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L’évocation de la vallée de Tempé, où réside le dieu fleuve Pénée, père de Daphné, introduit la métamorphose suivante, celle d’Io, fille du fleuve Inachus qui, comme Pénée, pleure sa fille disparue. (1, 568-587)
Jupiter aperçoit Io, décide de la posséder malgré elle, l’empêche de fuir en couvrant la terre de ténèbres, et lui ravit son honneur. Junon soupçonnant que cette obscurité soudaine couvre une infidélité de son mari, descend sur terre, mais Jupiter, pour soustraire Io à la fureur de son épouse, la transforme en une génisse d’une beauté éclatante. Junon, jalouse et méfiante, obtient que la génisse lui soit offerte en cadeau et décide de la confier à la garde d’Argus. (1, 588-624)
Il est en Hémonie, une zone que ferme de tous côtés
une forêt pentue : la vallée de Tempé, traversée par le Pénée,
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surgi des pieds du Pinde et y roulant ses eaux écumeuses ;
une forte chute produit des nuages de vapeurs légères,
qui s’agitent, retombent en pluie, arrosant les cimes des forêts ;
elle étourdit de son vacarme bien plus que les alentours.
C’est là que se trouvaient la demeure, le séjour, la sainte retraite
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du grand fleuve ; installé là, dans une grotte faite de rochers
il imposait des lois aux eaux et aux nymphes leurs hôtesses.
C’est là que convergent en premier lieu les fleuves de la région,
ne sachant s’ils doivent féliciter ou consoler le père de Daphné :
le Sperchios bordé de peupliers, l’Énipée, jamais en repos,
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le vieil Éridan, le paisible Amphrysos et l’Éas.
Bientôt arrivent d’autres fleuves qui, suivant l’élan de leur cours,
entraînent vers la mer des eaux lasses de leurs errances.
Seul l’Inachus est absent ; caché au fond d’une grotte,
il grossit de ses larmes le volume de ses eaux et, désespéré,
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pleure sa fille Io, comme si elle était perdue ; est-elle en vie ?
Est-elle chez les Mânes ? Il ne le sait, mais il ne la trouve nulle part,
et il pense qu’elle n’est nulle part, craignant le pire en son cœur.
Jupiter l’avait vue revenant de chez son père le fleuve et lui avait dit :
« Ô vierge digne de Jupiter, toi qui bientôt combleras je ne sais qui
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en l’accueillant dans ton lit, dirige tes pas vers ces hautes futaies
pleines d’ombres », - et il lui avait montré les bois pleins d’ombres -,
« pendant que le soleil est brûlant, très haut, au milieu de sa course.
N’aie pas peur d’entrer seule dans les repaires des bêtes sauvages,
tu t’avanceras au fond des bois, sous la sûre direction d’un dieu ;
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car je ne suis pas un dieu ordinaire : en ma main puissante
je tiens le sceptre céleste, c’est moi qui lance la foudre sinueuse ;
ne me fuis pas. » Car elle fuyait. Déjà elle avait laissé derrière elle
les pâtures de Lerne et les champs plantés d’arbres du Lyrcée,
lorsque le dieu cacha les terres en les recouvrant d’obscurité ;
il arrêta ainsi Io dans sa fuite et lui ravit son honneur.
Cependant Junon, abaissant ses regards sur la terre,
s’étonna de voir se lever, au cours d’un jour lumineux,
des nuages rapides qui firent apparaître la face de la nuit ;
elle comprit qu’ils ne montaient ni du fleuve ni du sol humide.
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Et elle se mit à chercher autour d’elle où se trouvait son époux,
dont elle connaissait les infidélités, pour l’avoir surpris tant de fois.
Ne le trouvant pas dans le ciel, elle dit : « Ou je me trompe,
ou je suis trompée ». Se laissant glisser du sommet de l’éther,
elle prit pied sur terre et ordonna aux nuages de se retirer.
Jupiter, qui avait prévu l’arrivée de son épouse,
avait transformé la fille d’Inachos en une génisse éclatante.
Même génisse, elle est belle ; la Saturnienne, malgré elle,
admire la beauté de la vache et, comme si elle ignorait la vérité,
demande à qui elle appartient, d’où elle vient et de quel troupeau.
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Jupiter, la disant née de la terre, ment pour que cesse
l’enquête sur son maître. La Saturnienne l’exige comme présent.
