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Jason et ses compagnons, partis de Pagasa en Thessalie sur le navire Argo, avaient abouti en Colchide après diverses péripéties.
Et déjà les Myniens fendaient les flots avec leur poupe de Pagasa.
Ils avaient vu Phinée traînant dans une nuit perpétuelle
sa pauvre vieillesse. Les jeunes fils de l’Aquilon avaient éloigné
de la bouche du misérable vieillard les oiseaux à tête de jeune fille.
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Puis, après avoir subi maints tourments, sous la conduite de l’illustre Jason,
ils avaient enfin atteint le cours rapide du Phase aux flots boueux.
Tandis que les Argonautes se voient imposer des épreuves apparemment irréalisables pour obtenir la Toison d’or, Médée éprouve une passion brûlante pour Jason, en dépit de la raison qui la pousse à lutter contre ses sentiments. (7, 7-11a)
Un long soliloque nous révèle les réflexions de Médée : son amour grandissant et irrésistible se heurtant à la volonté de son père, sa crainte pour Jason exposé au danger, sa compassion et son désir de l’aider, sa jalousie vis-à-vis d’une rivale possible, son rêve d’être épousée, son aspiration à connaître une civilisation plus raffinée, son appréhension des dangers de la traversée, sa confiance en l’être qu’elle aime. À diverses reprises, Médée semble suivre la voix de la raison, et choisit l’honneur et la fidélité patriotique plutôt que sa passion. (7, 11b-73)
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Alors, les Minyens se rendent chez le roi, réclamant la toison de Phrixus,
mais ils se voient imposer des épreuves difficiles et effroyables.
Pendant ce temps, la fille d’Aeétès se sent gagnée par un feu puissant :
malgré une longue lutte, sa raison ne parvenant pas à vaincre
sa folie, elle se dit :
« C’est en vain que tu résistes, Médée ;
je ne sais quel dieu s’oppose à toi ; et il serait étonnant que ce ne soit
ce qu’on appelle l’amour, ou en tout cas une chose qui y ressemble.
Pourquoi donc les ordres de mon père me semblent-ils trop durs ?
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C’est que vraiment ils sont trop durs ! Pourquoi craindre la perte
d’un homme que je viens seulement de voir ? Pourquoi une telle crainte ?
Si tu le peux, malheureuse, rejette ce feu que tu nourris
en ton cœur virginal ! Si je le pouvais, je serais plus raisonnable !
Mais une force nouvelle pour moi m’entraîne contre mon gré ;
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mon désir me suggère une chose, ma raison une autre ; le meilleur parti
je le vois et je l’approuve mais je choisis le pire. Pourquoi, fille de roi,
brûles-tu pour un inconnu, en rêvant d’union dans un monde étranger ?
Notre terre aussi peut t’offrir quelqu’un à aimer. Qu’il vive ou périsse,
cela dépend des dieux. Qu’il vive, pourtant ! Même sans aimer,
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on peut faire cette prière. En fait, quelle est la faute de Jason ?
Qui, sinon un être cruel, serait insensible à Jason, à son âge,
à sa noblesse, à son courage ? Même si le reste lui faisait défaut,
qui résisterait à son visage ? Oui, il a touché mon cœur.
Si je ne l’aide pas, il sera emporté par le souffle des taureaux,
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il se battra contre ce qu’il sèmera, des ennemis nés de la terre,
ou, comme une bête sauvage, il servira de proie au dragon vorace.
Si je supporte cela, alors je m’avouerai née d’une tigresse,
alors je dirai que je porte en mon cœur du fer et des rocs !
Pourquoi ne pas aller aussi assister à sa perte et souiller mes yeux
à ce spectacle ? Pourquoi ne pas exciter contre lui les taureaux
et les êtres féroces nés de la terre et le dragon qui ne dort jamais ?
Que les dieux veuillent ce qui est le meilleur ! Mais il me faut
non pas prier, mais agir. Vais-je trahir le royaume de mon père,
aider je ne sais quel étranger à avoir la vie sauve
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pour que, sauvé par moi, il livre sans moi ses voiles au vent
et en épouse une autre, laissant Médée seule à son châtiment ?
