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Le devin Tirésias jouit désormais d’une grande renommée en Achaïe. Seul, l’impie Penthée, à Thèbes, se moque du devin, qui lui prédit une mort prochaine, parce qu’il refusera d’honorer Bacchus comme un dieu. (3, 511-526)
En effet, lorsque arrive à Thèbes un personnage (Liber-Bacchus) entouré de la foule bruyante de ses adeptes, Penthée décrie publiquement ces rites débridés et persuade les Thébains que cet étranger aux goûts efféminés n’est pas un vrai dieu ; il excite les Thébains contre cet intrus, leur rappelle leur propre origine - les dents du Dragon, issu de Mars - et leur vaillance passée, puis il leur ordonne de capturer ce prétendu dieu, malgré les tentatives de ses proches pour le dissuader. (3, 527-571)
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Cette histoire une fois connue avait apporté au devin un renom mérité
dans les villes d’Achaïe, et le nom de l’augure était très célèbre.
Pourtant, seul entre tous, le fils d’Échion, Penthée,
le contempteur des dieux, se moque avec mépris du vieillard
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aux paroles prémonitoires ; il lui objecte les ténèbres où il vit
et le désastre qui le priva de lumière. Lui, secouant sa tête chenue, dit :
« Que tu aurais de la chance, si toi aussi étais privé de cette lumière !
Ainsi, tu ne verrais pas les rites bacchiques !
En effet viendra le jour, que je devine peu éloigné,
où arrivera ici le jeune Liber, l’enfant de Sémélè.
À moins que tu ne l’aies estimé digne d’être honoré de temples,
tu seras déchiqueté, dispersé en mille lieux, et ton sang souillera
les forêts, ainsi que ta mère et les sœurs de ta mère !
Il viendra ! Et tu ne jugeras pas que sa puissance mérite cet honneur,
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et tu déploreras que j’aie vu trop clair dans mes ténèbres ».
Tandis qu’il parle ainsi, le fils d’Échion le bouscule.
Les dires du devin se vérifient et ses réponses se réalisent.
Liber est là, et les campagnes retentissent de hurlements festifs.
Une foule se précipite, des mères et des brus mêlées aux époux,
des gens obscurs et des notables, entraînés vers des rites inconnus.
« Fils nés du serpent, descendants de Mars, quelle folie a frappé
vos esprits ? », dit Penthée ; « que peuvent des cymbales de bronze
entrechoquées, une flûte recourbée et les ruses de la magie
en face de héros que ne firent trembler ni glaives belliqueux,
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ni trompettes de guerre ni troupes brandissant des armes ?
Des cris de femmes, la folie générée par le vin, des troupes obscènes,
des tambourins creux pourraient-ils l’emporter sur eux ?
Dois-je vous admirer, vieillards, qui avez traversé la mer immense,
fondé ici une autre Tyr, installé en ce lieu vos pénates en fuite
et qui, maintenant, vous laissez prendre sans combat ? Et vous,
jeunes gens, plus combatifs et plus proches de moi par l’âge,
qui auriez dû porter des armes plutôt que des thyrses,
vous couvrir d’un casque et non de feuillage ? Je vous en prie,
rappelez-vous la race dont vous êtes issus et adoptez
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le courage du dragon qui à lui seul extermina des guerriers nombreux !
Il est mort pour une source et un lac : vous, triomphez pour votre gloire !
Il voua au trépas des hommes vaillants : vous, chassez des couards
et sauvez l’honneur de la patrie ! Si les destins interdisaient à Thèbes
de tenir longtemps, je souhaiterais voir ses remparts s’écrouler
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sous les coups de machines et de guerriers, au son du fer et du feu !
Malheureux mais irréprochables, nous devrions déplorer notre sort,
non le cacher, et nos larmes seraient exemptes de honte.
Mais aujourd’hui, Thèbes tombera aux mains d’un enfant sans armes,
qui n’aime ni la guerre ni les glaives ni l’art de mener des chevaux,
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mais qui apprécie des cheveux parfumés de myrrhe,
de souples couronnes, la pourpre et l’or tissé de ses vêtements brodés.
