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Orphée, devant un auditoire « enchanté » d’arbres, d’animaux et d’oiseaux, se met à chanter, s’accompagnant de sa lyre. Il précise d’emblée qu’il commencera par Jupiter, mais en traitant des thèmes moins solennels, plus légers, que précédemment. (10, 143-154)
En quelques vers, il rappelle le rapt, par Jupiter métamorphosé en aigle, de Ganymède, devenu au ciel l’échanson du roi des dieux. (10, 155-161)
Telle était la forêt attirée par le poète, assis au centre
d’une assemblée de bêtes sauvages et d’une foule d’oiseaux.
145
Quand de son pouce il eut suffisamment touché les cordes
de sa lyre et vérifié que leurs accords étaient harmonieux,
même s’ils sonnaient différemment, il entonna son chant :
« Muse, ma mère, inspire-moi des chants qui partent de Jupiter,
lui, le roi de tout l’univers ! Souvent déjà j’ai proclamé
150
la puissance de Jupiter ; d’un plectre plus solennel j’ai chanté
les Géants et la foudre victorieuse répandue sur les champs de Phlégra.
Maintenant, une lyre plus légère s’impose : chantons les jeunes garçons
chéris des dieux et les filles qui, égarées par une passion interdite,
ont mérité d’encourir un châtiment pour leur caprice effréné.
Le roi des dieux jadis brûla d’amour pour Ganymède de Phrygie.
Jupiter s’inventa une forme qu’il préféra à la sienne propre :
il ne daigne toutefois se transformer en aucun autre oiseau
qu’en celui qui était capable de porter ses foudres.
Aussitôt, battant les airs de ses ailes menteuses, il enlève
160
le descendant d’Ilus, qui de nos jours encore mélange les coupes
et sert le nectar à Jupiter, au grand déplaisir de Junon.
Le sort du jeune Hyacynthe fut moins prestigieux que celui de Ganymède, bien que sa métamorphose en une fleur lui ait conféré aussi une sorte d’immortalité. Cet enfant avait inspiré une passion dévorante à Phébus/Apollon, qui ne le quittait plus. (10, 162-174)
Un jour, les deux amis décident de se mesurer au lancement du disque. Apollon démontra son talent et sa force en lançant un disque qui retomba sur le sol, rebondit et alla frapper mortellement Hyacinthe au visage. Malgré tous ses efforts et en dépit de son art de guérisseur, Apollon ne put le sauver. (10, 175-195)
Inconsolable, Apollon se considère responsable de la mort de son bien-aimé et, pour perpétuer sa mémoire, il annonce sa métamorphose en une fleur, ajoutant que cette fleur sera liée aussi à un autre personnage, un héros très vaillant. Aussitôt du sang d’Hyacinthe répandu sur le sol jaillit une fleur pourpre, ressemblant à un lis et portant sur ses pétales les lettres AI AI en souvenir des gémissements du dieu, lettres jugées comme funèbres. La Laconie, fière de son héros, perpétue ces souvenirs par une fête annuelle, les Hyacinthies. (10, 196-219).
Toi aussi, fils d’Amyclas, Phébus t’aurait installé dans l’éther,
si les destins sévères lui avaient donné le temps de t’y placer.
Dans la limite possible pourtant, tu es éternel ; chaque année,
165
le printemps chasse l’hiver, et le Bélier, les Poissons pluvieux,
chaque fois aussi, toi, tu apparais et fleuris dans le vert gazon.
Mon père t’a aimé plus que tous les autres, et Delphes,
centre du monde, fut alors privée de son dieu protecteur
quand il hantait l’Eurotas et Sparte, la ville sans remparts.
170
Il n’honore plus sa cithare ni ses flèches ; oubliant qui il est,
il ne refuse pas de porter tes filets, de tenir tes chiens,
de t’accompagner sur les crêtes d’un mont escarpé.
Il entretient sa flamme, habitué à ta présence constante.
Déjà Titan avait presque atteint le milieu de sa course,
175
entre crépuscule et aube, à distance égale du matin et du soir.
Ils enlèvent leurs vêtements et tout luisants de l’huile qui les enduit,
ils s’apprêtent à se mesurer au lancement d’un large disque.
Phébus, après l’avoir d’abord balancé, envoya dans les airs
le disque qui par son poids déchira les nuages sur son passage.
180
Après un long moment, le lourd objet retomba sur la terre ferme,
démontrant tout à la fois le talent et les forces du dieu.