S’il peut se comporter ainsi, s’il me préfère une autre femme,
qu’il meure, l’ingrat ! Pourtant, il n’a pas le visage d’un ingrat ;
ni la noblesse de son âme ni la grâce de sa beauté
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ne me font craindre qu’il me trompe et oublie mes bienfaits.
Auparavant, il me donnera sa parole, et j’exigerai un accord
dont les dieux seront témoins. Pourquoi redouter une chose si sûre ?
Prépare-toi et agis sans tarder ; Jason te sera à jamais redevable,
il s’unira à toi sous des torches solennelles, et dans les villes pélasges
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les mères en foule te célébreront pour avoir sauvé leurs fils.
Ainsi donc, je quitterai ma sœur et mon frère et mon père
et mes dieux et ma terre natale, et je me laisserai emporter par les vents ?
Oui, mais mon père est cruel et ma terre est barbare,
mon frère est encore un enfant ; ma sœur m’appuie de ses vœux ;
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j’ai en moi le plus grand des dieux ! Je ne quitterai rien de grand,
grands sont mes objectifs : le titre de sauveur de la jeunesse achéenne,
la connaissance d’une terre meilleure, des villes dont la renommée
s’étend jusqu’ici, la civilisation et les arts de ces contrées.
Et puis aussi cet homme, le fils d’Éson, pour qui je voudrais donner
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les trésors du monde entier. Avec cet époux, on me proclamera
heureuse, aimée des dieux, et de mon front je toucherai les étoiles.
Sans doute, à ce qu’on raconte, je ne sais quels monts se heurtent
au milieu des flots, Charybde, ennemie des bateaux, engloutit les ondes
ou les recrache, tour à tour, et la rapace Scylla, avec sa ceinture
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de chiens féroces, lance ses aboiements dans l’abîme sicilien.
Oui, mais c’est en étreignant mon amour, pressée sur le cœur de Jason,
que je traverserai l’immensité marine ; dans ses bras, je ne craindrai rien,
ou, si je ressens quelque peur, ce sera seulement pour mon époux.
Penses-tu vraiment au mariage ? Ne couvres-tu pas ta faute
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sous un nom spécieux, Médée ? Examine plutôt la gravité de l’interdit
que tu vas transgresser et, tant que tu le peux, évite tout reproche ! »
Elle acheva de parler ; le Droit, la Piété, la Pudeur étaient présents
devant ses yeux, et Cupidon, désormais vaincu, tournait le dos.
Mais il suffit que Médée voie paraître Jason pour que la flamme de l’amour l’embrase de plus belle. (7, 74-88)
Et quand Jason, pour obtenir son aide, lui promet de partager sa couche, Médée accepte en insistant bien sur l’engagement qu’il prend. Après un serment solennel de Jason, Médée lui apporte les herbes magiques avec leur mode d’emploi, qui permettront au héros de triompher des épreuves imposées. (7, 89-99)
Médée se rendait aux antiques autels d’Hécate, fille de Persè,
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autels que protégeaient un bois ombragé et une forêt écartée.
Désormais elle était forte, et son ardeur s’était apaisée.
Mais quand elle aperçoit le fils d’Éson, sa flamme éteinte se ralluma.
Ses joues s’empourprèrent, tout son visage devint brûlant.
Tout comme d’habitude se nourrit du souffle du vent,
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une petite étincelle restée cachée sous la cendre,
puis grandit et, ainsi excitée, rejaillit avec sa force d’antan,
ainsi son amour engourdi, que l’on eût cru éteint désormais,
dès qu’elle aperçoit le jeune homme, s’embrase à sa vue.
Le hasard voulut que le fils d’Éson fût ce jour-là
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plus beau que de coutume ; l’amoureuse était excusable.
Elle l’admire, tient les yeux fixés sur son visage comme si elle le voyait
alors pour la première fois ; égarée, elle pense que ce qu’elle voit
n’est pas le visage d’un mortel et ne détache plus de lui ses regards.
