l’attention de Vénus Érycine, toujours soucieuse d’étendre son empire. Dès lors, elle charge Cupidon de rendre Pluton amoureux de Proserpine, deux êtres qui jusque là avaient échappé à la domination de la déesse de l’amour. Cupidon aussitôt perce d’une de ses flèches le cœur de Dis. (5, 362-384)
Près de la ville de Henna, Pluton enleva la jeune et candide Perséphone/Proserpine, qui cueillait des fleurs dans un cadre idyllique. Malgré les appels désespérés de l’enfant à sa mère Cérès, le dieu l’emporta à travers la Sicile jusqu’à Syracuse. (5, 385-408)
La nymphe Cyané, qui a reconnu Proserpine, veut barrer la route au ravisseur, lui reprochant non sa passion, mais sa manière d’agir ; furieux, le dieu fend la terre avec son sceptre, et, se frayant un passage vers le Tartare, s’y engouffre avec son char. Cyané, inconsolable, ne tarit pas ses larmes, et progressivement est métamorphosée en fontaine. (5, 409-437)
Après s’être rendu compte que rien nulle part n’était ébranlé,
le dieu, dégagé de toute crainte, errait à l’aventure. Érycine le voit,
installée sur sa montagne. Embrassant son enfant ailé, elle dit :
365
“ Ô mon enfant, toi, mes armes et mes bras, mon pouvoir,
Cupidon, prends ces traits, qui font de toi le maître universel,
et enfonce tes flèches rapides dans le cœur du dieu qui reçut
en partage le dernier lot du royaume divisé en trois parties.
Tu tiens sous ton joug les dieux supérieurs et même Jupiter,
tu domptes les divinités de la mer, et le roi des dieux marins en personne.
Pourquoi le Tartare est-il une exception ? Pourquoi ne pas étendre
le pouvoir de ta mère, et le tien ? Il s’agit d’un tiers du monde.
Et cependant dans le ciel, malgré la patience qui est la nôtre,
on nous méprise, et la puissance de l’Amour diminue, comme la mienne.
375
Ne vois-tu pas que Pallas et Diane, la lanceuse de javelots,
se sont éloignées de moi ? Et la fille de Cérès aussi restera vierge,
si nous laissons faire, car elle éprouve les mêmes espoirs.
Mais toi, au nom de notre règne partagé, si tu m’en sais quelque gré,
unis cette déesse à son oncle ”. Vénus finit de parler. Lui se défit
380
de son carquois et, sur l’avis de sa mère, entre mille flèches,
il en choisit une : il n’y en avait pas de plus acérée,
ni de plus fiable, ni de plus docile à l’ordre de l’arc.
Prenant appui sur son genou, il courba le cornouiller flexible
et de sa flèche barbelée frappa Dis en plein cœur.
385
Non loin des murailles de Henna, s’étend un lac très profond,
nommé Pergus : dans les eaux en cascade du Caÿstre,
les chants des cygnes ne résonnent pas plus nombreux.
Une forêt l’entoure entièrement, en couronne les eaux,
et ses frondaisons, telles un voile, en éloignent les feux de Phébus.
390
Les branches fournissent la fraîcheur, la terre humide des fleurs pourprées ;
c’est le printemps perpétuel. Dans ce bois, Proserpine joue,
cueille des violettes ou des lis éclatants, et, avec un zèle enfantin,
en emplit des corbeilles et les plis de son corsage,
cherchant à cueillir plus de fleurs que ses compagnes.
395
Dis la vit et presque au même instant, l’aima et l’enleva ;
tant l’amour est empressé. La déesse effrayée, d’une voix plaintive,
appelle sa mère et ses compagnes, mais plus souvent sa mère.
Et comme elle avait déchiré son vêtement de haut en bas,
les fleurs cueillies tombèrent de la tunique qui s’était détachée ;
400
et à cet âge tendre, l’enfant avait tant d’ingénuité,
que ces fleurs gaspillées aussi lui causèrent de la peine.