Aussitôt, étourdiment, poussé par l’ardeur du jeu,
le fils du Ténare se précipite pour ramasser le disque.
Mais celui-ci rebondit sur la terre durcie qui te l’envoya
185
en plein visage, Hyacinthe. Le dieu, devenu aussi pâle
que l’enfant lui-même, recueille ses membres défaillants.
Tantôt il veut te ranimer, tantôt il éponge la cruelle blessure,
tantôt, à l’aide d’herbes, il cherche à retenir ta vie qui fuit.
Son art n’est d’aucun secours ; la blessure était incurable.
De même que, si quelqu’un brisait dans un jardin bien irrigué,
des plants de giroflées, de pavots ou de lis hérissés de fauves étamines,
leurs fleurs soudain fanées laisseraient retomber une tête flétrie
et, incapables de se soutenir, se tourneraient vers la terre ;
ainsi son visage mourant s’est affaissé, et privé de vigueur,
195
son cou même est trop lourd et retombe sur son épaule.
“ Tu succombes, fils d’Oebalus, frustré de ta première jeunesse ”,
dit Phébus, “ et je vois ta blessure, qui m’est un reproche.
Tu me rappelles ma douleur et mon crime ; ton trépas doit porter
une inscription de ma main ; c’est moi le responsable de ta mort.
200
Pourtant, quelle est ma faute ? Peut-on en effet taxer de faute
le fait d’avoir joué, peut-on appeler faute le fait d’avoir aimé ?
Ah ! Que je voudrais rendre l’âme avec toi, comme je le mérite !
Puisque la loi du destin me l’interdit, tu seras présent en moi
éternellement, et ton nom sera sur mes lèvres fidèles à ta mémoire.
205
Ma lyre, sous mes doigts, et mes chants retentiront pour toi
et, fleur nouvelle marquée d’une inscription, tu symboliseras mes plaintes.
Viendra aussi un temps où le plus vaillant des héros
aura son nom sur les mêmes pétales et s’ajoutera à cette fleur. ”
Tandis qu’Apollon à la bouche véridique tient ces propos,
voici que le sang, qui avait taché l’herbe en s’écoulant sur le sol,
cessa d’être du sang et, plus brillante que la pourpre tyrienne,
une fleur éclôt, qui par sa forme ressemblerait aux lis,
si elle n’était pas pourpre et si les lis n’étaient pas argentés.
Phébus – il est en effet l’auteur de cet honneur – ne s’en tint pas là ;
il grava ses propres plaintes sur les pétales, et les lettres AI AI
se lisent sur la fleur, inscription considérée comme un signe de deuil.
Et Sparte n’a pas honte d’avoir vu naître Hyacinthe,
encore honoré en notre siècle : chaque année, selon un rite ancestral,
des processions solennelles doivent célébrer les Hyacinthies.
De Laconie, Orphée passe à Amathonte de Chypre, pour évoquer deux autres métamorphoses. La première est celle des Cérastes, monstres au front armé de cornes, qui jadis égorgeaient leurs hôtes de passage. Vénus, la déesse de Chypre, outrée de ce comportement, les punit en les métamorphosant en taureaux farouches. (10, 220-237)
Quant aux Propétides, qui avaient nié la divinité de Vénus, elles furent punies, en étant les premières à devoir se prostituer, avant d’être changées en pierre. (10, 238-242)
Et si par hasard tu demandes à Amathonte riche en métaux,
si elle souhaiterait avoir engendré les Propétides, elle les reniera
comme elle renia ces monstres d’antan, dont le front était hérissé
d’une paire de cornes, ce qui leur avait même valu le nom de Cérastes.
Devant leur porte se dressait un autel dédié à Jupiter Hospitalier
225
dans un bois fréquenté. Si quelqu’étranger avait vu cet autel
teinté de sang, il aurait pu croire qu’on y avait immolé
des veaux à la mamelle et de jeunes brebis d’Amathonte ;
en fait, c’est un hôte qu’on avait abattu. Offensée par ces rites sacrilèges,
Vénus la Bienfaisante s’apprêtait à quitter ses villes aimées
230
et les champs d’Ophiuse. “ Mais ”, se dit-elle, “ ces lieux charmants,
ces villes qui m’appartiennent, de quelle faute les accuse-t-on ?
Que cette race impie subisse plutôt comme peine l’exil ou la mort,
ou, s’il existe, un autre châtiment intermédiaire entre mort et exil.
