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À Iolcos où l’on célèbre le retour des Argonautes, Jason, regrettant de voir son père empêché par l’âge de participer à l’allégresse générale, demande à son épouse Médée de rajeunir Éson, offrant en échange des années de sa propre vie. Médée accepte de tenter l’opération, stimulée peut-être par la piété filiale de Jason, si différente de la sienne. (7, 159-178)
Trois nuits plus tard, à la pleine lune, Médée part seule, respectant les prescriptions d’usage en matière de magie, et invoque les puissances de la Nuit, favorables aux magiciens. Elle énumère d’abord les divers pouvoirs qu’elle leur doit et qui ont permis notamment à Jason de surmonter les épreuves imposées ; puis, confiante en son art, elle leur demande le pouvoir de rajeunir Éson, quand un char tiré par des dragons se présente devant elle. (7, 179-219)
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Les mères d’Hémonie, et les pères chargés d’ans, heureux du retour
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de leurs fils, apportent des présents et brûlent l’encens
posé sur les flammes. Ils s’acquittent de leurs vœux avec une victime
aux cornes couvertes d’or. Mais Éson, déjà proche du trépas
et épuisé par les ans, n’est pas parmi ceux qui rendent grâces.
Alors Jason, son fils, parla ainsi : « Ô mon épouse, c’est à toi,
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je le reconnais, que je dois mon salut, tu m’as déjà tout donné
et la somme de tes bienfaits dépasse tout ce que l’on peut croire.
Pourtant, si tes charmes le peuvent – car quel n’est pas leur pouvoir ? –
retire des années de ma vie, et ajoute-les à celles de mon père ! »
Il ne contenait pas ses larmes. La piété de ce fils qui la prie la touche,
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et Aeétès, qu’elle a abandonné, hante son esprit autrement disposé.
Pourtant, sans manifester son émotion, elle dit : « Mon époux,
quelle parole criminelle sort de ta bouche ? Crois-tu vraiment que moi,
je pourrais transmettre à qui que ce soit une portion de ta vie ? »
Qu’Hécate m’en préserve ! Du reste, ta demande est injuste. Cependant,
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Jason, je tenterai de te donner un présent qui dépasse ta demande.
Par mon art, j’essaierai de rajeunir la longue vie de mon beau-père,
mais non aux dépens de tes années à toi, pourvu que m’aide la triple déesse
et que, par sa présence, elle approuve mon immense audace. »
Il fallait encore trois nuits pour que les cornes de la lune se rejoignent
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complètement et forment son disque. Quand, devenue tout à fait pleine,
elle se mit à briller et quand, sous sa forme entière, elle regarda la terre,
Médée sort de sa demeure, vêtue d’une robe sans ceinture,
pieds nus, cheveux dénoués épars sur les épaules.
Elle s’avance d’un pas indécis, sans être accompagnée,
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dans le pesant silence de minuit. Un profond sommeil
avait relâché hommes, oiseaux et bêtes sauvages. [Sans un bruit,
elle se faufile telle une somnambule.] Nul murmure ne monte des haies,
silencieux sont les feuillages immobiles, silencieux l’air humide ;
seules les étoiles scintillent. Tendant les bras vers elles,
trois fois, elle tourne sur elle-même, trois fois, elle se mouille
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les cheveux avec de l’eau puisée dans un fleuve, et trois fois
sa bouche émet un hurlement. Puis, genou fléchi sur la terre dure,
elle dit : « Nuit, très fidèle amie des secrets, et vous,
astres d’or, qui avec la lune succédez aux feux du jour,
et toi, Hécate aux trois têtes, confidente de mes desseins,
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qui viens en aide aux incantations et à l’art des magiciens,
et toi, Terre, qui fournis aux magiciens tes herbes puissantes,
et vous, brises et vents et monts et fleuves et lacs, et vous,
tous les dieux des bois, et tous les dieux de la nuit, assistez-moi.