Le ravisseur conduit son char et excite ses chevaux,
les appelant chacun par leur nom, secouant sur leurs cous
et leurs crinières les rênes teintées de rouille sombre.
405
Le char qui l’emporte passe par les lacs profonds, les étangs des Paliques
qui sentent le soufre et bouillonnent dans la terre entr’ouverte,
puis là où les Bacchiades, race originaire de Corinthe aux deux mers,
installèrent leurs remparts entre deux ports inégaux.
Il existe entre Cyané et Aréthuse la Piséenne une mer
410
dont les eaux confluent, enfermées dans un passage étroit.
Là vécut - et son nom fut donné aussi à un étang -
Cyané, la plus célébrée des nymphes de la Sicile.
Elle apparut au sommet du tourbillon, jusqu’à la taille
et reconnut la déesse : “ Vous n’irez pas plus loin ! ”, dit-elle ;
415
“ Tu ne peux devenir le gendre de Cérès contre son gré ;
il fallait la demander, non l’enlever. Et s’il m’est permis de comparer
de petites choses à de grandes choses, l’Anapis m’aima moi aussi ;
mais c’est sur sa prière, et sans être, comme elle, terrifiée
que je devins son épouse ”. Sur ce, tendant les bras en tous sens,
420
elle barra le passage. Le fils de Saturne ne contint plus sa colère
et, après avoir excité ses terribles coursiers, d’un bras puissant,
il brandit son sceptre royal et l’enfouit au fond du tourbillon.
La terre, sous ce coup, ouvrit la voie vers le Tartare
et accueillit au milieu du cratère le char qui s’inclina vers l’avant.
425
Cyané, elle, déplorant le rapt de la déesse et l’outrage
fait aux droits de sa source, porte en son âme silencieuse
une irréparable blessure, est tout entière la proie des larmes
et, dans ces eaux, dont naguère elle avait été une grande divinité,
elle s’amenuise. On pouvait voir ses membres s’amollir,
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ses os se laisser fléchir, ses ongles perdre leur rigidité.
Les parties les plus ténues de sa personne se liquéfient les premières :
ses cheveux d’azur, et ses doigts et ses jambes et ses pieds ;
en effet rapide est la transformation de ses membres grêles
en ondes glacées. Ensuite, les épaules, le dos, les flancs et la poitrine,
435
devenus inconsistants s’écoulent en ruisseaux ténus ;
et finalement, au lieu d’un sang vif, l’eau pénètre
dans les veines souillées, et il ne reste rien que l’on puisse saisir.
Minerve chez les Muses (5, 250-678). Les deux derniers tiers du chant 5 tournent autour de Minerve, qui vient de quitter son protégé Persée, pour se rendre sur l’Hélicon, la demeure des Muses. Là, sans jouer un rôle essentiel, la déesse va écouter le long récit fait par une des Muses, récit qui intègre plusieurs histoires et métamorphoses, le tout organisé dans le cadre d’un concours de chant ayant opposé les Muses et les Piérides. Pour expliquer l’intérêt de Minerve pour les Muses, on se rappellera le rapport qu’entretient cette divinité avec les arts. Voir par exemple Fastes, 3, 5-7 ; 3, 176-178, et 3, 809-834 avec notes.
Tritonienne (5, 250-251). Minerve (Pallas-Athéna) est qualifiée de Tritonienne, parce que, selon certaines versions de sa légende, elle serait née sur les bords du lac Triton (voir 2, 783 et 2, 794).
son frère (5, 250-251). Persée, né de Danaé et Jupiter, qui la féconda en se transformant en pluie d’or (4, 611), est aussi le frère de Minerve (Pallas-Athéna), fille de Jupiter, selon certaines versions de la légende.
Cythnos... Gyaros... Sériphos (5, 252). Trois des îles Cyclades. Pour Sériphos, voir 5, 242.