Et que peut être ce châtiment, sinon une métamorphose ? ”
235
Tout en hésitant sur la forme à leur donner, elle tourna ses regards
vers leurs cornes et pensa qu’elle pouvait les leur laisser ;
puis elle transforma leurs corps imposants en taureaux farouches.
Cependant, les impures Propétides eurent l’audace de nier
la divinité de Vénus ; dès lors, suite à la colère de la déesse,
240
elles furent les premières, dit-on, à prostituer leurs corps et leur beauté ;
puis, après avoir perdu leur pudeur, quand le sang de leur visage se durcit,
elles devinrent, sans subir grande modification, des rocs rigides.
Pygmalion, un habitant de Chypre, outré par la conduite des Propétides, vivait célibataire. Doué d’un grand talent, il avait façonné en ivoire la statue d’une jeune fille très belle, si réussie qu’elle paraissait vivante. Le sculpteur en tomba amoureux et se mit à la traiter comme une personne de chair et d’os. (10, 243-269)
À l’occasion de la fête de Vénus, il avait pieusement imploré des dieux pour obtenir une épouse semblable à sa statue. Vénus, compréhensive, lui envoie un présage favorable, qui se confirme bientôt. Rentré chez lui, Pygmalion voit sa statue s’animer sous ses caresses et se transformer en une jeune fille, à qui il peut s’unir amoureusement. De cette union bénie par Vénus, naquit une petite fille, Paphos, qui laissa son nom à une ville de Chypre. (10, 270-297)
Pygmalion les avait vues menant leur vie scélérate,
et s’offusquait des vices sans nombre transmis à la femme
245
par la nature. Aussi vivait-il en célibataire, sans épouse,
et pendant longtemps personne ne partagea sa couche.
Cependant, avec un art admirable, il sculpta de l’ivoire pur,
lui donnant une beauté avec laquelle nulle femme
ne peut naître ; et il tomba amoureux de son œuvre.
250
Elle a l’apparence d’une vraie jeune fille, on pourrait la croire
vivante et, si la réserve ne la retenait, prête à se mouvoir ;
tant l’art se dissimule à force d’art. Pygmalion est émerveillé
et les feux qu’éveille ce semblant de corps emplissent son cœur.
Souvent il s’approche, ses mains palpent son œuvre, ne sachant
255
si elle est de chair ou d’ivoire. Et il ne dit plus qu’elle est en ivoire ;
il lui donne des baisers, et pense qu’elle les lui rend ; il lui parle,
l’étreint, croit sentir ses doigts presser les membres qu’ils touchent
et craint que les bras ainsi serrés ne soient marqués de bleus.
Tantôt il lui dispense des caresses, tantôt lui offre des présents
260
appréciés par les filles : coquillages, beaux galets, petits oiseaux,
des fleurs de mille couleurs, des lis, des balles peintes
et les larmes des Héliades, tombées des arbres.
Il la pare aussi de vêtements, passe à ses doigts
des pierres précieuses et à son cou de longs colliers ;
265
il suspend des perles à ses oreilles, des chaînettes sur sa poitrine.
Tout lui sied ; et nue, elle ne paraît pas moins belle.
Il la pose sur des tapis teints de pourpre de Sidon,
il l’appelle la compagne de sa couche, et la dépose, nuque inclinée,
sur un coussin de plumes, comme si elle allait y être sensible.
Le jour de la fête de Vénus était très populaire dans toute l’île de Chypre.
Des génisses, dont les hautes cornes avaient été couvertes d’or,
étaient tombées sous la lame qui avait frappé leur cou de neige ;
les encensoirs fumaient. Son offrande accomplie, Pygmalion s’arrêta
près de l’autel et dit timidement : “ Dieux, si vous pouvez tout donner,
275
je souhaite avoir pour épouse ” – il n’osa dire ‘ la vierge d’ivoire ’ –
“ une jeune fille qui ressemble à ma statue d’ivoire ”.
Vénus en personne qui, toute parée d’or, était présente à ses festivités,
comprit le sens de ces vœux et, en présage de la bienveillance divine,
la flamme trois fois se ralluma et éleva dans l’air sa langue de feu .
280
Une fois rentré chez lui, il se rendit près de la statue de son amie
et, couché près d’elle, la couvrit de baisers : elle lui parut tiède.
Il approche à nouveau ses lèvres, et de ses mains lui tâte la poitrine :
l’ivoire s’amollit quand il l’a touché, il perd de sa rigidité,
se creuse et cède sous les doigts, comme la cire de l’Hymette
285
qui fond au soleil et qui, sous le pouce qui la façonne, prend moultes formes
et devient d’autant plus propre à l’usage dans la mesure où l’on s’en sert.