Mais, dès que l’étranger se mit à parler, lui saisit la main,
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et lui demanda son aide d’une voix pleine de douceur,
lui promettant de partager son lit, elle dit, fondant en larmes :
« Je vois ce que je dois faire ; ce qui m’abusera, ce ne sera pas
l’ignorance de la voie de la vérité, mais l’amour. Tu seras sauvé
grâce à mon aide ; mais une fois sauf, tiens ta promesse ! »
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Et lui, par le culte sacré de la triple déesse, par la divinité présente
en ce bois sacré, par celui qui voit tout, le père de son futur beau-père,
par les événements et les grands périls à venir, il s’engage par serment.
Elle le crut, et aussitôt, il reçut des herbes magiques,
en apprit l’usage et, tout heureux, se retira en sa demeure.
Le lecteur est convié ensuite à une sorte de spectacle : en présence d’une assistance nombreuse et du roi de Colchide en tenue d’apparat, des taureaux crachant le feu font face à un Jason qui reste serein, fort des sortilèges de Médée ; sans mal il dompte les monstres et, à la surprise générale, contraint ces taureaux redoutables, métamorphosés en paisibles animaux domestiques, à labourer la plaine voisine. (7, 100-119)
Après ce premier succès, Jason doit semer dans la terre fraîchement labourée les dents d’un dragon. Bientôt, ces dents enfouies dans la terre se métamorphosent en guerriers armés, prêts à s’en prendre à Jason, tout cela à la grande consternation de ses compagnons et aussi de Médée qui, secrètement, renforce ses artifices magiques. En lançant un bloc de pierre parmi les combattants, Jason détourne le combat de sa personne, et les guerriers s’entretuent. (7, 120-143)
Médée, qui pudiquement dissimulait sa joie, intervient encore lors de l’ultime épreuve imposée à Jason. À l’aide d’une herbe et d’une formule magique engendrant oubli et sommeil, elle endort le monstrueux dragon, gardien de la Toison. Jason s’empare du trophée, fuit aussitôt la Colchide, emmenant avec lui la Toison d’or et Médée, et se retrouve à Iolcos. (7, 144-158)
L’Aurore suivante avait chassé les étoiles scintillantes.
La foule se rassemble dans le Champ consacré de Mars
et s’installe en haut des collines. Entouré de gardes, le roi est assis
vêtu de pourpre et reconnaissable à son sceptre d’ivoire.
Voici venir, soufflant Vulcain par leurs naseaux d’acier,
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les taureaux aux sabots d’airain, qui font s’embraser
les herbes effleurées par leur haleine. Telles des forges pleines
qui grondent ou telle la chaux qui se désagrège
dans un four de terre et bouillonne quand on l’asperge d’eau,
ainsi résonnent, roulant les flammes qu’elles contiennent,
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leurs poitrines et leurs gorges en feu. Pourtant le fils d’Éson
les affronte. Farouches, ils ont tourné vers l’arrivant
leurs têtes redoutables aux cornes garnies de fer ;
de leurs sabots fendus, ils ont frappé le sol poussiéreux,
et empli les lieux de leurs mugissements, en soufflant de la fumée.
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Les Minyens sont glacés de peur ; Jason s’approche. Il ne sent pas
les haleines de feu, – tant sont puissantes les drogues magiques !
Avec audace, il caresse de la main leurs fanons pendants,
les charge d’un joug, les force à tirer une lourde charrue
et à fendre la plaine peu accoutumée au soc de fer.
Les Colchidiens s’étonnent ; les Minyens par leurs cris augmentent
et redoublent sa vaillance. Alors, de son casque d’airain,
Jason retire les dents du serpent qu’il répand sur les champs labourés.
La terre amollit les semences trempées auparavant dans un fort venin,
les dents semées grandissent et deviennent de nouveaux corps.
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Et comme, dans le ventre de sa mère, l’enfant prend forme humaine
et se constitue à l’intérieur en ses différentes parties,
ne sortant pour respirer l’air commun qu’une fois à maturité,
ainsi dès que, dans les entrailles de la terre gravide, s’est effectuée
une figure humaine, cet homme surgit dans le champ fécondé
et, fait plus étonnant encore, il agite les armes produites avec lui.