Moi, en vérité, pourvu que vous vous écartiez, je le forcerai à avouer
qu’indûment il s’est attribué son père et que ses rites sont mensongers.
Acrisius aurait assez de cran pour mépriser ce dieu imposteur,
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en lui fermant les portes à son arrivée à Argos,
et cet étranger effrayera Penthée et Thèbes tout entière ?
« Allez vite », ordonne-t-il à ses serviteurs, « allez, enchaînez leur chef
et amenez-le ici ! Et pas de molle lenteur à exécuter les ordres ! »
Son aïeul et Athamas et tous les autres membres de sa maison
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le reprennent en paroles et s’efforcent vainement de le retenir.
Leurs reproches accentuent son acharnement, sa rage contenue s’irrite
et s’accroît, aggravée par les retards mêmes mis à lui obéir :
ainsi ai-je vu de mes yeux un torrent dévaler plus lentement
et avec peu de bruit là où rien ne lui faisait obstacle ;
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mais là où le retenaient des branches et des rocs entassés,
il coulait écumeux et bouillonnant, plus sauvage à cause du barrage.
Les serviteurs ramènent à Penthée un personnage, qui se présente comme un des compagnons de Bacchus, adepte des rites nouveaux. Très calme devant Penthée prêt à le tuer, il dit se prénommer Acétès, fils d’un pauvre pêcheur tyrrhénien, qui s’est initié seul à l’art de la navigation et qui, devenu marin, aborda un jour dans l’île de Chios. Au moment de quitter cette île, l’équipage découvre dans un champ un très bel enfant, apparemment ivre, en qui Acétès voit aussitôt l’incarnation d’un dieu, tandis que les matelots peu scrupuleux et avides voient en lui un butin intéressant. (3, 572-628)
L’enfant, qui n’est autre que le jeune Bacchus (Liber), sort de sa torpeur et, cachant toujours son jeu, demande aux matelots de le débarquer à Naxos. Les matelots apparemment consentent mais projettent de prendre une autre route, malgré les protestations de leur pilote Acétès, aussitôt remplacé à la barre par un autre matelot. Le jeune dieu alors reproche leur fourberie aux marins, qui néanmoins poursuivent leur route. (3, 629-657)
Acétès poursuit son récit : bientôt, les marins sentent leurs rames entravées par des tiges de lierre, et le dieu se montre enfin entouré de nombreux attributs bacchiques (lierre, raisins, simulacres de tigres et de panthères). Affolés ou effrayés, les marins sautent dans la mer où ils sont métamorphosés en dauphins. Acétès, seul rescapé de vingt personnes, est réconforté par le dieu, qui l’engage à se rendre dans l’île de Dia (Naxos), où il devient un adepte du culte de Bacchus. (3, 658-691)
Voici que reviennent les serviteurs, couverts de sang ; à leur maître
demandant où était Bacchus, ils disent qu’ils ne l’ont pas vu :
« Mais, nous avons pris celui-ci, son compagnon et adepte
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de ses rites sacrés », dirent-ils, lui livrant, mains liées derrière le dos,
un Tyrrhénien d’origine, qui avait suivi le cortège sacré du dieu.
Penthée pose sur lui des yeux que la colère rendait redoutables,
et, bien qu’il ait peine à différer le moment de sévir, il dit :
« Toi qui vas mourir et dont la mort servira d’exemple aux autres,
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dis-moi ton nom, et celui de tes parents, et quelle est ta patrie
et pourquoi tu célèbres les rites sacrés d’un mode nouveau ! »
Le captif, exempt de crainte, dit : « Mon nom est Acétès,
ma patrie est la Méonie, mes parents d’humbles plébéiens.
Mon père ne m’a laissé ni champs à cultiver, ni bœufs puissants,
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ni troupeaux de moutons laineux, pas le moindre bétail ;
il était pauvre et avait coutume, avec une ligne et des hameçons,
de leurrer des poissons bondissants, et de les diriger à l’aide d’un roseau.