Avec votre aide, quand je l’ai voulu, les fleuves ont étonné leurs rives
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et sont remontés à leur source. Par mes incantations,
j’apaise les mers agitées, et j’agite les flots apaisés,
je chasse et j’amasse les nuages, j’éloigne et j’appelle les vents ;
par mes formules et mes chants, je brise la gorge des serpents,
je rends vivants les rochers et les chênes, je les arrache à leur terre,
et je déplace les forêts ; sur mon ordre, les montagnes tremblent,
le sol gronde et les Mânes sortent des tombeaux !
Je t’attire toi aussi, ô Lune, malgré les bronzes de Témèse
qui cherchent à diminuer tes souffrances ; en outre mon chant ternit
l’éclat du char de mon aïeul et mes poisons font pâlir l’Aurore !
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C’est vous qui avez affaibli pour moi les flammes des taureaux
et soumis leurs cous indociles au joug de la charrue recourbée ;
vous qui avez livré les fils du serpent à de sauvages luttes fratricides,
c’est vous qui avez endormi son gardien résistant au sommeil et envoyé
dans les villes de Grèce le trophée d’or, en trompant son défenseur.
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Maintenant, j’ai besoin de sucs qui rajeuniraient un vieillard
et lui feraient retrouver la fleur de ses premières années.
Et vous me les donnerez ; car les astres n’ont pas brillé pour rien
et ce n’est pas en vain qu’un char tiré par le cou de dragons ailés
est ici. » Un char en effet était là, descendu de l’éther.
Avec son char miraculeusement tombé du ciel, Médée parcourt la Thessalie durant huit jours, pour y cueillir sur les montagnes et le long des rivières les plantes nécessaires au rajeunissement d’Éson. (7, 220-237)
Munie des fruits de sa cueillette, elle rentre à Iolcos et, seule à l’extérieur de la demeure, elle dresse deux autels en l’honneur d’Hécate et de Iuventa, à qui elle immole un animal de toison noire, dont elle verse le sang dans deux trous creusés par ses soins ; puis, après des libations et des incantations magiques, elle invoque diverses divinités, dont Pluton et Proserpine, leur demandant de ne pas retirer la vie d’Éson. (7, 238-250)
Le vieil Éson est ensuite sorti de la demeure, et Médée l’étend sur une couche d’herbes, puis l’endort profondément. Elle fait s’écarter tous les témoins, tandis que, respectant des rites précis comme pour une cérémonie bacchique, elle procède aux ultimes préparatifs du rajeunissement : triple purification autour du corps, confection du philtre à l’aide d’ingrédients aussi divers qu’inattendus dans un chaudron bouillonnant. (7, 251-274)
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Dès que Médée fut montée sur le char, qu’elle eut caressé le cou
des dragons bridés et secoué les rênes légères qu’elle tenait en mains,
elle est enlevée dans les airs. Elle regarde d’en haut la thessalienne Tempé,
étendue sous ses yeux, et dirige ses serpents vers des lieux précis.
Elle examine les herbes poussant sur l’Ossa et sur le haut Pélion,
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sur l’Othrys et le Pinde et l’Olympe, plus majestueux que le Pinde ;
elle arrache avec leur racine les herbes qui lui conviennent,
en coupe d’autres avec une faucille de bronze à la lame recourbée.
Elle en choisit beaucoup aussi sur les rives de l’Éridan, beaucoup aussi
près de l’Amphrysus ; et toi, Énipée, tu ne fus pas à l’abri de sa cueillette.
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Le Pénée et les ondes du Sperchios apportèrent aussi leur part,
ainsi que les rives couvertes de joncs du lac Boebé.
Elle cueillit aussi à Anthédon, en Eubée, une herbe vivifiante,
qui n’était pas connue encore par la métamorphose de Glaucus.
Et déjà le neuvième jour et la neuvième nuit l’avaient aperçue à son retour
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parcourant partout les campagnes sur son char aux dragons ailés ;
et les dragons, qui n’avaient été touchés que par l’odeur des herbes,
perdirent pourtant leur peau vieille de nombreuses années.
À son retour, elle s’arrête en deçà du seuil de la porte d’entrée,
n’ayant comme toit que le ciel ; elle évite tout contact
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avec les hommes ; puis elle dresse deux autels de gazon,
du côté droit, celui d’Hécate, à gauche, celui de Iuuenta.