L’amant reste interdit, hésite à se réjouir, craint de se tromper,
retire puis reprend à nouveau en mains l’objet de ses vœux :
c’était un corps vivant, dont les veines palpitent sous son pouce.
290
Alors le héros de Paphos conçoit des formules pleines de reconnaissance
pour rendre grâce à Vénus. Enfin ce n’est plus une fausse bouche,
qu’il presse sous sa bouche ; la jeune fille a senti les baisers
qu’il lui donne et elle a rougi, puis, levant timidement son regard
vers la lumière, elle a aperçu au même instant et le ciel et son amant.
La déesse assiste à l’union qu’elle a accomplie ; et déjà
quand les cornes de la lune neuf fois eurent refait un cercle plein,
la jeune femme mit au monde Paphos, une fille dont l’île conserve le nom.
Muse, ma mère (10, 148). La mère d’Orphée est une Muse, soit Calliope, soit Polhymnie. Voir note d’introduction au chant 10.
plectre plus solennel (10, 150). L’expression de « plectre plus solennel » désigne un style plus noble, plus élevé, comme peut l’être le genre épique, évoqué par l’allusion aux Géants qu’on trouve dans les vers suivants.
Géants (10, 151). Allusion à la Gigantomachie, ou combat des dieux contre les Géants.
Phlégra (10, 151). Les champs de Phlégra avaient vu la défaite des Géants qui avaient été foudroyés par Zeus. Certains plaçaient cette Gigantomachie en Chalcidique, dans la région de Pallène ; d’autres en Campanie, dans les environs de Cumes, où se visitent encore aujourd’hui les Champs dits Phlégréens.
une lyre plus légère (10, 152). C’est le style plus léger de la poésie élégiaque. Les chants d’Orphée qui vont suivre tourneront tous autour de l’amour sous des formes très diverses, qu’il s’agisse de jeunes garçons (Ganymède, Hyacinthe), de filles aux désirs pervers (Propétides, Myrrha), d’autres, encore plus particulières (Pygmalion).
Ganymède (10, 155-161). Ganymède est un jeune Phrygien, membre de la race royale de Troie ou Ilion, descendant de Dardanos. Le plus généralement il est présenté comme fils de Tros et de Callirhoé, et frère de Ilus et Assaracus. Il passait pour le plus beau des mortels et tandis qu’il gardait les troupeaux de son père, il fut enlevé par (ou sur ordre de) Jupiter, qui s’était épris de sa beauté, et l’avait introduit dans l’Olympe, en tant qu’échanson des dieux, remplaçant Hébé dans cette fonction. L’enlèvement avait été réalisé par un aigle, oiseau de Jupiter, ou, selon la version d’Ovide, par Jupiter en personne, métamorphosé en aigle.
déplaisir de Junon (10, 161). Sur la jalousie de Junon/Héra vis-à-vis de Ganymède, voir Fast., 1, 652 ; 2, 145 ; 2, 457 ; 6, 43, ainsi que Virgile, Én., 1, 26-28. Sur la jalousie de Junon en général, 1, 601-624 (Io) ; 3, 253-286 (Sémélè), etc...
fils d’Amyclas (10, 162). C’est ainsi qu’Ovide désigne ici Hyacinthe, qui est effectivement le fils d’Amyclas et de Diomédé, et le petit-fils de Lacédémon et de Sparté, fille de l’Eurotas. Amyclas avait fondé Amyclées, une ville proche de Sparte. Hyacinthe était un jeune homme d’une grande beauté. Ovide le désigne de différentes manières : fils du Ténare (10, 183), fils d’Oebalus (10, 196), enfant de Thérapnè (Fast., 5, 223), chacune de ces expressions ancrant le héros en Laconie. La grande beauté de Hyacinthe avait inspiré de l’amour à Thamyris, qui fut, selon Apollodore, Bib., 1, 3, 3 (16), le premier homme à aimer un homme. Ovide raconte ici la passion qu’il a inspirée à Apollon. Voir Fast., 5, 223-228, et les notes.
Bélier... Poissons (10, 165). Tournure recherchée. Elle utilise les constellations du zodiaque pour indiquer le retour du printemps : le mois du Bélier (du 21 mars au 20 avril) remplace le mois des Poissons (du 20 février au 20 mars).
mon père (10, 167). Apollon, dieu de la divination et de la poésie, peut sans doute passer pour le père ou l’inspirateur ou le protecteur d’Orphée, prince des musiciens et des poètes (cfr 10, 89 : dis genitus uates « le poète né des dieux ». En fait, Orphée est généralement présenté comme le fils d’une muse et du roi Thrace Oeagre.