Son métier était toute sa richesse ; en me transmettait son art, il dit :
‘ Mon successeur et héritier de mon activité, accepte les biens
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que je possède ’, et en mourant, il ne me laissa rien que les ondes :
c’est la seule chose que je puisse dire me venir de mon père.
Bientôt, pour ne pas rester toujours collé aux mêmes rochers,
j’ai appris à gouverner de ma main et à diriger un bateau,
mes yeux ont repéré la pluvieuse étoile de la Chèvre d’Olénos,
Taygète et les Hyades et l’Ourse, et les demeures des vents
et les ports qui sont accueillants pour les bateaux.
Un jour, cinglant vers Délos, je suis poussé vers les côtes de Chios
et, en ramant vers la droite, j’aborde au rivage ;
je fais quelques menus sauts et me trouve sur le sable humide.
Dès que la nuit fut passée, - déjà l’aurore se parait de rose -,
je me lève, j’ordonne qu’on apporte de l’eau fraîche
et je montre la route qui mène à la source ; de mon côté,
du haut d’une butte, j’observe les promesses de la brise,
puis j’appelle mes compagnons et rejoins mon bateau.
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- ‘ Nous voici ’, dit Opheltès, le premier de mes compagnons,
et il amène le long du rivage ce qu’il considère comme une proie
trouvée dans un champ désert, un enfant d’une beauté virginale.
L’enfant, alourdi de vin et de sommeil, semble tituber
et suivre à peine ; contemplant son allure, son visage, sa démarche,
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je ne voyais là rien qu’on puisse attribuer à un mortel :
Je compris et aussitôt dis à mes compagnons : ‘ Je ne sais
quel dieu habite ce corps ; mais dans ce corps, habite un dieu !
Qui que tu sois, sois-nous propice et aide-nous dans nos épreuves ;
À eux aussi, accorde ta faveur ! ’ - ‘ Dispense-toi de prier pour nous ’,
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dit Dictys, plus rapide que quiconque pour hisser les vergues
et se laisser redescendre, agrippé au cordage.
Libys l’approuve, et le blond Mélanthus, l’assistant du pilote,
et aussi Alcimédon et celui qui de la voix réglait les pauses
et le rythme des rames, qui ranimait les courages, Épopeus,
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tous les autres disaient de même : tant est aveuglant le désir de butin.
- ‘ Pourtant, je ne supporterai pas de souiller mon navire en le lestant
d’une charge sacrée ’, dis-je, ‘ ici, c’est moi qui ai le plus de droit ! ’,
et je barre le passage. Le plus audacieux de tout le groupe,
Lycabas, se déchaîne ; expulsé d’une ville toscane,
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il expiait une peine d’exil pour un crime abominable ;
tandis que je résiste, de son poing énergique
il me serre la gorge, et m’aurait fait tomber et jeté à la mer,
si, bien que hors de moi, je ne m’étais cramponné et retenu au cordage.
La troupe impie approuve son acte ; finalement, Bacchus,
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- c’était Bacchus, en effet -, comme tiré de sa torpeur par les cris,
et comme si le vin dissipé ramenait en son cœur ses facultés, dit :
- ‘ Que faites-vous ? Quel est ce cri ? Dites-moi, marins,
qui m’a aidé à parvenir ici ? Où allez-vous me transporter ? ’
- ‘ N’aie pas peur ’, dit Proreus, ‘ et dis-nous quel port
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tu veux atteindre. Tu seras débarqué sur la terre que tu voudras. ’
- ‘ Naxos ’, dit Liber, ‘ dirigez votre course vers Naxos,
c’est là qu’est ma demeure, la terre vous sera hospitalière. ’
Fourbes, les marins jurent par la mer et par tous les dieux
qu’il feront ainsi et me disent de lever les voiles du navire coloré.