Que faire ? Lui céder l’objet de ses amours serait cruel,
ne pas le lui offrir, suspect. Sa honte lui conseille de céder
et son amour l’en dissuade. L’amour pourrait triompher de la honte,
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mais s’il refusait ce modeste présent à celle qui partage sa couche,
à sa sœur, la vache pourrait ne pas passer pour une simple vache.
Dès qu’elle eut reçu sa rivale en cadeau, la déesse ne se départit pas
aussitôt de sa crainte ; anxieuse, elle redouta un rapt par Jupiter,
jusqu’au jour où elle confia la garde d’Io à Argus, fils d’Arestor.
Réduite à courir les pâturages et à ne plus émettre que des mugissements, la génisse Io, impitoyablement surveillée par Argus aux cent yeux, arrive au bord de l’Inachus et parvient, en traçant des signes sur le sol à l’aide de son sabot, à se faire reconnaître. Argus revient arracher Io à son père consterné, et l’emmène en un lieu où il pourra mieux la surveiller. (1, 625-667)
Jupiter apitoyé par le sort de Io dépêche Mercure sur terre, avec mission de supprimer Argus. Se faisant passer pour un berger jouant sur une flûte de roseaux, Mercure s’approche d’Argus qui, séduit par ses récits et ses chants, cherche à résister à la torpeur qui le gagne en lui demandant l’origine de ce nouvel instrument. (1, 668-688)
Mercure raconte à Argus l’histoire de Syrinx, naïade adepte de Diane et vouée à la virginité. Pour échapper aux poursuites de Pan, elle obtint d’être métamorphosée par les eaux du Ladon qui lui barrait la route, si bien que Pan ne put saisir que des roseaux. En découvrant que, lorsqu’il soupirait, l’air traversant les roseaux produisait une mélodie agréable, Pan songea à assembler des roseaux avec de la cire pour en faire la flûte de Pan, à qui il donna le nom de syrinx. (1, 689-712)
Mercure, dont les récits avaient triomphé de la vigilance d’Argus, endormit complètement le monstre à l’aide de sa baguette magique, puis le décapita d’un coup d’épée. Junon recueillit alors les yeux éteints d’Argus, pour en parer la queue du paon, son oiseau sacré. (1, 713-724)
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Argus avait la tête entourée de cent yeux,
qui, par deux, à tour de rôle, se reposaient ;
les autres veillaient et restaient en faction.
Quelle que soit la position adoptée, il regardait vers Io.
Même le dos tourné, il avait Io sous les yeux.
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Le jour, il la laisse paître ; une fois le soleil enfoncé sous la terre,
il l’enferme et lui entoure le cou de liens bien indignes d’elle.
Elle se nourrit de feuilles d’arbres et d’herbe amère ;
pour lit, la malheureuse a la terre, pas toujours couverte de gazon,
et pour boisson, l’eau vaseuse des cours d’eau.
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Même quand elle voulait tendre les bras vers Argus
en suppliante, elle n’avait pas de bras à tendre à Argus ;
si elle essayait de se plaindre, sa bouche mugissait,
et ces sons la terrifiaient ; sa propre voix l’effrayait.
Un jour elle parvint aux rives où souvent elle jouait,
près de l’Inachus ; dès qu’elle vit dans l’eau ses cornes nouvelles,
elle prit peur et recula, consternée devant son image.
Les Naïades l’ignorent, et Inachus lui-même ignore qui elle est ;
mais elle, elle suit son père, elle suit ses sœurs,
elle se laisse toucher et s’offre à ceux qui l’admirent.
Le vieil Inachus lui tend des herbes qu’il a cueillies ;
elle lui lèche les mains, couvre de baisers les paumes paternelles,
sans pouvoir retenir ses larmes ; si seulement elle pouvait parler,
elle le prierait de l’aider, lui dirait son nom et ses malheurs.
En guise de mots, le message que trace son sabot
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dans la poussière constitua la triste preuve de sa métamorphose.
« Malheureux que je suis ! », s’exclame son père Inachus,
se suspendant aux cornes et au cou de la blanche génisse, qui gémit.
« Malheureux que je suis ! », répète-t-il ; « Est-ce bien toi, ma fille,
que j’ai cherchée partout ? Quand je te cherchais sans te trouver,
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tu m’étais un chagrin moins lourd ! Tu te tais, tu ne réponds pas
à mes paroles ; ton cœur se borne à de profonds soupirs,
et la seule chose que tu puisses faire, c’est mugir quand je te parle.