Dès qu’ils virent ces guerriers prêts à lancer sur la tête
du jeune Hémonien leurs piques aux pointes acérées,
les Pélasges, terrifiés, baissèrent le front et perdirent courage.
Médée aussi, qui l’avait tenu à l’abri du danger, fut épouvantée.
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Lorsqu’elle voit le jeune homme, seul, attaqué par tant d’ennemis,
elle pâlit et soudain s’assied, glacée, comme vidée de son sang.
Alors, de peur que les herbes qu’elle lui a données aient trop peu d’effet,
elle l’aide avec une incantation magique et évoque ses artifices secrets.
Jason lance au milieu des ennemis une lourde pierre,
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et fait se retourner contre eux le combat qu’il détourne ainsi de lui :
ces frères nés de la Terre périssent sous leurs coups mutuels
et tombent victimes d’une lutte civile. Les Achéens félicitent
leur vainqueur, le saisissent, et ardemment le serrent dans leurs bras.
Toi aussi, fille barbare, tu voudrais étreindre le vainqueur,
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mais la pudeur s’oppose à ton dessein ; oui, tu l’aurais bien embrassé,
mais le souci de ta réputation te retint de la faire.
Ce qui t’est permis, c’est te réjouir en silence et rendre grâces
à tes incantations et aux dieux qui te les inspirent.
Il reste à endormir avec des herbes le dragon toujours éveillé,
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impressionnant avec sa crête, ses trois langues et ses dents
en forme de crocs : c’est le gardien redoutable de l’arbre aux reflets d’or.
Jason l’aspergea du suc d’une herbe digne du Léthé, et trois fois
prononça les paroles qui provoquent un sommeil paisible,
apaisent la mer déchaînée et calment les fleuves impétueux ;
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alors le sommeil gagna ces yeux qui ne le connaissaient pas.
Le héros, fils d’Éson, s’empare de la Toison d’or et, fier de son butin,
emporte avec lui, second butin, celle à qui il doit cette conquête ;
avec son épouse, il rejoint en vainqueur le port de Iolcos.
Rappels mythologiques sur les événements de la première partie du livre 7
Médée : La longueur du passage consacré à Médée dans le livre VII (vers 7-424) suffit à montrer l’intérêt d’Ovide pour ce sujet, qu’il a du reste abordé à trois reprises : dans sa tragédie, Médée, aujourd’hui perdue, dans les Héroïdes, 12, et dans ce long passage des Métamorphoses. La légende était très connue de ses lecteurs. Dans les Métamorphoses, il retient surtout parmi les récits concernant Médée les épisodes où elle exerce son rôle de magicienne, capable d’opérer des métamorphoses. Les événements les plus tragiques de sa légende, dont le plus connu est le meurtre de ses propres enfants, ne sont pas exploités ici. Ovide se borne souvent à des allusions très brèves, soucieux sans doute de traiter son sujet avec originalité.
La Toison d’or : C’est la toison du bélier Chrysomallos, né de Poséidon et Théophané (qui, pour pouvoir se rencontrer, avaient été respectivement métamorphosés en bélier et en brebis). Hermès (ou Héra, selon les versions) avait offert l’animal à Néphélé, l’épouse d’Athamas, pour permettre à ses enfants Phrixus et Hellé de se sauver, et leur éviter ainsi d’être immolés, victimes d’une machination de leur marâtre Ino. Fuyant sur cette monture miraculeuse, Hellé se noya dans l’Hellespont, mais Phrixus parvint en Colchide ; il immola alors le bélier en l’honneur de Zeus et en offrit la toison au roi du lieu, Aeétès, qui l’attacha à un chêne dans un bois consacré à Arès et le fit garder par un dragon. (Voir Fastes, 3, 852-876, et les notes).