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Naxos était à notre droite ; comme je dirigeais les voiles vers la droite,
-‘ Que fais-tu, fou que tu es ? Quelle folie te prend ? ’, dit Opheltès.
Chacun pour soi a peur. - ‘ À gauche ! ’ Tous signalent leur désir,
la plupart d’un signe de tête, d’autres d’une voix balbutiante.
Je restai immobile et dis : ‘ Que quelqu’un prenne le gouvernail ! ’,
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et j’évitai de prendre part et à la manœuvre et à ce crime.
Tous m’accablent de reproches, et tout l’équipage murmure ;
L’un eux, Éthalion dit : ‘ Ainsi donc, c’est sur toi seul
que repose notre salut à tous ! ’, puis il s’approche,
fait mon travail, change de direction, délaissant Naxos.
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Alors le dieu, d’un air plaisant, comme s’il venait enfin de remarquer
la supercherie, examine la mer du haut de la poupe recourbée,
et feignant de pleurer, dit : ‘ Marins, ce ne sont pas là
les rivages promis, ni la terre que je vous ai demandée !
Quelle faute dois-je expier ? Quelle gloire y a-t-il pour vous,
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des jeunes hommes, à duper un enfant isolé, vous si nombreux ? ’
Depuis un moment je pleurais : la bande impie rit de mes larmes
et en hâte, à rames forcées, se met à battre les flots.
Maintenant, par le dieu même, - car nul dieu n’est plus présent que lui -,
je te jure que je te raconte des faits aussi vrais que les récits
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les plus dignes de foi : le bateau se dressa sur la mer
tout à fait comme en cale sèche, dans un chantier naval.
Les marins étonnés persistent à ramer, amènent les voiles
et tentent grâce à ces deux moyens de poursuivre leur course.
Du lierre entrave les rames, les enserre de ses courbes
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sinueuses et marque les voiles de lourds corymbes.
Le dieu, dont le front est ceint de grappes de raisins,
agite une hampe ornée de pampres feuillus.
Autour de lui sont couchés des tigres, de vains simulacres
de lynx et des corps de féroces panthères tachetées.
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Les hommes sautèrent par-dessus bord, frappés de folie,
ou de peur ; et en premier lieu, le corps de Médon commença
à devenir noir et à se plier, tandis que son dos pressé s’arquait.
Lycabas lui dit : ‘ Quelle forme étonnante prends-tu ? ’,
et tandis qu’il parlait, sa bouche devenait large,
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son nez se courbait, et sa peau endurcie se couvrait d’écailles.
Mais Libys, voulant tourner les rames qui le gênaient, voit,
en un éclair, ses mains rétrécir et cesser d’être des mains :
elles pouvaient désormais être appelées des nageoires.
Un autre, désireux de tendre les bras vers les cordes enmêlées,
680
n’avait plus de bras, et, avec son dos saillant sur un corps tronqué,
il plongea dans les ondes : sa queue toute neuve est recourbée
comme les cornes de la lune qui s’arquent et se séparent.
Partout ils font des bonds et éclaboussent abondamment,
émergent à nouveau puis retournent encore sous l’eau.
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Ils exécutent une espèce de chœur, lançant gaiement leurs corps
et soufflant de leurs larges narines l’eau de mer qu’ils ont aspirée.
De vingt hommes naguère - nombre de marins sur ce bateau -
j’étais le seul rescapé ; épouvanté, glacé, le corps tremblant,
et à peine maître de moi, le dieu me réconforta en disant :
‘ Rejette toute crainte de ton cœur, et gagne Dia ! ’ J’y fus débarqué,
j’accédai aux rites sacrés de Bacchus et suis assidu à son culte ».