Mais, ignorant, je te préparais une chambre et des torches nuptiales ;
mon premier espoir était d’avoir un gendre, le second, des petits-enfants.
Maintenant, ton époux, ton enfant devront venir d’un troupeau.
En outre, la mort ne peut mettre un terme à de si grandes douleurs :
mon malheur est d’être un dieu ; la porte de la mort est close
pour moi et mon deuil doit se prolonger pour l’éternité ».
Tandis qu’il se lamente ainsi, Argus aux cent yeux l’écarte,
arrache la fille à son père, et l’entraîne vers d’autres pâturages.
Il s’éloigne et va occuper le sommet d’une haute montagne
où il trône, scrutant de là haut dans toutes les directions.
Le maître des dieux ne supporte pas de voir la fille de Phoronée
souffrir plus longtemps de si grands maux ; il convoque le fils
que lui donna une lumineuse Pléiade, et lui ordonne de tuer Argus.
Sans tarder le dieu fixe des ailes à ses pieds,
saisit dans sa main puissante la baguette qui endort
et pose sur ses cheveux son couvre-chef. Aussitôt, ainsi équipé,
le fils de Jupiter quitte la citadelle céleste et descend sur terre.
Là, il ôte son chapeau, dépose ses ailes, ne gardant que sa baguette.
Avec celle-ci, tel un berger, il arrive poussant des chèvres
à travers champs et assemble des roseaux sur lesquels il joue un air.
Cette musique et cet art inconnus charment le gardien de Junon :
« Qui que tu sois, tu pourrais t’asseoir avec moi sur ce rocher », dit Argus,
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« car nulle part un troupeau ne trouve une herbe plus riche,
et tu vois que l’ombre y est propice aux bergers. »
Le rejeton d’Atlas s’assied et, à force de paroles, occupe
le jour qui passe, et, tirant des airs de roseaux assemblés,
il essaie de triompher des yeux toujours en éveil.
Argus cependant lutte pour vaincre une douce torpeur,
et si le sommeil occupe déjà certains de ses yeux,
les autres restent vigilants. Il demande même de quelle façon
avait été inventée la flûte, qui venait d’être découverte.
Alors le dieu dit : « Au pied des montagnes glacées d’Arcadie,
parmi les Hamadryades de Nonacris, la plus célèbre
était une Naïade que les nymphes appelaient Syrinx.
Plus d’une fois, elle avait échappé aux satyres qui la poursuivaient
et aux dieux qui hantent les forêts ombreuses et les grasses campagnes.
Elle honorait par ses activités la déesse d’Ortygie, et même
lui avait voué sa virginité ; ceinte elle aussi à la manière de Diane,
elle aurait pu faire illusion et passer pour la fille de Latone,
si elle n’avait eu un arc de corne, au lieu de l’arc d’or de la déesse.
Même ainsi, on les confondait. Un jour qu’elle revenait du mont Lycée,
Pan la voit et, portant sur la tête une couronne d’aiguilles de pin,
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il lui adresse ces paroles... » Il restait au dieu à relater le discours de Pan,
et le dédain de la nymphe pour ses prières et sa fuite à travers champs,
jusqu’à ce qu’elle arrive au bord sablonneux du paisible Ladon ;
là, les eaux arrêtant sa course, elle avait prié
ses sœurs liquides de la métamorphoser.
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Pan croyait déjà Syrinx à sa merci, mais dans ses mains
il saisit des roseaux du marais et non le corps de la nymphe.
Et tandis qu’il pousse des soupirs, l’air qu’il a déplacé
à travers les roseaux produit un son léger, une sorte de plainte.
Séduit par cette nouveauté et la douceur de cette mélodie,
Pan dit : « Pour moi, cela restera un moyen de converser avec toi ».
Et ainsi grâce à des roseaux inégaux reliés entre eux
par un joint de cire, il perpétua le nom de la jeune fille.
Sur le point de raconter cela, le dieu du Cyllène voit
tous les yeux d’Argus relâchés et ses regards voilés de sommeil.
Il arrête aussitôt de parler et, effleurant de sa baguette magique
les yeux languissants du monstre, il en accentue la torpeur.
Puis brusquement, tandis qu’Argus incline la tête, il le frappe
de son épée munie d’un croc à la jointure du cou, et précipite
du rocher la tête sanglante, qui tache de son sang la paroi abrupte.