Lorsqu’elle les a entourés de rameaux et de feuilles sauvages,
elle creuse, non loin de là, deux trous dans la terre,
et fait un sacrifice : elle égorge d’un coup de couteau une victime
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à toison noire, dont elle verse le sang dans les larges tranchées.
Alors par-dessus ce sang elle vide des coupes d’un vin clair,
puis d’autres coupes de lait tiède. En même temps
elle prononce des formules pour apaiser les divinités de la terre,
et demande au roi des ombres et à l’épouse qu’il a enlevée
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de ne pas priver trop vite du souffle vital les membres du vieillard.
Lorsqu’elle les eut apaisés par des prières longuement murmurées,
elle ordonna de transporter à l’air libre le corps épuisé d’Éson,
et après qu’une incantation l’eut plongé dans un profond sommeil,
elle le fit étendre sur une couche d’herbes, comme un être sans vie.
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Elle ordonne au fils d’Éson et à ses serviteurs de s’écarter de l’endroit,
et les avertit de détourner de ses secrets leurs yeux profanes.
Dociles à son ordre, ils se dispersent. Médée, cheveux épars,
à la manière des Bacchantes, fait le tour des autels brûlants
et, dans les trous noirs de sang, trempe des torches faites de brindilles
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qu’elle allume, tout imbibées, sur les deux autels. Elle purifie le vieillard
chaque fois à trois reprises, avec du feu, de l’eau, du soufre.
Entre-temps, dans un chaudron de bronze placé sur la flamme
bout un philtre puissant, qui bouillonne, gonflé de blanche écume.
Là, avec les racines cueillies dans la vallée d’Hémonie,
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Médée fait cuire graines, fleurs et sucs noirâtres.
Elle y jette des pierres ramenées de l’Orient lointain
et du sable de l’Océan, lavé par la mer quand elle reflue ;
elle y ajoute encore de la rosée recueillie par une nuit de pleine lune,
les ailes maudites d’une strige, garnies de leurs chairs,
270
et les entrailles d’un être habitué à transformer en homme
son aspect sauvage, le loup-garou. Elle n’a pas oublié
la peau écailleuse d’un petit chélydre du Cinyps
et le foie d’un cerf très âgé, ingrédients qu’elle complète
avec des œufs et la tête d’une corneille qui a vécu neuf siècles.
Médée fait bouillir dans un chaudron tous les ingrédients rassemblés, en les mélangeant à l’aide d’une branche morte d’olivier. Dès qu’elle voit cette branche séchée se couvrir de feuilles et de fruits, tandis que des fleurs et de la verdure surgissent des éclaboussures tombées du chaudron sur le sol, elle procède aussitôt à une sorte de transfusion : elle vide Éson de tout son sang, qu’elle remplace par ces sucs de jouvence. Le miracle s’opère, et Éson se trouve rajeuni de quarante ans. (7, 275-293)
Ovide fait ensuite une brève allusion au rajeunissement des nourrices de Liber, effectué par Médée à la demande du dieu. (7, 294-296)
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Lorsque, avec ces ingrédients et mille autres impossibles à nommer,
la barbare eut mis au point un projet dépassant les pouvoirs d’un mortel,
à l’aide d’une branche de tendre olivier séchée depuis longtemps,
elle mélangea le tout, mêlant les parties du fond à celles du dessus.
Et voilà que la branche morte, ayant tourné dans le chaudron brûlant,
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commence à verdir puis, après un court moment, à se couvrir de feuilles,
avant de se trouver tout à coup chargée de lourdes olives.
Partout où le feu a fait sortir de l’écume hors du chaudron,
partout où des gouttes bouillantes sont tombées sur le sol,
la terre reverdit, des fleurs et un tendre gazon se mettent à pousser.
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À cette vue, Médée tire immédiatement une épée de son fourreau,
ouvre la gorge du vieillard et, après avoir laissé s’écouler le vieux sang,
elle lui emplit les veines de ses sucs. Lorsqu’Éson les eut absorbés
par la bouche ou par sa blessure, sa barbe et ses cheveux
cessèrent d’être blancs et prirent une teinte noire ;
290
chassée, sa maigreur disparaît, pâleur et traces de l’âge s’effacent,
une chair nouvelle vient combler le creux de ses rides,
et ses membres retrouvent leur vigueur. Éson est émerveillé,
il se retrouve tel qu’il était autrefois, quatre décennies auparavant.