L’expédition des Argonautes : Éson, roi de Iolcos, en Thessalie, avait été détrôné par son demi-frère Pélias, lequel avait supprimé aussi ses descendants, à l’exception de Jason, confié par son père au centaure Chiron. Pélias, régnant à Iolcos avait appris par un oracle qu’il périrait de la main d’un homme chaussé d’une seule sandale. Un jour Jason, devenu adulte, se présenta à la cour de Pélias pour faire valoir ses droits au trône. Il était chaussé d’une seule sandale, car il avait perdu l’autre en aidant une vieille, en réalité la déesse Héra, à traverser une rivière. Pélias, qui se souvenait de l’oracle, fit semblant d’accepter la revendication de Jason, mais en lui imposant comme épreuve préalable une mission qu’il croyait impossible : la conquête de la Toison d’or.
Jason et une bonne cinquantaine de valeureux héros grecs s’embarquent sur le navire Argo. Ils parviennent en Colchide après bien des étapes et des péripéties, qu’Ovide néglige de mentionner ici. Le roi Aeétès consent à laisser la Toison à Jason, moyennant différentes épreuves, a priori irréalisables. Mais Jason en sortira vainqueur, avec l’aide de Médée, une fille d’Aeétès. Une fois en possession de la précieuse Toison, Jason et les Argonautes s’enfuient avec Médée. Après un retour plus long encore que l’aller, et lui aussi jalonné de péripéties, sur lesquelles Ovide ne s’arrête pas davantage, le groupe rentre enfin à Iolcos.
Médée la magicienne : Dès l’époque alexandrine, Médée est un personnage littéraire, figure de la magicienne par excellence. Elle joue déjà ce rôle chez les Tragiques grecs et chez Apollonius de Rhodes. Fille du roi de Colchide Aeétès, petite-fille de Hélios (Soleil) et belle-sœur de Circé, elle est liée à Hécate (Artémis-Diane), la patronne de toutes les magiciennes. Lors de l’arrivée des Argonautes en Colchide, elle s’éprit de Jason et l’aida, grâce à la magie et moyennant la promesse de se faire épouser, à conquérir la fameuse Toison. Jason emmena Médée avec lui et l’épousa au cours du voyage de retour (dans l’île des Phéaciens, selon certaines versions).
À Iolcos, Médée, abusant de la crédulité des filles de Pélias, poussa celles-ci à faire mourir leur père. Suite à ce meurtre, Jason et Médée, bannis de Iolcos, émigrèrent à Corinthe, où ils vécurent plusieurs années. Un jour Créon, le roi de Corinthe, voulut donner sa fille Créuse en mariage à Jason, et dès lors, chassa Médée. Celle-ci, avant son départ, se vengea en empoisonnant sa rivale et en tuant ses propres enfants, pour atteindre ainsi Jason dans ce qu’il avait de plus cher. Médée ensuite quitta Corinthe et se rendit à Athènes, où elle fut aidée par Égée, qui l’épousa et dont elle eut un fils, Médos. Quand Égée se rendit compte que Médée avait tenté de tuer Thésée, elle fut bannie d’Athènes et retourna en Colchide avec Médos.
Et déjà... (7, 1-6). Les 6 premiers vers du livre 7, simple transition avec la fin du livre 6 (v. 719-721) qui, à propos de Calaïs et de Zétès, évoquait les Argonautes, ne font que mentionner quelques épisodes de la fameuse expédition. Le lecteur est transporté d’Attique et de Thrace en Colchide, où commence à se dérouler un récit dans lequel Médée détient le rôle majeur.
Myniens (7, 1). Il s’agit des Argonautes, dont beaucoup, comme Jason, descendaient de Minyas. Voir note à 6, 720-721.
Pagasa (7, 1). Port de Thessalie, voisin de Iolcos, d’où partit Jason. La poupe « pagasienne » désigne le navire Argo.