Argus, te voilà gisant ; la lumière de tes regards si nombreux
s’est éteinte, et sur tes cent yeux règne une nuit sans fin.
La Saturnienne les recueille et les place sur le plumage de l’oiseau
qui est sien, lui couvrant la queue d’étincelantes pierres précieuses.
Habitée par l’Érinye suscitée par Junon, Io fuit à travers le monde et, découragée, échoue en Égypte, d’où elle implore Jupiter de mettre fin à ses malheurs. Jupiter ayant juré solennellement à Junon qu’elle n’aurait plus rien à craindre de sa rivale Io, il rend à celle-ci sa forme primitive. Io devient en Égypte la très honorée déesse Isis, tandis que leur fils, connu sous le nom d’Épaphus, est honoré avec sa mère dans des temples. (1, 724-749)
Cet Épaphus un jour met en doute l’affirmation de son compagnon de jeux, Phaéton, qui se prétend fils du Soleil (Apollon). Clymène, la mère de Phaéton, rassure sur sa filiation son fils ulcéré en prenant à témoin le Soleil lui-même. Désirant une preuve certaine de son origine, Phaéton, sur le conseil de sa mère, part s’informer personnellement au pays où se lève le Soleil. (1, 750-779)
Dans la foulée Junon s’enflamma et, cherchant une prompte vengeance,
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fit paraître l’horrible Érinye devant les yeux et dans le cœur
de sa rivale Argienne, enfouissant dans sa poitrine des aiguillons secrets,
qui la chassent et la tourmentent dans l’univers entier.
Tu restais, ô Nil, l’ultime étape de ses épreuves infinies.
Dès qu’elle eut atteint ce fleuve, Io s’agenouilla sur sa rive
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et se coucha, le cou en arrière, levant haut, sa face,
vers les astres, la seule chose qu’elle put lever ; gémissant,
avec des larmes et un mugissement lugubre, elle sembla
se plaindre à Jupiter et implorer la fin de ses malheurs.
Lui, étreignant de ses bras le cou de son épouse,
lui demande de mettre un terme au châtiment et lui dit :
« Cesse de craindre à l’avenir. Jamais plus Io ne sera pour toi
une cause de souffrance » ; et il oblige les marais du Styx à l’entendre.
Dès que la déesse s’est apaisée, Io reprend sa forme ancienne
et redevient ce qu’elle a été ; les poils disparaissent de son corps,
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ses cornes décroissent, le globe de ses yeux se fait plus étroit,
son museau se contracte, ses épaules et ses mains reparaissent,
ses sabots se dissolvent et se transforment chacun en cinq ongles.
De la vache, il ne lui reste que la blancheur éclatante de sa beauté.
Contente de retrouver l’usage de ses deux pieds, la nymphe se redresse,
mais se garde de parler, de peur de mugir comme une génisse.
Puis timidement elle réessaie les mots qu’elle avait cessé de prononcer.
Maintenant une foule habillée de lin honore grandement la déesse.
À présent, Épaphus passe finalement pour être né du grand Jupiter,
et occupe, dans les cités, des temples associés à ceux de sa mère.
Le fils d’Io avait un compagnon de son âge et de son tempérament,
Phaéton, fils du Soleil ; un jour que ce dernier, parlant abondamment
et avec superbe de son père Apollon, refusait de s’effacer devant lui,
le descendant d’Inachus ne le supporta pas et dit : « Insensé, tu crois
tout ce que dit ta mère et tu es plein de l’image d’un père imaginaire. »
Phaéton rougit ; de honte il étouffa sa colère, mais il rapporta
à sa mère Clymène les insultes d’Épaphus, en disant :
« Mère, au risque d’ajouter encore à ta douleur, je me suis tu,
moi, un garçon si libre, si intrépide ; j’ai honte qu’il ait pu tenir
contre nous ces propos outrageants, sans que j’aie pu les contester.
Mais de ton côté, si du moins je suis issu d’une race céleste,
donne-moi une preuve de cette origine, et pour moi revendique le ciel ».
Sur ces paroles, il entoura de ses bras le cou de sa mère ;
par sa tête et celle de Mérops, par les torches nuptiales de ses sœurs,
il la supplia de lui fournir des signes attestant de son vrai père.