Du haut du ciel, Liber avait vu ce prodige merveilleux,
295
et, ainsi averti que ses nourrices pouvaient recouvrer
leurs jeunes années, il obtient cette faveur de la Colchidienne.
Médée, qui veut venger Jason lésé par Pélias, met au point une machination machiavélique. Elle simule un différend avec Jason et se présente en suppliante au palais de Pélias ; en feignant des sentiments amicaux et en se vantant notamment d’avoir rajeuni son beau-père Éson, elle éveille chez les filles du vieux Pélias le désir de rajeunir leur père, comme l’avait été naguère Éson. Toujours rusant, pour mettre les filles en totale confiance, Médée promet de transformer sous leurs yeux un vieux bélier en un jeune agneau, métamorphose qu’elle réalise en faisant cuire les membres dépecés de l’animal dans un bouillon magique. Bientôt sort du chaudron un jeune agneau, ce qui accentue la détermination et l’insistance des Péliades. (1, 297-324)
Quatre nuits plus tard, Médée, ayant feint de préparer sa mixture magique, plonge dans le sommeil Pélias et ses gardes, puis elle pousse les filles de Pélias à traiter leur père comme elle-même a traité le vieux bélier. Horrifiées mais animées des meilleures intentions, les filles blessent gravement leur père incrédule, que Médée finit par achever. (7, 325-349)
297
Et pour ne pas cesser ses ruses, la fille du Phase simule faussement
de la haine pour son époux. Elle court à la demeure de Pélias,
comme une suppliante ; vu la vieillesse qui accable le roi,
300
ce sont ses filles qui l’accueillent ; très vite, habilement,
la Colchidienne, en feignant une amitié trompeuse, les séduit
et leur rapporte comme étant le plus grand de ses mérites
le fait d’avoir tiré Éson de la décrépitude. S’attardant sur ce point,
elle éveille chez les filles de Pélias l’espoir qu’elle pourra aussi,
305
grâce à son art, rendre à leur père la vigueur de la jeunesse.
Elles le lui demandent, lui disant de fixer son prix, si élevé soit-il.
Pendant un bref moment Médée se tait, semble hésiter
et, simulant la gravité, laisse ses solliciteuses dans l’incertitude.
Puis elle s’engage et dit : « Pour vous donner davantage confiance
310
en ma promesse, mon filtre va transformer en agneau
le plus vieux bélier de votre troupeau, celui qui mène les brebis. »
Aussitôt on amène, épuisé par le nombre des ans, un animal laineux
aux cornes recourbées autour de ses tempes creuses.
Dès que, se servant d’un couteau d’Hémonie, la magicienne eut fouillé
315
la gorge flétrie, tachant d’un mince filet de sang la lame de fer,
elle plonge dans un chaudron de bronze les chairs de l’animal
qu’elle mêle à des sucs puissants. Sous l’effet des drogues,
les membres rapetissent ; les cornes, et les ans avec elles, se consument ;
puis on entend un faible bêlement, montant du milieu du chaudron.
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Et aussitôt, devant les gens étonnés par ce bêlement, bondit un agneau,
qui s’échappe en s’ébattant, cherchant des mamelles à téter.
Les filles de Pélias restèrent stupéfaites ; et comme la promesse
paraît réalisable, elles se font alors encore plus insistantes.
Trois fois Phébus avait retiré le joug de ses chevaux plongés
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dans le fleuve d’Hibérie, et les astres radieux scintillaient
depuis quatre nuits, quand la fille d’Aeétès, experte en tromperie,
posa sur un feu dévorant de l’eau pure et des herbes anodines.
Et déjà un sommeil semblable à la mort pesait sur le roi,
dont le corps s’était engourdi, et aussi sur ses gardes ;
330
il était dû aux incantations et à la puissance des formules magiques.