Hélicon, séjour des Vierges (5, 254). Montagne de Béotie, non loin de Thèbes, l’Hélicon est le séjour de prédilection des Muses. Y jaillissent deux sources célèbres, Hippocrène et Aganippé, dont il va être question aux vers suivants. Ovide revient donc momentanément à Thèbes, qu’il avait quittée en abordant la geste de Persée (4, 604ss).
source nouvelle, etc (5, 256-259). C’est la source Hippocrène, que Pégase (cité aussi en 5, 262), le cheval ailé né du sang de Méduse (4, 785ss), fit jaillir en frappant la terre de son sabot. Cette source était consacrée aux Muses.
Uranie (5, 260). Muse de l’astronomie. Voir Fastes, 5, 55.
filles de Mémoire (5, 268). Voir aussi 5, 280. Selon Hésiode, Théogonie, 53ss., les Muses sont filles de Zeus (Jupiter) et de Mnémosyne, un mot grec qui signifie « Mémoire ». Voir aussi Fastes, 4, 191-192.
L’une d’elles (5, 268). Cette Muse, qu’Ovide ne nomme pas, va rapporter à Minerve, presque sans interruption jusqu’au vers 661 (voir le vers 5, 335), le crime de Pyrénée à leur égard, puis la proposition par les Piérides d’un concours de chant, et ensuite les prestations respectives d’une Piéride (histoire du Géant Typhoée et des dieux) et de Calliope, porte-parole des Muses (essentiellement l’histoire de Cérès à la recherche de Proserpine, enlevée par Dis-Pluton).
Tritonienne (5, 270). Minerve. Voir note à 5, 250-251.
Pyrénée (5, 274). L’histoire de ce personnage, un prince Thrace, ne semble rapportée que par ce passage d’Ovide.
Daulis (5, 276). Daulis, ville de l’est de la Phocide.
Parnasse (5, 278). Montagne de Phocide, servant de séjour à Apollon et aux Muses. Elle est également mentionnée en 4, 643. Pour le parcours des Muses, Ovide ne semble pas avoir cherché la précision.
Aquilon... Auster (5, 285). L’Aquilon est un vent du nord, froid mais sec (1, 262, et 2, 132) et l’Auster un vent du sud, porteur de pluie (1, 66).
fille de Jupiter (5, 296-297). Ici, Minerve (Pallas-Athéna), qui, selon la forme la plus répandue de sa légende, serait née tout armée du cerveau de Zeus.
l’autre déesse (5, 300). La Muse qui fait le récit (5, 268 et 294).
Piérus... Évippé (5, 300-304). Piérus, roi mythique d’Émathie (c’est-à-dire du centre de la Macédoine, dont Pella est la capitale) et Évippé (citée seulement ici) de Péonie (région au nord de la Macédoine) eurent neuf filles, fort talentueuses, qui défièrent les Muses, comme le raconte Ovide, et furent métamorphosées en pies, après leur défaite (5, 662-678).
Lucina (5, 304). Lucina, ancienne divinité romaine qui présidait à la naissance, et qui fut très tôt assimilée à Junon. Voir Fastes, 2, 449-452 avec la note. On remarquera cette note typiquement romaine dans un contexte essentiellement grec.
Hémonie... Achaïe (5, 306). Ici synonymes de « Thessalie » et de « Grèce ».
Thespies (5, 310). Thespios, fils d’Érechtée, est le roi fondateur de la ville de Thespies, en Béotie. Ici, les déesses de Thespies (les Thespiades en latin) désignent les Muses.
sources... (5, 312). La première est la source d’Hippocrène, présentée comme celle du fils de Méduse, c’est-à-dire Pégase (voir Mét., 4, 785, et 5, 256-259). La seconde est la source d’Aganippé, qui aurait jailli elle aussi sous le sabot de Pégase. Elles se trouvent toutes deux sur l’Hélicon, en Béotie. Les Hyantes, un peuple de Béotie, sont utilisés comme synonymes de Béotiens voir Mét., 3, 147. Voir aussi Fastes, 3, 456 ; 5, 7-8 et note.