On ne sait si Clymène fut plus ébranlée par les prières de Phaéton
que par la colère d’être victime d’une pareille insulte,
mais, les bras tendus vers le ciel et les yeux fixés vers la lumière du soleil :
« Par cet astre remarquable aux rayons étincelants, » dit-elle,
« je te le jure, mon fils, - il nous entend et il nous voit -,
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c’est de ce Soleil que tu contemples, de cet astre qui règle l’univers,
que tu es né. Si je mens, qu’il refuse lui-même d’être vu
par moi, et que ce jour soit le dernier de ma vie.
Tu pourras sans longs efforts connaître les pénates paternels.
Le palais d’où il prend son élan est proche de notre pays.
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Si le cœur t’en dit, mets-toi en route et informe-toi auprès de lui ».
Aussitôt, tout heureux après ces paroles de sa mère,
Phaéton s’élance, et imagine l’éther ; il traverse son Éthiopie
et le pays des Indiens placés sous les feux de l’astre,
puis il se hâte vers l’endroit où se lève son père.
Io (568-750). Les traditions sur Io diffèrent, comme c’est souvent le cas, mais en font généralement une princesse d’Argos, descendante ou fille d’Inachus. Ovide donne ici un récit assez détaillé de sa légende.
Hémonie (1, 568). Autre nom de la Thessalie.
Tempé... (1, 569-570). La vallée de Tempé, en Thessalie, où coule le Pénée, est considérée par les poètes anciens comme un endroit particulièrement beau et agréable (par ex. : Virg., Géorg., 2, 469 ; Horace, Odes, 3, 124 ; Ovide, Fastes, 4, 477). Le Pinde est une montagne de Thessalie consacrée à Apollon et aux muses. Pour le Pénée, voir le passage 1, 452-567 et la note.
Sperchios... (1, 579-580). Ovide énumère divers cours d’eau de Thessalie, qui se jettent dans la mer Égée, à l’exception de l’Éas, qui se jette dans l’Adriatique. L’Éridan, autre nom du Pô, est peut-être un homonyme, car on ne voit pas bien pourquoi Ovide aurait mis dans l’énumération présente un fleuve du Nord de l’Italie. (Nous adoptons ici le texte de L. Lafaye, dans la collection Budé, le texte de la Latin Library remplace Eridanus par Apidanus).
Inachus (1, 583). L’Inachus est le principal cours d’eau de l’Argolide. Fils d’Océan et de Téthys, le dieu-fleuve aurait, selon la légende, plusieurs enfants dont Io, de qui il va maintenant être question. On retrouvera son nom en 1, 640 et suivants. Sur cet Inachus, cfr Virgile, Én., 7, 287, 7, 372 et 7, 791-792.
un dieu ordinaire (1, 595). Le texte latin dit « un dieu issu de la plèbe ». Ovide actualise son récit mythologique avec des références à des réalités romaines. On a observé plus haut un souci du même ordre dans la présentation du Palatin céleste et du conseil de Jupiter (1, 167-181).
Lerne... Lyrcée (1, 597-598). Lerne est un marais au sud d’Argos, célèbre par l’hydre que terrassa Hercule ; le mot Lyrcée désigne une montagne et une ville d’Argolide.
infidélités (1, 605). Les infidélités de Zeus-Jupiter sont proverbiales depuis Homère (par exemple, Iliade, 14, 315-328). La jalousie d’Héra-Junon l’est tout autant.
Saturnienne (1, 612). Junon-Héra, fille de Saturne.
sa sœur (1, 620). Junon était à la fois la sœur et l’épouse de Jupiter. Voir par exemple Homère, Iliade, 16, 432 ; Virgile, Én., 1, 47.
Argus, fils d’Arestor (1, 624). Argus, surnommé Panoptès (« Celui qui voit tout »), est un géant doté d’une force peu commune, héros purificateur de monstres et veilleur infatigable. Il avait selon les variantes, un seul œil, ou quatre yeux, deux devant et deux derrière, ou bien encore une infinité d’yeux répartis sur tout le corps. Ovide lui attribue ici cent yeux. Le rôle d’Argus comme gardien préposé à Io est évoqué par Virgile décrivant le bouclier de Turnus (Én., 7, 789-792). Arestor est, parmi d’autres, un père proposé pour Argus.
Inachus (1, 640). Voir 1, 583.