Penthée qui n’accorde aucun crédit au récit d’Acétès ordonne de l’emprisonner et de préparer son exécution, mais le prisonnier est miraculeusement délivré de ses chaînes. Penthée, de plus en plus irrité, se rend dans la montagne, où sont célébrés les rites qu’il interdit. (3, 692-707)
Il voit les adeptes de Bacchus célèbrer ses mystères. Agavé, sa mère et ses tantes (Ino et Autonoé) et la foule des Bacchantes, en proie à une sorte de délire, le poursuivent, le mutilent, malgré ses supplications et ses aveux, et le mettent à mort. Ainsi fut instauré le culte de Bacchus dans la région de Thèbes. (3, 708-733)
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« Nous avons prêté l’oreille à tes longs détours », dit Penthée,
« pour que le délai puisse atténuer la violence de ma colère.
Serviteurs, saisissez cet homme, terrassez-le, infligez-lui les tourments
de cruels supplices, et vouez son corps à la nuit stygienne ! »
Aussitôt, on entraîne Acétès le Tyrrhénien et on l’enferme
dans une geôle solide ; et tandis que, en vue de sa mort ordonnée,
on prépare les instruments de torture, et le fer, et les flammes,
les portes de sa prison, dit-on, se sont ouvertes d’elles-mêmes,
les chaînes ont glissé de ses bras, sans personne pour les détacher.
Le fils d’Échion s’obstine ; désormais il ne donne plus l’ordre d’y aller,
il se rend lui-même sur le Cithéron, l’endroit choisi pour les rites sacrés,
qui résonait des chants et des voix claires des Bacchantes.
Comme un ardent coursier frémit, gagné par l’amour du combat,
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quand le trompette donne le signal du combat, de son bronze sonore,
ainsi les longs hurlements frappant l’éther ont ému Penthée
et les cris qu’il a entendus ont ravivé sa colère.
À peu près à mi-hauteur de la montagne au sommet ceint de forêts,
s’étend une plaine sans arbres, visible de partout.
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Là, tandis que de ses yeux profanes il découvre les mystères sacrés,
la première à le voir, la première à s’élancer dans une course insensée,
la première à violenter son cher Penthée en lançant son thyrse
fut sa mère, qui cria aussi : « Vous deux, mes sœurs, venez m’aider !
Cet énorme sanglier, qui erre sur nos terres, ce sanglier
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je dois l’abattre ». La foule entière en délire se précipite sur Penthée,
qui est seul ; toutes ensemble, elles poursuivent cet homme qui tremble,
désormais il tremble, désormais ses propos sont moins virulents,
désormais il se condamne, maintenant il reconnaît sa faute.
Blessé, il dit pourtant : « Autonoé, ma tante, sœur de ma mère,
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aide-moi, puisse l’ombre d’Actéon t’émouvoir ! »
Mais elle ignore qui est Actéon et tranche la droite du suppliant,
l’autre main a été déchirée quand Ino l’a arrachée.
Le malheureux n’a plus de bras à tendre à sa mère,
mais, montrant les blessures béantes de ses membres amputés :
« Regarde, mère ! », dit-il. À cette vue, Agavè poussa un hurlement,
agita son cou en tous sens, dans l’air secoua ses cheveux,
puis lui arracha la tête qu’elle serra de ses doigts ensanglantés
en criant : « Io, mes compagnes, cette œuvre est notre victoire ! ».
Les feuilles que touche le froid d’automne et qui désormais
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sont mal fixées en haut d’un arbre, le vent les détache plus vite
que leurs mains criminelles n’arrachent les membres de cet homme.
Fortes de tels exemples, les filles de l’Isménus célèbrent assidûment
le nouveau culte, offrant de l’encens au dieu et honorant ses autels sacrés.
devin (3, 511). Tirésias, qui avait prédit la fin de Narcisse (3, 339-348) ; voir aussi 3, 316ss.
Penthée (3, 513). Penthée est le fils d’Échion (un des cinq suvivants du massacre des « Spartoi » : 3, 101-130, et surtout 124-126) et d’Agavé, une des filles de Cadmos et d’Harmonie. Successeur de Cadmos comme roi de Thèbes, il est célèbre pour avoir voulu s’opposer à l’introduction à Thèbes du culte orgiaque de Bacchus-Dionysos. Il paiera de sa vie cette opposition, mis en pièces par les femmes thébaines et en particulier par Agavé : le dieu avait égaré leur raison. Penthée est le type même de l’impie, dont l’orgueil amène le châtiment, d’où la qualification de « contempteur des dieux » que lui donne Ovide (vers 514), une expression qui, chez Virgile (Én., 7, 648), caractérisait le roi Mézence. Le mythe de Penthée a inspiré dans l’Antiquité artistes et écrivains. On songera notamment aux Bacchantes d’Euripide.