Phinée... les fils nés de l’Aquilon... les oiseaux à tête de jeunes filles (7, 3-5). Divers personnages portent le nom de Phinée. Il a déjà été question au livre V d’un Phinée, oncle et fiancé d’Andromède (5, 1-45 ; 89-95 ; 210-235). Voici un autre Phinée, un roi de Thrace, à la légende assez complexe. Devin, il avait, pour des fautes variant selon les versions, irrité Zeus (ou Hélios) et avait dû choisir entre une vie longue ou l’usage de ses yeux. Ayant choisi de vivre, il était devenu aveugle et était constamment tourmenté par les Harpyes, « oiseaux à tête de vierge », sortes de génies ailés ou d’oiseaux à tête de femme, qui s’abattaient sur sa table, lui dérobant et souillant sa nourriture (cfr Virg., Én., 3, 210-244 et les notes). Lors du passage en Thrace des Argonautes, Zétès et Calaïs, « les fils nés de l’Aquilon ou Boréades », ailés eux aussi (6, 711-721), poursuivirent les Harpyes et délivrèrent ainsi le devin Phinée, en échange de renseignements sur le chemin à suivre vers la Colchide. Sur ce Phinée, voir aussi Ovide, Fastes, 6, 131 et note.
Phase (7, 8). Dieu-fleuve du Phase, en Colchide. Poursuivi par les Érinyes pour avoir tué sa mère, Phase se précipita dans le fleuve Arcturos, qui portera désormais le nom de Phase. À l’époque d’Ovide, le terme Phase est utilisé comme un synonyme de Colchide. Les Argonautes ont donc atteint la Colchide, sur la rive orientale du Pont Euxin (Mer Noire). Il leur reste à conquérir la fameuse Toison d’or.
le roi... Phrixus... (7, 7-8). Le roi de Colchide, Aeétès, père de Médée, à qui Phrixus avait offert la toison du bélier qui l’avait amené de Grèce en Colchide. Voir ci-dessus, le rappel de quelques données mythologiques. Les épreuves imposées aux Argonautes (Minyens) seront évoquées aux vers 7, 35-36 et décrites en 7, 120-155.
fille d’Aeétès (7, 9). C’est Médée. Le soliloque de Médée (7, 11-71) peut être rapproché de celui de Didon dans Virg., Én., 4, 1-55, ainsi que de ceux de Médée elle-même chez Apollonius de Rhodes (Argonautiques, III, 448-471, 750-801) et chez Euripide (par exemple Médée, 364-409, 1021-1080), dont Ovide s’est peut-être inspiré. On en trouve aussi dans la Médée de Sénèque (par exemple 1-55, 116-149).
taureaux (7, 29). Jason devait affronter en premier lieu des taureaux aux pieds d’airain et aux naseaux crachant du feu, épreuve décrite aux vers 7, 100-120.
sèmera (7, 30). La deuxième épreuve consistait pour Jason à semer une partie des dents du dragon tué par Cadmos (3, 35-120), dents que Minerve avait confiées à Aeétès. Jason s’exécuta et les dents donnèrent naissance à des guerriers sortis de terre tout armés, qui finirent par se détruire mutuellement (vers 7, 121-143). Le récit rappelle plus particulièrement les vers 3, 101-125.
dragon (7, 31). Enfin, Jason dut venir à bout du dragon toujours éveillé, qui gardait la Toison d’or (vers 149-155).
pélasges (7, 49). Les Pélasges, un terme qui, au sens propre, désigne une population préhellénique, sont ici synonyme de « Grecs ». Cfr aussi 7, 133.
sauvé leurs fils (7, 50). L’intervention de Médée permettra aux Argonautes de sortir vivants des griffes du dragon.
ma sœur, mon frère... (7, 51). Ovide nulle part ne donne un nom à cette sœur de Médée. Celui qu’on trouve le plus souvent dans la littérature ancienne est Chalciopé, qui aurait été donnée en mariage à Phrixus (Fr. Bömer). Son frère, encore un enfant (vers 54), est appelé Absyrtos, et certaines versions de la légende rapportent que lors de sa fuite avec Jason, Médée l’avait pris en otage, n’hésitant pas à le mettre en pièces et à le jeter à la mer pour retarder la poursuite d’Aeétès.
rochers (7, 62-63). Les Symplégades (ou Cyanées) étaient deux écueils ou îles rocheuses, qui avaient la réputation de flotter à l’entrée du Pont Euxin, et qui s’écartaient puis se rapprochaient, pour briser les bateaux qui voulaient traverser le Bosphore.