Phoronée (1, 668). D’après Hygin (Fab., 143), Phoronée serait un fils d’Inachus et donc un frère d’Io. Ovide semble le considérer ici comme un ancêtre d’Io.
le fils... (1, 669-670). Il s’agit de Mercure, fils de Jupiter et de Maia. Hermès-Mercure est le dieu messager, représenté avec des talonnières en forme d’ailes. La légende lui attribue généralement l’invention de la première lyre et parfois celle de la flûte (la syrinx ou flûte de Pan. Cfr 1, 689-712). Il est censé protéger les commerçants, les voyageurs et les voleurs ; il joue aussi le rôle de « psychopompe », littéralement « conducteur des âmes », qu’il conduit dans les enfers ou qu’il ramène sur terre. Voir Ovide, Fastes, 5, 87 et 5, 103-104 ; Virgile, Én., 4, 239-244.
lumineuse Pléiade (1, 670). Maia, fille d’Atlas et de Pleionè, mère de Mercure, faisait partie, avec ses sœurs, de la constellation des Pléiades, d’où l’adjectif « lumineuse ». Cfr Fastes, 4, 174 et 5, 85.
baguette qui endort (1, 672). Homère (Iliade, XXIX, 343-344), évoquant le caducée d’Hermès, parle de « la baguette au moyen de laquelle il charme à son gré les yeux des mortels ou réveille ceux qui dorment ». Mais la fonction principale du bâton d’Hermès n’était évidemment pas d’endormir les gens éveillés et de réveiller les dormeurs. Cfr aussi 1, 715, et 2, 735.
tel un berger (1, 676). Rappel érudit. Le caducée d’Hermès, qui symbolise le rôle de héraut divin propre au dieu, provient de la transformation de la houlette d’or dont Apollon se servait pour garder les troupeaux d’Admète et dont il aurait fait cadeau à Hermès en échange de la syrinx.
rejeton d’Atlas (1, 682). Périphrase désignant Mercure, petit-fils d’Atlas par sa mère Maia.
flûte (688). Instrument à vent, connu sous le nom de « flûte de Pan » et associé dès Homère aux bergers (Iliade, 18, 525-526). C’est la syrinx des Grecs. Son invention est généralement attribuée à Pan (par exemple Virgile, Bucoliques, 2, 32-33) ; mais d’autres textes en créditent Hermès (par exemple Hymne Homérique à Hermès 1, 511-512).
Alors le dieu dit... (1, 689-712). Ici se situe un récit dans le récit, procédé très utilisé dans les Métamorphoses. L’histoire de la nymphe Syrinx est très « bucolique ».
Hamadryades de Nonacris (1, 690). Les Hamadryades étaient des nymphes des forêts ; Nonacris est une ville du nord de l’Arcadie, patrie du dieu Pan et des bergers.
déesse d’Ortygie (1, 694-697). Ortygie est un autre nom pour Délos, l’île où Apollon et Diane (Artémis) naquirent de Latone (Léto). Des vocables différents sont donc utilisés pour désigner Diane, déesse de la chasse, vouée à la virginité. Souvent dans la littérature, Diane a servi de modèle pour l’évocation de figures féminines vraies ou déguisées. Voir par exemple : Virgile, Én., 1, 498-502 (pour Didon) et 1, 314-329 (pour Vénus).
Lycée (1, 698). Une montagne du sud de l’Arcadie, consacrée au dieu Pan. Cfr 1, 217.
Ladon (1, 702). Fleuve d’Arcadie, consacré à Apollon.
Cyllène (1, 713). Montagne d’Arcadie (cfr 1, 217), où naquit Mercure (Hermès). Le récit concernant Syrinx terminé, Ovide revient donc à Argus et, partant, à Io.
baguette magique (1, 715). Cfr 1, 672 et 2, 735.
munie d’un croc (1, 717). C’est la harpè, une arme très bien décrite dans le Dictionnaire des antiquités de A. Rich (Paris, 3e éd., 1883, p. 312) : « Espèce particulière d’épée ou de poignard avec un crochet pareil à une épine (hamus) en saillie sur la lame à une certaine distance au-dessous de la pointe (mucro). Selon la fable, ceux qui se servirent de cette arme furent Jupiter, Hercule, et plus particulièrement Mercure et Persée ; elle est attribuée plus universellement à ce dernier, comme une arme caractéristique, par les artistes anciens, dans leurs sculptures, peintures et pierres gravées ».