Émathie... Péonie (5, 313). L’Émathie est depuis Homère le nom de la Macédoine centrale, et la Péonie est une région au nord de la Macédoine. Voir ci-dessus la note aux vers 300-304.
jurent par les fleuves (5, 316). Les Modernes sont divisés sur l’interprétation à donner à ce passage : certains pensent que les nymphes jurent par les dieux des fleuves, d’autres croient qu’il s’agit d’un serment comparable à celui que les dieux prêtent par le Styx (sur ce dernier, cfr Mét., 1, 189 et la note).
guerres des dieux d’en haut et des Géants (5, 319). La guerre des dieux et des géants, ou Gigantomachie (cfr Mét, 1, 151 note), occupe une place importante dans la mythologie grecque, mais Ovide ne la développe pas ici. Il s’intéresse à un épisode postérieur à la Gigantomachie et qui ne lui est lié qu’indirectement, en l’espèce l’histoire de Typhée (ou Typhon). Typhée a été engendré, après la défaite des Géants, par Gaia, la Terre, unie au Tartare. C’est un être d’une monstrueuse grandeur, qui se met à attaquer le ciel, au point de terroriser les dieux. Il ne sera vaincu que très difficilement par Zeus, qui finira par jeter sur lui la Sicile (ou l’Etna), sous lequel il sera écrasé. Ovide évoquera cet épisode un peu plus loin (5, 345-358), en guise de prologue au récit de l’enlèvement de Proserpine. Dans les vers suivants, il s’attache à l’épisode où les dieux, épouvantés, s’enfuient en Égypte et où, pour ne pas qu’ils soient découverts par le monstre, ils se transforment en animaux, un thème qui correspondait étroitement au sujet des Métamorphoses.
Typhée (5, 325). Voir Mét., 3, 303-304 et la note.
figures trompeuses (5, 326). Variation dans la présentation du thème de la métamorphose.
Jupiter... Ammon... cornu (5, 327-328). Sur Ammon, cfr Mét., 4, 671 ; 5, 17, et 5, 107. Le dieu libyen avait été assimilé à Jupiter et il était parfois représenté sous la forme d’un bélier, d’où les cornes du présent passage.
Délien (5, 329). Il s’agit d’Apollon, né à Délos. Pour les rapports du dieu avec le corbeau, voir Mét., 2, 535, 545, et 598.
fils de Sémélè (5, 329). Bacchus (pour sa naissance, voir Mét., 3, 259-315, et 3, 520) était mis en rapport avec le bouc, via la tragédie. La tragédie grecque en effet est issue du dithyrambe, un chœur tumultueux en l’honneur de Dionysos, et on y sacrifiait des boucs.
sœur de Phébus (5, 330). Artémis-Diane. Le récit d’Hérodote (2, 59) identifiait à Artémis la déesse égyptienne Bastit, à tête de chat. Les chats étaient très honorés en Égypte.
la Saturnienne (5, 330). Junon (Héra) est souvent désignée ainsi par référence à son père Saturne (Cronos) (Mét., 1, 612, et beaucoup d’autres passages). Il ne semble pas y avoir d’autre texte ancien évoquant une métamorphose de Junon en vache.
dieu du Cyllène (5, 331). Hermès-Mercure est né sur le mont Cyllène (Mét., 1, 713 et 1, 217). On n’a pas d’autres attestations claires d’une transformation de Hermès en ibis, ni de Vénus en poisson (dans le même vers).
filles d’Aonie (5, 333). Ce sont les Muses, l’Aonie étant le nom mythique de la Béotie, où résident ces déesses (Mét., 3, 339).
Calliope (5, 339). Muse de la poésie épique et de l’éloquence, la plus grande des muses (Mét., 5, 662). Voir Fastes, 5, 79-80, où elle se fait aussi la porte-parole des muses, et est décrite un peu de la même façon (cheveux en désordre et lierre).