Liber (3, 520). Ovide donne ici à Dionysos-Bacchus le nom d’un ancien dieu romain qui lui fut assimilé (cfr Fastes, 3, 713-724, et les notes). Dionysos-Bacchus est ici présenté comme d’origine thébaine, puisqu’il est le fils de Sémélè (3, 259-315). C’est donc un cousin de Penthée. Après la naissance miraculeuse dont il a été question plus haut, il fut élevé loin de sa patrie. Adulte, il découvrit la vigne et son usage, fut même frappé de folie par Héra pendant un certain temps et visita beaucoup de pays où ses séjours ne passèrent pas toujours inaperçus (Égypte, Syrie, Phrygie, Thrace, Inde). Après son expédition en Asie, Dionysos revint à Thèbes pour y instaurer son culte, et aussi pour venger sa mère, qui avait été calomniée par ses sœurs, notamment Agavè. À la mort de Sémélè en effet, Agavè avait répandu le bruit que sa sœur avait eu une aventure avec un mortel et non pas avec Jupiter. De retour à Thèbes, Dionysos y introduisit ses fêtes, les Bacchanales, où les participants, surtout les femmes (les Bacchantes), saisis d’un délire mystique, processionnaient en poussant des cris rituels.
Penthée, jugeant ces rites dangereux, voulut s’y opposer, malgré les avertissements de Tirésias. Considérant Dionysos comme un imposteur, il le fait capturer et enchaîner. Mais le dieu se libère tandis que le palais royal est la proie des flammes. Penthée alors, sur la suggestion de Dionysos, se rend dans la montagne du Cithéron pour y observer les rites des Bacchantes. Caché dans un pin, il est aperçu par Agavè et ses compagnes, qui s’emparent de lui. « Agavè la première, porte la main sur lui et s’emparant de sa tête, elle la fiche au sommet d’un thyrse, puis elle revient à Thèbes, portant fièrement ce qu’elle croit être la tête d’un lion. Une fois dans la ville, elle est détrompée par Cadmos, et s’aperçoit que celui qu’elle a tué [...] était son propre fils. » (P. Grimal).
Sur Penthée, voir aussi Hygin, Fab., 76 ; 124 ; 239. Virgile, Én., 4, 469-470.
Fils nés du serpent (3, 531). Allusion à l’origine des Thébains, nés des dents du dragon, fils d’Arès-Mars (3, 26-137).
Tyr (3, 539). Cadmos, le fondateur de Thèbes, la nouvelle Tyr, ville importante de Phénicie, d’où il provenait. (Cfr n. à 3, 3).
enfant (3, 553). Sur la présentation de Dionysos sous les traits d’un enfant, cfr la note à Fastes, 3, 773. « Le dieu est en effet généralement représenté sous les traits d’un adolescent » (H. Le Bonniec). Cfr aussi Ovide, Mét., 4, 17-18 : « ô Liber, ta jeunesse est indestructible, toi éternel enfant, toi qui es regardé comme le plus beau dans les hauteurs célestes ! »
Acrisius (3, 559). Roi d’Argos, Acrisius est le père de Danaé, et l’aïeul de Persée, dont Ovide reparlera en Mét., 4, 604-801ss. Il nous dit (4, 607-614) notamment que cet Acrisius avait fermé les portes d’Argos à Dionysos, refusant de le reconnaître pour fils de Jupiter, comme il refusera de reconnaître que son petit-fils Persée, né de Danaé, fécondée une pluie d’or, était le fils de Jupiter. Mais la notice selon laquelle Acrisios aurait refusé d’accepter le dieu à Argos n’est attestée nulle part ailleurs : il pourrait s’agir d’une invention d’Ovide.
aïeul (3, 564). L’aïeul de Penthée est Cadmos.