Delphes (10, 167). Phébus/Apollon, le dieu archer et musicien, était particulièrement honoré à Delphes, où se trouvait le célèbre oracle du dieu.
Eurotas (10, 169). L’Eurotas est un fleuve de Laconie, qui en arrose la capitale, Sparte.
Sparte (10, 169). Sparte passait anciennement pour une cité sans murailles, la force et le courage de ses soldats étant censés constituer sa meilleure protection ; elle conservera cette réputation même après avoir été fortifiée à l’époque hellénistique. Les termes d’Eurotas et de Sparte évoquent des lieux proches d’Amyclées, la ville d’Hyacinthe.
Titan (10, 174-175). C’est le Soleil. Autre formule recherchée et plutôt confuse pour situer la scène au milieu de la journée. On peut comparer avec Mét, 3, 143-144 (histoire d’Actéon).
fils du Ténare (10, 183). Le Ténare est un promontoire de Laconie, où l’on situait une des entrées des enfers (voir n. aux vers 10-13). On n’oubliera pas qu’Hyacinthe habitait la Laconie (voir ci-dessus, n. au vers 162).
son art (10, 189). Apollon était aussi le dieu de la médecine (cfr 1, 521-524). La douleur d’Apollon à la mort d’Hyacinthe rappelle celle qu’il manifesta à la mort de Coronis (cfr 2, 612-629, avec les notes).
fils d’Oebalus (10, 196). Il s’agit de Hyacinthe (voir n. au vers 162), Oebalus étant un roi de Laconie. L’appellation ne doit pas être prise littéralement, mais dans le sens d’ « enfant de Laconie ».
la loi du destin (10, 203). Les dieux sont immortels. Pour un regret comparable, cfr 1, 661-663.
fleur nouvelle (10, 206). La fleur annoncée ne serait pas celle que nous nommons jacinthe, qui fut introduite en Europe par les Turcs, mais, selon les uns, le lis martagon, selon d’autres, l’iris germanique (G. Lafaye). La question de l’inscription et de sa signification s’éclaircira aux vers 215-216 : les zébrures de la fleur auraient porté les lettres AI AI (hélas !, hélas !, en grec) censées représenter les plaintes du dieu.
vaillant héros (10, 207). Le héros serait Ajax, vaillant guerrier de la guerre de Troie. Une autre légende en effet (cfr Mét., 13, 391-397) considérait que cette fleur serait née du sang d’Ajax : les signes AI AI auraient correspondu aux deux premières lettres de son nom. Ovide amalgame ici deux traditions distinctes (G. Lafaye et J. Chamonard).
pourpre tyrienne (10, 211). La pourpre, signe de luxe, provenait surtout de Tyr et était extraite d’un coquillage, le murex (voir note à 6, 61, qui renvoie à note à 6, 9 ; 6, 222). En 10, 267, il sera question de la pourpre de Sidon.
Hyacinthies (10, 217-219). Chaque année en mai, on célébrait à Amyclées, près du tombeau d’Hyacinthos, des fêtes solennelles en l’honneur du héros et d’Apollon Amycléen. On les appelait les Hyacinthies. Hyacinthos aurait été en réalité un dieu préhellénique, dont le culte se serait amalgamé ultérieurement à celui d’Apollon.
Amathonte (10, 220). Ville de la côte S.-E. de l’île de Chypre, où se trouvait un temple consacré au culte de Vénus et Adonis. Quant à la richesse de la ville en métaux, elle ne semble pas mentionnée ailleurs. Orphée quitte donc la Laconie pour Chypre, où vont être situés les prochains récits (Cérastes et Propétides, Pygmalion, Myrrhra).
Propétides (10, 220). Simplement citées ici, elles sont traitées aux vers 10, 238-242.
Cérastes (10, 222). Les premiers habitants supposés de l’île de Chypre se seraient appelés Cérastes à cause des cornes qui ornaient leur front (keras en grec veut dire « corne »). Le scoliaste de Lycophron, de même que Stéphane de Byzance, expliquent que cette légende serait née de la forme de l’île, surnommée Cerastia, à cause de ses nombreux promontoires.