Cérès la première (5, 341). La contribution de Calliope, qui se terminera au vers 661, commence par cinq vers qui constituent un hymne à Cérès et que l’on pourra comparer à Fast., 4, 393-416 et les notes.
Une île immense etc. (5, 346-358). Calliope dans ce passage décrit le corps du géant Typhée écrasé sous le poids de la Sicile, pour avoir osé défier les dieux. Elle fait ainsi écho au chant de la Piéride (vers 319-331), tout en assurant la transition avec la suite de son récit consacré à Cérès et Proserpine, qui part de la Sicile. Pour la figure de Typhée et son châtiment, voir 3, 303-304 et la note.
Trinacrie (5, 346-348). La Sicile, ainsi désignée comme « l’île aux trois promontoires ». Voir Fastes, 4, 419-420 ; 4, 479-480 ; 4, 287 ; Virgile, Én., 1, 195 ; 3, 384 ; 3, 429. Les trois points du triangle seront donnés dans les vers suivants.
Péloros d’Ausonie... Pachynos... Libybée... Etna (5, 350-353). Le cap Pélore est le cap situé à l’extrémité nord-est de la Sicile : c’est le coin le plus rapproché de l’Italie (l’Ausonie) et l’extrémité nord du triangle formé par la Sicile. Le Pachynum ou Pachynus (aujourd’hui Capo di Passaro) est un promontoire situé au sud-est de la Sicile : il forme l’extrémité sud du triangle. Quant au troisième point, l’extrémité occidentale du triangle, Ovide le place à Lilybée, le nom d’un promontoire et d’une ville. Voir Ovide, Fastes, 4, 478ss. La tête du monstre se trouve sous l’Etna.
roi des morts (5, 356). Pluton (Hadès), appelé aussi Dis, qui règne sur le monde des morts. Ovide introduit un nouveau personnage, important pour la suite du récit.
Pluton enlève Proserpine... (5, 362-408). Le chant de Calliope se poursuit, avec l’enlèvement de Proserpine par Pluton. Voir les Fastes, 4, 417-455, où Ovide a longuement évoqué cet épisode. La comparaison est intéressante.
Érycine (5, 363). Il s’agit de Vénus, la déesse de l’amour, qui avait un sanctuaire sur le mont Éryx (cfr Virgile, Én., 5, 759 ; 5, 24 ; 5, 630 et 1, 570. Cfr aussi Ovide, Fastes, note à 4, 864 et note à 4, 874-875).
l’enfant ailé (5, 365). L’enfant ailé est Cupidon (Éros), rencontré déjà au chant 1, 452-489, dans l’épisode d’Apollon et Daphné. Ovide semble s’inspirer d’Én., 1, 664.
royaume divisé en trois parties (5, 368). Dans la mythologie grecque, les trois frères Zeus (Jupiter), Poséidon (Neptune) et Hadès (Pluton) avaient partagé l’univers, obtenant respectivement le ciel, la mer, les enfers. Voir Fastes, 4, 584. Pour l’enlèvement de Proserpine et la quête de Cérès en Sicile, on verra le récit des Fastes, 4, 417-494 (avec les notes).
Tartare (5, 371). Désigne le monde des enfers, et en l’espèce Pluton, qui, à la différence de Jupiter et de Neptune, n’avait pas encore connu la puissance de Vénus.
Pallas et Diane (5, 375). Soit Athéna et Artémis, deux déesses farouchement attachées à la virginité. Vénus se méfie de leur pouvoir, craignant notamment leur attirance sur Proserpine, la fille de Cérès.
oncle (5, 379). Pluton (Dis-Hadès), étant frère de Jupiter, est donc l’oncle de Proserpine (Perséphone-Corè), née de l’union de Cérès-Démèter et du roi des dieux.
Prenant appui sur son genou (5, 383). « La corde de l’arc détendu n’était fixée que par un bout ; pour tendre l’arc, il fallait fixer l’autre bout à un crochet ; on s’aidait souvent du genou pendant cette manœuvre » (G. Lafaye).
cornouiller (5, 383). Le mot latin utilisé ici peut désigner aussi bien l’arc que le cornouiller, avec lequel il pouvait être fabriqué.