Athamas (3, 564). Athamas, fils d’Éole, roi béotien, dont la légende est complexe et s’est d’ailleurs chargée d’épisodes contradictoires. On ne sait pas très bien expliquer pourquoi il est ici présenté par Ovide comme un proche de Penthée. La version la plus célèbre le concernant fait de lui l’époux de Néphélè, dont il eut Phrixos et Hellé (Fastes, 3, 852-876). Mais violemment épris d’Ino, la fille de Cadmos, il répudia Néphélè et épousa Ino.
Tyrrhénien... (3, 576). Le personnage, dont le nom, Acétès, ne sera livré qu’au vers 582, est introduit comme Tyrrhénien (c’est-à-dire Étrusque), alors qu’au vers 584 le prisonnier affirmera que sa patrie est la Méonie. Il n’y a pas de réelle contradiction, puisque la Méonie est un autre nom de la Lydie, considérée comme le pays d’origine des Étrusques. Voir Virg., Én., 8, 479 et 8, 499 avec les notes. Géographiquement parlant, c’est vraisemblablement à la Lydie que songe ici Ovide.
Acétès (3, 582). Si les Bacchantes d’Euripide ne connaissent ni le nom ni l’histoire d’Acétès, Pacuvius, un auteur latin du IIe siècle avant J.-C., en faisait état dans son Penthée, une de ses tragédies dont nous n’avons plus que le résumé et qui semble inspirée par du matériel grec. Apparemment Pacuvius constitue la source d’Ovide. L’érudition moderne s’est beaucoup interrogée sur la personnalité profonde de cet Acétès : est-il le simple témoin des événements ou le dieu Dionysos lui-même ? Quelques rares indices dans le texte d’Ovide font toutefois pencher pour la seconde interprétation (cfr vers 658-659 et 696-700).
Chèvre d’Olénos... (3, 594-595). Énumération de constellations qui avaient une grande importance pour la navigation. Pour la constellation de la Chèvre d’Olénos, Fastes, 5, 113 et 5, 251 ; pour les Hyades et les Pléiades, représentées ici par Taygète, Fastes, 3, 105-106 et 4, 174 ; pour l’Ourse, Fastes, 2, 154 et 2, 189-190 ; 3, 107-108.
Délos... Chios (3, 597). Pour un navigateur venant de Lydie (Méonie) et s’avançant dans la mer Égée, l’île de Chios est au nord, à sa droite, et Délos, au sud, à sa gauche.
Opheltès (3, 605). Ce nom et la dizaine d’autres désignant les marins dans le passage qui suit (vers 605 à 676) sont librement choisis par Ovide, d’après leur origine géographique ou leur fonction, comme le fit souvent Virgile, dans ses énumérations de guerriers par exemple.
enfant (3, 607). Sur ce caractère enfantin, cfr 3, 553, avec la note.
ville toscane (3, 624). C’est-à-dire étrusque. Ici encore, il faut comprendre ville lydienne.
Naxos (3, 636). La plus grande des îles Cyclades, dans la mer Égée, au sud de Délos. Connue pour son culte à Dionysos, qui avait supplanté Poseidon lors de la répartition des villes où les différents dieux seraient honorés, l’île est encore liée à ce dieu par la légende d’Ariane, qui, abandonnée à Naxos par Thésée, y sera recueillie par Bacchus (Fastes, 3, 459-516 et les notes.)