Les filles du roi, sur ordre de la Colchidienne, étaient entrées avec elle
et entouraient le lit : « Quoi ? Maintenant, vous hésitez, sans agir ?
Tirez vos épées et faites couler le vieux sang, » dit-elle,
« ainsi, je pourrai remplir d’un sang jeune les veines vides !
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La vie de votre père ainsi que son âge sont entre vos mains.
Si vous éprouvez de la piété filiale, sans vous contenter de vains espoirs,
rendez ce service à votre père, chassez sa vieillesse avec des armes
et, en enfonçant le fer, faites disparaître son sang corrompu ! »
Sur ces conseils, la plus pieuse d’entre elles est la première impie
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et pour éviter d’être criminelle commet un crime.
Cependant, aucune ne peut regarder les coups qu’elles portent,
elles détournent les yeux et, d’une main cruelle, frappent à l’aveuglette.
Lui, ruisselant de sang, appuyé sur le coude,
soulève pourtant ses membres, et tout pantelant, essaie de se lever.
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Au milieu de tant de glaives, il tend ses bras livides et dit :
« Que faites-vous, mes filles ? Quelle raison avez-vous de vous armer
contre la vie de votre père ? » Leur courage et leurs mains défaillirent.
Comme Pélias voulait parler encore, la Colchidienne lui coupa la gorge
en même temps que la parole, le dépeça et le plongea dans l’eau bouillante.
Hémonie (7, 159). Autre nom de la Thessalie.
Éson (7, 164). Père de Jason, roi de Iolcos, détrôné par son demi-frère Pélias. La légende concernant son rajeunissement nous est connue principalement par ce texte des Métamorphoses et par de rares fragments. Ovide s’inspire parfois de légendes peu connues, qu’il enrichit en fonction de son sujet. Il utilise en l’occurrence la capacité prêtée à Médée d’opérer des métamorphoses.
Hécate (7, 174). La déesse protectrice de la magicienne.Voir note à 7, 74.
cornes de la lune... (7, 179-181). On retrouve ici encore un tour recherché pour exprimer l’évolution du temps, en l’occurrence une des phases de la lune. De tout temps, l’activité des magiciennes et des sorcières est liée à la pleine lune !
sans ceinture... (7, 182ss). Médée respecte les prescriptions attribuées traditionnellement à beaucoup d’opérations de caractère religieux ou mystérieux, au cours desquelles les officiants ne devaient porter aucun lien, pour indiquer leur soumission totale aux divinités invoquées (d’après G. Lafaye) Voir 1, 382. Pour une étude approfondie de ce passage, qui constitue une description intéressante de la préparation d’une séance de magie, on peut consulter A.M. Tupet, La magie dans la poésie latine, Paris, 1976, p. 401ss.
sans un bruit, elle se faufile telle une somnambule (7, 186a). Texte peu sûr et suspect.
les fleuves... (7, 199-206). Ici commence une énumération de phénomènes (fleuves remontant à leurs sources, tempêtes soulevées ou apaisées, destruction de serpents, déplacements des rochers et des forêts, Mânes sortant des tombeaux). Tous ces phénomènes, totalement contraires à l’expérience usuelle, sont régulièrement attribués aux pouvoirs des magiciens, notamment chez les poètes latins. Ovide semble bien documenté sur le sujet.
Lune (7, 207). C’est une des prétentions attribuées aux sorcières d’attirer la lune sur terre. Plusieurs textes mentionnent ce sortilège, sans qu’on sache vraiment à quoi il pouvait correspondre, sauf peut-être à une éclipse. L’ouvrage de A.M. Tupet consacre tout un chapitre (p. 92-103) à la descente de la lune.
Témèse (7, 207). Si l’on en croit J. Chamonard, les Anciens croyaient que les éclipses étaient dues à des actions magiques, et que l’on pouvait conjurer le phénomène en faisant du bruit avec des objets de bronze. Témèse était une ville du Bruttium, qui semble connue pour ses mines de cuivre. Cfr aussi Fastes, 5, 441 note, et Mét., 15, 707.
mon aïeul (7, 209). Le Soleil ou Hélios, père d’Aeétès.
taureaux... (7, 210-214). Rappel des trois épreuves dont put triompher Jason grâce à l’art de Médée. Voir 7, 29-31 et 100-155.