Dis (5, 384). Voir Mét., 4, 438.
Henna... Pergus (5, 385-386). La version la plus courante de la quête de Démèter situe les faits en Sicile, dans la région de Henna, ville que Cicéron (Verr., 2, 4, 106) qualifie d’umbilicus Siciliae (aujourd’hui Enna, chef-lieu de province). La carte ci-dessus montre bien que Enna se trouve au centre de la Sicile. Le lac Pergus, qui n’est pas signalé dans la version parallèle des Fastes, 4, 422ss. et qui est aujourd’hui le Lago di Pergusa, se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Enna.
Caÿstre (5, 386). Voir Mét., 2, 252. Le Caÿstre est un fleuve de Méonie ou Lydie, dont les oiseaux sont des cygnes, selon Homère, Iliade, 2, 459-463. Les cygnes sont donc plus nombreux dans le lac Pergus que dans le Caÿstre.
Paliques (5, 406). Les Paliques (terme à l’étymologie indéchiffrable) sont de très anciennes divinités siciliennes, probablement antérieures à l’arrivée des Grecs. Ces dieux, redoutables, validaient ou non les serments solennels qu’on prêtait par eux, intervenaient dans le règlement des différends, avaient une fonction oraculaire et offraient asile et protection à ceux qui en avaient besoin. À l’occasion, leur sanctuaire prenait même les allures d’un centre fédéral et pouvait appuyer d’éventuelles oppositions politiques, contre les Grecs de Syracuse, avec Doukétios au Ve siècle, ou contre les Romains, avec Salvius, en 104 a.C. Le Lac des Paliques (Lago di Naftia, entre Catane et Caltagirone) était célèbre chez les Anciens, qui ont laissé de l’endroit des descriptions multiples, variées, pas toujours concordantes mais toujours impressionnantes. Il était formé par des eaux sulfureuses dues à des fissures (mofettes) à l’intérieur du lac qui laissent échapper de l’anhydride carbonique en grande quantité. Aujourd’hui une usine pour l’extraction du gaz y a été installée et les eaux sont utilisées pour l’irrigation ; mais il fut un temps où la présence de petits cratères, de leurs émanations pestilentielles et des bruits qu’elles engendraient faisait peur.
Bacchiades (5, 407). Famille corinthienne, issue de Bacchis, et installée en Sicile, à Syracuse, colonie de Corinthe (l’évocation des deux mers renvoie à l’isthme de Corinthe). La ville ancienne de Syracuse « était bâtie dans l’île d’Ortygie, entre le Petit et le Grand port » (G. Lafaye). Le char de Pluton a donc traversé une partie de la Sicile, du centre (Enna) vers le sud-est, pour s’arrêter à Syracuse, où se place l’intervention de Cyané.
Cyané... (5, 409-437). La Cyané est un petit fleuve, non loin de Syracuse, célèbre pour ses plantations de papyrus, et aux sources duquel (Testa di Pisma) se trouve un petit lac circulaire, la Fontaine Cyané, en rapport avec la légende de l’enlèvement de Corè. Elle trouve son origine dans la métamorphose d’une nymphe sicilienne, racontée ici, pour la première fois semble-t-il, par Ovide.
Aréthuse la Piséenne (5, 409). Nymphe originaire d’Achaïe, plus précisément de Pise, en Élide (5, 494), et dont l’histoire détaillée est rapportée plus loin dans les vers 5, 487-508, et 5, 572-641. Voir aussi Fastes, 4, 423 ; Virgile, Én., 3, 694-896.
la déesse (5, 414). Il s’agit de Proserpine, enlevée par Pluton.
Anapis (5, 417). Cours d’eau de Sicile (appelé aussi Anapos ou Anapus) dont la source est près de la ville d’Acrae, et qui se jette dans le port de Syracuse. Voir Fastes, 4, 469.