En guise d’illustration, on trouvera ci-contre le détail d’une peinture pompéienne, où le crochet de la harpè est très clairement visible. La peinture représentait Persée, vainqueur de Méduse. Cfr aussi 4, 667 ; 4, 720 ; 4, 727, et 5, 176. Un autre détail de cette même peinture, à savoir les talonnières (sandales ailées) du héros, figure dans la note à 4, 665-667.
plumage de l’oiseau (1, 722). Le paon est traditionnellement l’oiseau sacré de Junon (Héra), fille de Saturne. Il est représenté avec la déesse sur le monnayage de Samos, de Cos et d’Halicarnasse. Ici Héra est censée disposer les yeux d’Argus sur la queue du paon ; dans d’autres récits (Scholie à Aristophane, Les Oiseaux, 102), c’est Héra qui aurait transformé Argus en paon.
horrible Érinye (1, 725). Les Érinyes, ou Euménides ; à savoir Allecto, Mégère et Tisiphone, sont les divinités du remords, préposées au châtiment des coupables dans l’au-delà et en cette vie (elles rendent démentes leurs victimes). Appelées d’abord Érinyes, elles reçurent le nom d’Euménides par antiphrase (après l’intervention d’Athéna en faveur d’Oreste, lors du meurtre de Clytemnestre). Les Dirae (ou Furies) sont leur équivalent latin. Virgile, qui les identifie parfois aux Bacchantes (cfr 4, 469), les fait intervenir souvent dans l’Én. (cfr par exemple 4, 610 ; 6, 250 ; 6, 280 ; 6, 374 ; 8, 701 ; 12, 845 ; 12, 869). Le mot étant ici au singulier, on songe à la Tisiphone de l’Én. (6, 280 ; 6, 555 ; 6, 570 ; 10, 761).
Nil (1, 728). Ovide transporte le récit en Égypte, le lieu où Io est censée avoir retrouver sa forme humaine, avant d’être assimilée à la déesse égyptienne Isis, ce qu’Ovide ne signale qu’indirectement. Un lien entre Io et Isis figure déjà chez Hérodote (2, 41) : « La statue d’Isis, qui est celle d’une femme, porte des cornes de vache, ainsi que chez les Grecs des images d’Io » (Trad. Ph.-E. Legrand).
Styx (1, 737). Sur le serment par le Styx qui engageait irrévocablement les dieux, cfr supra, 1, 189. Les dieux qui juraient par le Styx risquaient de perdre leurs pouvoirs en cas de parjure. Voir notamment, Fastes, 2, 536 et surtout 3, 322.
habillée de lin (1, 747). Il s’agit des prêtres égyptiens. Cfr Hérodote, II, 37 : « Ils portent des vêtements de lin, toujours lavés de frais, chose à laquelle ils veillent avec le plus grand soin. » (trad. Ph.-E. Legrand).
Épaphus (1, 748). C’est le nom du fils d’Io et de Jupiter ; né au bord du Nil, il sera d’abord poursuivi par la hargne d’Héra, puis sauvé par Jupiter et recueilli par sa mère Io. Lorsque Io sera confondue avec Isis, son fils sera identifié à Apis (Hérodote, 2, 153 ; 3, 27 : « Les bœufs sont considérés comme la propriété du dieu Épaphus ou Apis »). Ovide ne fait qu’effleurer cette question : la fin de l’histoire d’Io ne l’intéresse apparemment que pour introduire - un peu artificiellement - son nouveau sujet, la légende de Phaéton, qui occupe une bonne partie du livre 2 des Métamorphoses.
Phaéton (1, 751). La version la plus connue de la légende de Phaéton fait de lui un fils du Soleil et de Clymène, l’Océanide, laquelle l’éleva dans l’ignorance de qui était son père. Ovide consacre de nombreux vers au personnage (1, 750-779 et 2, 1-400).
Clymène... Mérops... ses sœurs (1, 756 et 763). Clymène, fille d’Océan et de Téthys, est la mère de Phaéton dans les versions conservées du mythe. Épouse de Mérops (1, 763), roi d’Éthiopie, elle l’aurait trompé avec Hélios (le Soleil = Apollon), et aurait mis au monde Phaéton. Les sœurs de Phaéton sont les Héliades, dont il sera question plus loin (2, 333-366).
le palais... (1, 774ss). Le Soleil se levant à l’est, son palais - qui sera décrit en 2, 1-18 - était situé en Orient ; il ne faut pas essayer de comprendre selon quelle géographie l’Éthiopie (« notre pays », cfr aussi 1, 777) était proche de ce palais en question, « du côté des Indiens » (1, 778).