coloré (3, 639). Sur le modèle d’Homère (cfr Iliade, 2, 637 : « douze nefs aux joues vermillonnées » ; ou Odyssée, 9, 127 : « un navire aux joues de vermillon »), Virgile présente régulièrement des bateaux qui sont censés « peints » (Én., 5, 663, mais cfr aussi 7, 431 ; 8, 93) ; il en est de même ici pour Ovide (cfr aussi 6, 511). Prise au sens strict, l’épithète homérique pourrait signifier que les flancs du bateau étaient peints en rouge, mais il est difficile de savoir ce qu’il en était dans la réalité. D’après le vieux Lexique des Antiquités Grecques de P. Paris - G. Roques, Paris, 1909, p. 268 : « on la peignait d’ordinaire [= la coque], du moins la partie au-dessus de la ligne de flottaison, en rouge, bleu ou autre couleur vive ».
pour soi (3, 642). Chacun a peur de perdre une occasion de faire du butin, si l’on dépose le jeune captif chez lui. (d’après Lafaye)
plus présent (3, 658-9). Premier indice suggérant peut-être que le dieu se dissimule sous les traits d’Acétès. Cfr aussi sa libération miraculeuse plus loin, aux vers 696-700.
corymbes... (3, 665ss). Les corymbes sont des grappes de lierre. Le lierre, de même que les rameaux de vigne et les raisins, sont les attributs de Bacchus, qui dans ses cortèges apparaît entouré de tigres et de panthères.
vains simulacres (3, 668). Les marins croient voir tout cela dans la réalité : ce ne sont évidemment que des illusions.
Les hommes... (3, 670-686). Description complaisante de la métamorphose des marins tyrrhéniens en dauphins. Peut-être est-elle une création d’Ovide.
Dia (3, 690). Dia est, surtout en poésie, le nom de l’île de Naxos, où Thésée aurait abandonné Ariane. Cfr plus haut, note à 3, 636.
se sont ouvertes d’elles-mêmes (3, 699). Miracle. Autre indice de la vraie identité d’Acétès, encore que le dieu aurait pu faire un miracle à distance, pour son adepte fidèle.
Cithéron (3, 702). Mont de Béotie, qui servait de théâtre aux orgies des Bacchantes. Voir aussi 2, 223, où Ovide dit du Cithéron qu’il est né pour un culte sacré.
sa mère (3, 713). La mère de Penthée est Agavè, fille de Cadmos et Harmonie, épouse d’Échion, et sœur de Sémélè, Ino et Autonoè. C’est Agavè qui, à la mort de Sémélè, avait répandu le bruit que cette dernière avait eu une aventure avec un mortel et non pas avec Jupiter. Dionysos avait ordonné aux femmes thébaines de célébrer ses mystères sur le Cithéron, et les avait frappées de délire. Et tandis que Penthée observait secrètement les Bacchantes, il fut aperçu par sa mère qui le prit pour un sanglier sauvage, et avec l’aide de ses sœurs et des autres, le déchira. Lorsqu’elle revint à la raison, Agavè s’enfuit de Thèbes, épouvantée.
mes sœurs (3, 713). Les sœurs d’Agavè sont Ino et Autonoé.
Actéon (3, 720-721). L’histoire d’Actéon, qui, transformé en cerf par Diane qu’il avait surprise au bain, fut dévoré par ses chiens, est racontée par Ovide en 3, 138-252.
Ino (3, 722). Sœur de Sémélè, Ino est une des filles de Cadmos et Harmonie. Tante maternelle de Bacchus, elle s’est occupée en secret du dieu dans sa prime enfance (cfr 3, 313). Elle aussi sera poursuivie par la haine de Junon, avant d’être transformée en déesse marine sous le nom de Leucothée, et assimilée à Rome à Matuta. Cfr Ovide, Fastes, 3, 852-862 ; 6, 475-550 et les notes (surtout aux vers 476, 483, 485, 501). Voir aussi Mét., 4, 416-562. Hygin, Fab., 1 à 6, résume les histoires de cette famille thébaine.
Io (3, 728). Interjection, transposée du grec, et traduisant un cri de joie, ou un cri de douleur. À ne pas confondre avec Io aimée de Jupiter (Mét., 1, 568-746)
filles de l’Isménus (3, 732-733). Les femmes de Thèbes, ville baignée par le fleuve Isménus.