Charybde... Scylla (7, 63 et 65). Deux endroits de la mer de Sicile, dans le détroit de Messine, signalés comme particulièrement redoutables pour les navigateurs. Voir Virg., Én., 1, 200 et une note détaillée ; 3, 420 ; 7, 302 et notes ; Ovide, Fastes, 4, 499 et note. Les Métamorphoses (13, 722-968) traitent longuement de Scylla.
Hécate, fille de Persè (7, 74). Hécate, déesse grecque des carrefours, est représentée avec trois têtes et parfois appelée Trivia. Elle est souvent assimilée à Artémis-Diane. Dans Mét., 6, 139-140, il est question d’une herbe d’Hécate, c’est-à-dire magique, la déesse Hécate ayant été considérée comme une divinité présidant à la magie et aux enchantements. Voir aussi Fastes, 1, 141 et 389, et surtout Virgile, Én., 4, 510-511 avec note ; 6, 13, etc.
fondant en larmes (7, 91). Rappelle le combat intérieur de Médée (7, 11-73), et la conscience de l’erreur que constitue sa trahison à l’égard de son père et de sa patrie.
triple déesse (7, 95). Voir 7, 74 et note.
père de son futur beau-père (7, 96). Hélios (Soleil), le dieu qui voit tout, était le père de Aeétès (et de Circé), et donc le futur beau-père de Jason.
en sa demeure (7, 99). Peut-être sur son navire, l’Argo.
Aurore suivante (7, 100). Périphrase signifiant le lendemain. Voir par exemple Mét., 3, 600.
Champ consacré à Mars (7, 101). Évocation à connotation militaire, surtout pour un Romain, le campus Martis de Rome étant particulièrement célèbre.
Vulcain (7, 104). Dieu du feu, qui désigne ici, par métonymie, le feu.
fils d’Éson (7, 110). Jason.
Myniens (7, 115). Les Argonautes. Voir 7, 1 et 6, 720.
dents du serpent (7, 122). Cette deuxième épreuve rappelle l’épisode du monstre vipérin, né de Mars et tué par Cadmos, à son arrivée en Béotie (cfr Mét., 3, 26-137, avec la note à 3, 32). On y lit notamment qu’une fois le serpent abattu par Cadmos, Pallas (Minerve) avait ordonné à son protégé de semer les dents du serpent dans la terre. Bientôt des soldats tout armés sortirent de terre, qui se mirent aussitôt à s’entretuer. Selon certaines sources (par exemple Apollonius de Rhodes, Argonautiques, 3, 1180), Aeétès avait reçu d’Athéna (Minerve) et d’Arès (Mars) la moitié des dents du serpents que Cadmos avait semées à Thèbes. Ce sont ces dents que Jason doit semer dans la terre qui vient d’être retournée.
Hémonien (7, 132). Le terme, synonyme de Thessalien (5, 306), désigne ici Jason.
Pélasges (7, 133). C’est-à-dire les Grecs. Voir 7, 49.
Achéens (7, 142 ). Depuis Homère, ce terme désigne les Grecs.
fille barbare... (7, 144). « Barbare » au sens grec du terme, c’est-à-dire « étrangère ».
aux reflets d’or (7, 151). L’arbre brillait, à cause de la fameuse Toison d’or, qui y était suspendue.
Léthé (7, 152). Fleuve des enfers, dont l’eau avait pour effet de dispenser l’oubli. En grec, le mot Lethe veut dire « oubli ». Voir Virg., Én., 6, 703-715.
Iolcos (7, 158). La ville de Thessalie d’où venait Jason. Rappelons que Pélias, après avoir détrôné son demi-frère Éson, père de Jason, régnait à Iolcos. Pélias avait cherché à perdre son neveu Jason, dont il se méfiait, en le chargeant de ramener la Toison d’or, un exploit quasi insurmontable. On notera que le retour des Argonautes à Iolcos, longuement décrit dans les Argonautiques d’Apollonius de Rhodes notamment, n’est nullement envisagé ici par Ovide, qui traite dans la suite du texte des opérations magiques (et des métamorphoses) effectuées par Médée.