Tempé (7, 222). Vallée du Pénée, en Thessalie, chantée par les poètes comme un lieu particulièrement agréable, ce qui explique son survol par Médée, laquelle paraît peu intéressée. Voir 1, 569 et note ; 7, 371.
Ossa... Pélion... Othrys... Pinde... Olympe (7, 224-225). Ces montagnes bordent toutes la plaine de Thessalie : à l’est, l’Ossa et le Pélion (voir 1, 151-155 et notes) ; au sud, l’Othrys ; à l’ouest, le Pinde ; au nord, l’Olympe (J. Chamonard). Pour une énumération de ces monts, voir 2, 217-226 et note au v. 217.
Éridan, Amphrysus, Énipée, Pénée, Sperchios (7, 228-230). Après l’énumération des montagnes, Ovide cite divers fleuves, ce qui rappelle la liste des fleuves de Thessalie cités en 1, 579-570 (voir la note, notamment à propos de l’Éridan). Pour le Pénée, père de Daphné, voir 1, 452ss.
Boebé (7, 231). Une ville et un lac portant ce nom, en Thessalie, au pied du Pélion, sont cités chez Homère, Iliade, 2, 711.
Anthédon (7, 232). Ville qui se situe, non pas en Eubée, mais sur la côte nord de la Béotie, en face de l’île d’Eubée donc. C’est pourquoi G. Lafaye traduit « près de l’Eubée » et J. Chamonard « sur le détroit d’Eubée ».
Glaucus (7, 233). Allusion à la résurrection miraculeuse de Glaucos, qui sera racontée par Ovide, Mét., 13, 904-965. Voir aussi, Fastes, 6, 750-752 et la note.
vieille peau (7, 237). Tout comme l’allusion à Glaucus (233), l’évocation de la nouvelle peau des serpents présage la réussite de l’entreprise de Médée ; elle démontre en même temps la grande compétence de la magicienne, en ce qui concerne les lieux où l’on trouve des herbes magiques et leurs effets.
Iuuenta (7, 241). Appelée aussi Iuuentas ou Iuuentus, elle est à Rome, la déesse de la jeunesse, assimilée à l’Hébé des Grecs.
fait un sacrifice... (7, 244ss). Ce passage qui montre Médée sacrifiant aux divinités infernales serait à rapprocher de Homère, Odyssée, 11, 23-37. (G. Lafaye et J. Chamonard). On pourra comparer aussi avec Virgile, Én., 6, 236-254, où Énée exécute divers rites pour accéder aux enfers. Ovide ici ne précise pas le sexe de la victime immolée.
le roi des ombres... (7, 249-250). Pluton, le roi des enfers, qui avait enlevé Proserpine (Perséphone), la fille de Cérès (Démèter). Voir Mét., 5, 362-408 avec les notes et Fastes, 4, 417-455. Sur Proserpine tranchant la destinée des humains, voir Virgile, Én., 4, 696-699 et les notes.
Elle ordonne... chaque fois à trois reprises (7, 255-261). Ces vers détaillent un certain nombre de rites propres aux cérémonies des mystères et de la magie : mise à l’écart des profanes, tenue particulière, circumambulatio, etc... La triple répétition est courante aussi dans des cérémonies religieuses.
philtre... (7, 263-274). Le philtre concocté par Médée contient divers éléments (végétaux, minéraux, animaux) liés dans l’imaginaire à la longévité. Sans doute Ovide a-t-il donné libre cours à son imagination, mais en gardant toujours comme fil conducteur la notion de rajeunissement ou de longévité. Pour une analyse très détaillée de ce passage, cfr A.M. Tupet, La Magie dans la la poésie latine, p. 56ss.
racines cueillies en Hémonie (7, 264-265). Voir 7, 220-237.
strige (7, 269). Oiseau nocturne et rapace, sans doute plus légendaire que réel, lié à la sorcellerie, et jouissant d’une réputation sinistre, un peu comme le hibou.