Jupiter Hospitalier (10, 224-228). Aucune autre source ne situe à Chypre un culte à Zeus Xenios, c’est-à-dire « protecteur des étrangers ». Peut-être Ovide (ou sa source) aurait-il inventé de toutes pièces cet autel pour souligner davantage encore la barbarie de l’acte attribué aux Cérastes, et qui pourrait avoir été inspiré de la légende de Busiris (9, 182-183).
dans un bois fréquenté (10, 225). Le texte est corrompu dans la tradition manuscrite. Nous adoptons celui de l’édition G. Lafaye.
Vénus la Bienfaisante (10, 229). Vénus est la déesse de Chypre.
Ophiuse (10, 230). Ophioussa est un mot grec, qui veut dire « l’île aux serpents ». Le terme s’appliquait à plusieurs îles, comme Cythnos, Rhodes, ou Ténos. Ovide est le seul à l’appliquer à Chypre.
Propétides (10, 238). Déjà citées au vers 220, les Propétides d’Amathonte ne sont connues que par Ovide. On peut rapprocher leur impiété de celle des Minyades à l’égard de Bacchus (4, 1-42). Ovide d’ailleurs ne s’étend guère sur ce récit étiologique, visant à décrire sans doute des rochers ressemblant à des silhouettes féminines, comme si l’évocation ne servait qu’à introduire le développement suivant consacré à Pygmalion, lui aussi situé à Chypre et lié lui aussi au culte d’Aphrodite.
prostituer leurs corps (10, 240). Allusion probable à la « prostitution sacrée » qu’on trouvait dans certains sanctuaires d’Aphrodite et qui s’expliquait par une influence orientale (Astarté). C’était le cas à Corinthe, « où le sanctuaire de la déesse à l’Acrocorinthe abritait des courtisanes célèbres pour leurs tarifs, à l’origine de l’expression “ il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe ” [...] Cette façon d’honorer la déesse et d’accroître ses revenus est proche des pratiques du sanctuaire phénico-élyme d’Éryx en Sicile. » (J. Leclant, Dictionnaire de l’antiquité, Paris, 2005, p. 140-141). Cette prostitution semble considérée par Ovide comme une punition.
Pygmalion (10, 243). Roi de Chypre, et grand sculpteur. Contrairement aux impies Propétides, il vénère Vénus et est récompensé par elle, car il a obtenu de la déesse la métamorphose de sa statue en une femme, à laquelle il s’unit et qui lui donna une fille, nommée Paphos. Le récit d’Ovide semble assez original, différent notamment de celui d’Apollodore, (3, 14 [182]) : « Cinyras se rendit à Chypre avec une foule d’hommes et fonda Paphos, épousa Métharmé, la fille de Pygmalion, roi de Chypre, et eut deux fils, Ossiporos et Adonis, ainsi que trois filles, Orsedicé, Laogorè et Brésia. Ces dernières, à cause de la rancœur d’Aphrodite, s’unirent à des étrangers et moururent en Égypte. »
larmes des Héliades (10, 262). C’est l’ambre, avec lequel les anciens faisaient des bijoux. Les larmes des Héliades, les sœurs de Phaéton transformées en peupliers, étaient devenues des gouttes d’ambre (voir 2, 333-366, et spécialement les n. au vers 364). En réalité, l’ambre provenait du Nord (Germanie et mer Baltique).
pourpre de Sidon (10, 267). Au même titre que Tyr (10, 211), Sidon était une ville de Phénicie, contrée réputée pour sa pourpre extraite d’un coquillage, le murex.
fête de Vénus (10, 270). L’île de Chypre était réputée pour ses sanctuaires d’Aphrodite, notamment à Paphos et à Amathonte. La déesse porte d’ailleurs souvent le nom de « déesse de Chypre » (Kypris en grec ; Cypria en latin). Selon une tradition, c’est à Paphos qu’elle serait née de l’écume de la mer.
Hymette (10, 284). Montagne de l’Attique, réputée pour ses abeilles qui produisent du miel et de la cire. Voir 7, 702.
héros de Paphos (10, 290). Pygmalion. Anticipation anachronique d’Ovide, qui déclare lui-même, quelques vers plus loin, que c’est la propre fille de Pygmalion et de sa compagne qui aurait donné le nom de Paphos à la ville.
cornes de la lune (10, 296). C’est-à-dire après neuf mois lunaires, la durée normale de la gestation d’un être humain.
Paphos (10, 297). Ville de Chypre, célèbre par son culte de Vénus, et fondée par Cinyras, selon Apollodore (3, 182). Pour Ovide, c’est le nom de la fille de Pygmalion (qui s’appelait Métharmé, chez Apollodore).