loup-garou (7, 270-271). De nombreuses civilisations croyaient en l’existence d’êtres malfaisants qui avaient le pouvoir de se métamorphoser en loup la nuit, et qui reprenaient forme humaine le jour. Les Grecs parlaient à ce propos de « lycanthropes » et du phénomène de « lycanthropie », deux mots composés de « lukos » (loup) et de « anthropos » (homme). On peut supposer que l’allusion annonce la métamorphose du rajeunissement.
chélydre du Cinyps (7, 272). Le chelydrus est une sorte de serpent venimeux d’Afrique ; quant au Cinyps, c’est un cours d’eau d’Afrique du Nord (Libye), dans les environs de Leptis Magna. Voir 5, 123-124.
Liber... (7, 294-296). Allusion à une légende obscure. On sait que Liber (Bacchus/Dionysos), dont la naissance exceptionnelle a été racontée par Ovide en Mét., 3, 310-315, a été d’abord confié à sa tante Ino, puis aux nymphes de Nysa. Eschyle avait écrit une tragédie, perdue, intitulée Les Nourrices de Dionysos. Est-ce par souci d’exhaustivité qu’Ovide fait allusion à une métamorphose de plus ? En tout cas l’allusion à Liber n’apparaît pas bien intégrée dans le contexte immédiat.
ses ruses (7, 298). Médée qu’Ovide a présentée jusqu’ici sous un jour plutôt positif (son dévouement à Jason, son attitude envers Éson, ses remords à l’égard de son propre père...), va maintenant être décrite comme diabolique, rusée et malfaisante.
fille du Phase (7, 298). Médée vient de la Colchide, où coule le Phase. Voir note 7, 5.
Pélias (7, 299). Fils de Poséidon et de Tyro, Pélias et son frère Nélée ont été exposés à leur naissance, puis recueillis et élevés par un passant. Devenus adultes, ils se rendent à Iolcos, dont le roi Créthée est devenu l’époux de Tyro. Ce couple eut des enfants, dont Éson. À la mort de Créthée, Pélias empêche son demi-frère Éson de régner à Iolcos, le chasse et supprime ses enfants, à l’exception de Jason, et il s’empare du trône de Iolcos. Il a un fils, et quatre ou cinq filles. Pélias avait appris par un oracle qu’il périrait de la main d’un homme chaussé d’une seule sandale. Un jour, Jason devenu adulte, se présenta à la cour de Pélias pour faire valoir ses droits au trône. Il était chaussé d’une seule sandale, car il avait perdu l’autre en aidant une vieille, en réalité la déesse Héra, à traverser une rivière. Pélias, qui se souvenait de l’oracle, fit semblant d’accepter la revendication de Jason, mais en lui imposant comme épreuve préalable une mission qu’il croyait impossible : la conquête de la toison d’or. Contrairement à toute attente, Jason revint de Colchide avec la fameuse Toison d’or. La suite du texte raconte la version ovidienne de la mort de Pélias et de la vengeance de Jason et de Médée, quelque peu différente d’autres versions, telles par exemple Hygin, Fab., 24 ; Apollodore, Bib., 1, 9 ; Diodore, 4, 50 et 51.
ses filles (7, 300). Pélias avait quatre ou cinq filles, selon les versions, dont l’aînée était Alceste, la future épouse d’Admète.
couteau d’Hémonie (7, 314). On se trouve en Thessalie, appelée souvent Hémonie en poésie.
Trois fois Phébus... (7, 324). Périphrase pour indiquer que trois jours ont passé. Allusion au char du Soleil qui chaque jour fait le tour de la Terre, tiré par des chevaux, qui parviennent le soir à l’Océan, où ils se baignent. Voir Mét., 2, 1-152.
fleuve d’Hibérie (7, 325). En poésie, le terme Hibérie désigne souvent l’Occident, où les Anciens situaient l’Océan, dans lequel se terminait la course diurne du Soleil. L’Océan était imaginé comme un fleuve entourant le monde. (G. Lafaye).
eau pure... herbes anodines (7, 327). Médée, n’envisageant pas de rajeunir Pélias, recourt à des produits sans aucun effet particulier.